YAN PEI-MING ROMA à la Villa Médicis

Académie de France à Rome - Villa Médicis - 26/05/2016 16:15:00


L'exposition Yan Pei-Ming Roma, présentée à la Villa Médicis du 18 mars au 19 juin 2016, réunit deux illustres anciens pensionnaires de l'Académie de France à Rome : le peintre Yan Pei-Ming, qui a séjourné à la Villa Médicis en 1993-1994 et est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands artistes contemporains de sa génération, et l'historien d'art Henri Loyrette, pensionnaire de 1975 à 1977, ancien directeur du musée d'Orsay (1994-2001) et président-directeur du musée du Louvre (2001-2013), à qui est confié le
commissariat. À l'occasion du 350e anniversaire de l'Académie de France à Rome, Yan Pei-Ming et Henri Loyrette reviennent à la Villa Médicis sur des « traces différentes et distantes ». Le commissaire de l'exposition souligne à quel point le projet a été conduit par leur « attachement à ce lieu », par « son
génie », par « la connaissance vécue » et l'« expérience diverse et partagée » qu'ils en avaient.

Réalisée en coproduction avec la galerie Massimo De Carlo, l'exposition présente la vision que le peintre Yan Pei-Ming a de la ville de Rome. Une vingtaine d'oeuvres de grand format, conçues spécialement pour les galeries de la Villa Médicis et exposées pour la première fois, allie les paysages de monuments et ruines aux portraits de papes, l'iconographie du cinéma aux moments clés de l'histoire récente. L'artiste rend hommage à deux maîtres de la peinture, Caravage et Vélasquez, chacun lié à Rome. Il fait revivre le passé de la ville, les événements et les personnages qui l'ont marquée.

Portrait, autoportrait, paysage, peinture d'histoire : Yan Pei-Ming explore tous les genres de la peinture. Présentes dans les plus grandes collections françaises et internationales, ses oeuvres se caractérisent par leur facture vigoureuse, leur format imposant et par leur bichromie (principalement en noir et blanc).

L'artiste s'est fait connaître dans le monde entier pour ses portraits, aussi bien de figures politiques - comme Mao Zedong ou Obama - de célébrités, comme Bruce Lee ou Isabelle Huppert - ou de figures religieuses, comme le Pape. Depuis quelques temps, Yan Pei-Ming élargit sa palette, comme en témoigne avec éclat l'exposition romaine.

Une rencontre avec Caravage et certaines de ses oeuvres les plus célèbres ouvre le parcours de l'exposition : La Vocation de saint Matthieu et Le Martyre de saint Matthieu, exposées dans la Chapelle Contarelli à Saint Louis des Français, ainsi que la Crucifixion de saint Pierre et la Conversion de saint
Paul, qui décorent la Chapelle Cerasi à Sainte Marie du Peuple. Les quatre toiles sont aux dimensions des originaux, chaque personnage, chaque élément du décor à son emplacement exact, au centimètre près ; et pourtant, observe Henri Loyrette, « elles ont la concentration d'une grisaille et la liberté d'un bozzetto. Car Ming, ainsi qu'en témoignait un premier état de la toile, commence par copier, mot à mot, avant de prendre des libertés avec le texte, de le faire sien, de l'animer d'une touche vibrante, d'aller à ce qui est pour lui l'essentiel. Alors ni copie bien évidemment qui supposerait une autre servilité, ni même variation qui s'exprimerait en caprices décoratifs, mais une lecture personnelle portée par son oeuvre antérieur, approfondie par son sens et son goût du tragique. » De la même manière, il réalise ces étonnantes variations colorées à partir du Portrait d'Innocent X de Vélasquez. Par-delà la relecture faite par Bacon, Yan Pei-Ming revient à la source pour démontrer les développements possibles que contient l'oeuvre originale.

L'exposition se poursuit avec une série de tableaux reproduisant des images présentes dans tous nos esprits : Jean-Paul II à terre, blessé après l'attentat de 1981, la découverte du cadavre d'Aldo Moro, les funérailles du même Jean-Paul II. Ces corps, associés à des événements tragiques et douloureux, évoquent ceux des saints Pierre et Matthieu dans les salles voisines. Les textes sacrés laissent ici place à l'histoire contemporaine ; l'artiste ne dialogue plus avec les peintures des maîtres, mais avec la photographie. « À l'image photographique si souvent reproduite qu'elle en a perdu sa force initiale de
monstrueuse révélation, Ming donne une puissance nouvelle et combattante. Et une autre temporalité, celle des chefs-d'oeuvre de la peinture qu'elle évoque. Usant du fait contemporain, le vocabulaire de Ming est celui de toujours, martyre, déposition, mise au tombeau...» explique Henri Loyrette. C'est cette même représentation du corps qui revient dans les tableaux évoquant les scènes dramatiques de Mamma Roma de Pasolini ou Rome ville ouverte de Rossellini.

À l'inverse, aucune présence humaine n'apparaît ni dans la vue de la Fontaine de Trevi, dominée par une masse d'eau écumante, ni dans le triptyque représentant les ruines du forum romain et d'autres vestiges convoquant l'imaginaire. Cette atmosphère inquiétante se répand également dans le diptyque qui clôture l'exposition où, dans l'obscurité de la nuit et de la mer, on aperçoit à nouveau des corps, ceux des hommes et des femmes qui traversent la Méditerranée, pressés dans de lourdes embarcations.

Yan Pei-Ming
Yan Pei-Ming, né à Shanghai en 1960, vit et travaille à Dijon. C'est à l'âge de dix-neuf ans qu'il décide de quitter la Chine et de partir pour la France. Formé à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Dijon, il rencontre rapidement un vif succès avec ses portraits. Lors de sa résidence à la Villa Médicis (1993-1994), il réalise la galerie de portraits intitulée Les 108 Brigands, inspirée d'un roman traditionnel chinois, et conservée aujourd'hui dans la collection du Fonds National d'Art Contemporain. Sa participation remarquée à la Biennale de Venise en 2003 l'a consacré sur la scène internationale. Six ans plus tard, le Musée du Louvre l'accueillait pour une confrontation avec La Joconde, déclinée dans une suite de tableaux intitulée Les Funérailles de Monna Lisa.
Yan Pei-Ming a récemment exposé son travail à Paris, Londres, Pékin, Malaga et Salzbourg.


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