Entretien avec Thomas Perriello sur sa visite de juillet 2015 dans la région des Grands Lacs

Département d'Etat des Etats Unis d'Amérique - 10/08/2015 15:05:00


Vous revenez de la région des Grands Lacs, une région connue pour être l'une des plus instables d'Afrique. C'était votre premier voyage sur place en tant qu'envoyé spécial. Que font les Etats-Unis pour améliorer la vie des populations des Grands Lacs ?

Thomas Perriello : C'est une région instable, mais c'est aussi une région extrêmement prometteuse. Les Etats-Unis ont été et s'efforcent toujours d'être un partenaire majeur pour toutes les questions concernant la sécurité, le développement économique et la santé publique, ainsi que la bonne gouvernance et le développement démocratique dans la région. Ce voyage a surtout été pour moi l'occasion d'écouter les dirigeants et les populations afin de savoir comment les Etats-Unis peuvent être un partenaire solide pour la stabilité, la paix et la démocratie.

Q : Concrètement, quelle aide pouvez-vous apporter aux populations locales ?

M. Perriello : Par l'intermédiaire de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) et de nos ambassades, nous continuons à investir massivement dans les infrastructures, la santé publique et l'éducation dans la région. Nous avons été d'ardents défenseurs des efforts de maintien de la paix, mais nous avons aussi coopéré avec les gouvernements à la tâche difficile d'établir un système constitutionnel de primauté du droit dans la région, qui garantira vraiment une plus grande stabilité à moyen et long terme.

Q : Quelle est la position des Etats-Unis sur la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) ?

M. Perriello : La CIRGL a fait et fait partie intégrante de la solution dans la région, qu'il s'agisse de son leadership dans la façon d'aborder les questions de groupes armés comme le Mouvement du 23 mars (M23) ou des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les questions des « minerais de conflit » et d'autres questions de développement économique. Nous avons pu rencontrer les dirigeants de la CIRGL, et nous apprécions le leadership que l'Ouganda et, à présent, l'Angola ont assumé dans cette zone. Nous pensons qu'ils continuent à jouer un rôle important dans la recherche de solutions positives en matière de sécurité et de développement économique permettant d'aller de l'avant, et les Etats-Unis demeureront l'un de leurs partenaires.

Q : Pierre Nkurunziza a été réélu président du Burundi pour un troisième mandat, et ce malgré les accords d'Arusha. Du coup, les Etats-Unis ont suspendu plusieurs programmes de coopération sécuritaire avec le Burundi. Les pays européens ont fermement réagi également. Que feront les Etats-Unis pour les Burundais, qui sont les premiers à souffrir de cette crise ?

M. Perriello : Les Etats-Unis demeurent profondément engagés envers le peuple burundais, mais cela a été une année très difficile en raison des décisions prises par le gouvernement, y compris les efforts visant à imposer une série d'élections jugées non crédibles dans la région et ailleurs dans le monde. Nous pensons que c'est une période difficile et délicate, et nous réviserons l'ensemble de nos engagements envers le Burundi sur la base non seulement des élections, mais aussi de nombreuses activités qui les ont précédées. A ce stade, les Etats-Unis réexamineront donc, avec leurs partenaires régionaux et européens, comment aborder la situation de manière plus efficace, tout en comprenant, en particulier à la lumière des récents événements, que la situation demeure extrêmement précaire - d'abord et avant tout sur le plan de la sécurité et du processus démocratique, mais aussi sur celui de la fragilité économique actuelle qui menace surtout les Burundais les plus vulnérables.

Q : Continuerez-vous à fournir une aide au peuple burundais ?

M. Perriello : Nous continuerons à examiner toutes les questions sur la table sous l'angle de notre relation avec le Burundi et de notre engagement envers ce pays, mais en comprenant bien que les actions et les décisions du gouvernement nous placent dans une situation où nous réviserons tous les éléments de notre engagement. Nous pensons vraiment qu'il est essentiel que toutes les parties évitent la violence et reviennent immédiatement à une reprise du dialogue politique, seul moyen selon nous de recouvrer la stabilité ; et fait plus important, que les éléments de base des accords d'Arusha soient respectés.

Q : Outre le Burundi, des élections présidentielles auront également lieu ces prochains mois en République démocratique du Congo, en Ouganda et au Rwanda. Quelle sera la réaction des Etats-Unis si les présidents en exercice de ces pays modifient eux aussi leurs constitutions pour rester au pouvoir ?

M. Perriello : Le président Obama s'est déjà exprimé avec force, tout récemment à Addis-Abeba, à propos du poids que peuvent avoir des institutions puissantes sur des hommes politiques puissants, et du respect des processus constitutionnels et de l'Etat de droit, y compris les constitutions spécifiant des limitations de mandats présidentiels. Nous avons été cohérents en ce qui concerne la diffusion de ce message dans toute la région, et nous croyons que pour la stabilité à moyen et long terme de ces pays, il demeure important de soutenir cet engagement envers l'Etat de droit et la constitution, y compris les limitations de mandat. Nous nous engagerons, auprès de nos collègues, auprès de chacun de ces gouvernements afin de nous efforcer d'appuyer un processus dynamique à cet égard.

Africa Regional Services (ARS)
Paris
3 août 2015