Attentat de Nice : après les urgences somatiques, le CHU assure un soutien psychique aux victimes et aux personnels

CHU Réseau - 30/08/2016 13:45:00

A Nice, l'attaque terroriste du 14 juillet 2016 a causé la mort de 86 personnes - 76 adultes et 10 enfants et adolescents. A ce funeste bilan s'ajoutent 434 personnes blessées, 48 d'entre elles se sont trouvées en état d'urgence absolue. Mais ce décompte officiel ne fait pas apparaître les victimes de blessures non physiques, appelées psycho traumatiques. Ces troubles submergent les victimes, leurs proches et les personnes présentes sur les lieux qui ont été durablement choquées par cette tragédie. Sont également concernés les secouristes et les hospitaliers confrontés à des situations hors du commun, violentes et saisissantes. Le CHU de Nice, qui a accueilli la majorité des victimes traumatiques, a déployé deux dispositifs de consultations psycho traumatiques à l'attention des usagers, et de ses personnels.


Selon le Pr Michel Benoit, chef du service psychiatrie d'adultes au CHU de Nice, en charge de la coordination, plus de 500 usagers ont eu à ce jour recours à ce soutien. Pour les prendre en charge, l'équipe de psychologues et de psychiatres du CHU a été mobilisée et le reste encore car ces cicatrices ne sont pas toutes dépistées et mettent du temps à se refermer.


Pour Réseau CHU, le Pr Michel Benoit revient sur l'organisation des soins psycho traumatiques et sur ce terrible événement qui marquera à jamais l'histoire de Nice et de son CHU.

Plus de 700 consultations psycho traumatiques

Immédiatement, le Samu et tous les services du CHU se sont concentrés sur les urgences somatiques. Une fois ces soins prodigués, nous avons pu dépister le stress post-traumatique. Il peut s'agir d'anxiété extrême, d'états sur le « qui-vive », de repli sur soi, d'images répétitives reprenant les épisodes effroyables... avec des retentissements à court et long terme selon les personnes. Dés le 21 juillet, des consultations psycho traumatiques ont été ouvertes sur chacun de ses trois principaux sites du CHU, sur l'hôpital pédiatrique Lenval et sur les différents Centres médico-psychologiques de l'agglomération. Au total plus de 700 consultations ont été réalisées.


De la même manière, le soutien aux professionnels s'est organisé très vite, notamment par des débriefings de groupe qui se déroulés dès le lendemain de l'attentat. Un dispositif plus large de prise en charge individuelle et collective a ensuite été mis en place par les équipes de psychiatrie et de psychologie en lien étroit avec Direction des Ressources Humaines : « Nous devions intervenir au plus tôt afin de dépister de manière précoce les souffrances des personnels et mettre rapidement un sens sur leur plainte, sur l'horreur qu'ils avaient côtoyée. Nous étions là pour les aider à situer ce drame dans leur l'histoire personnelle. Nous devions aussi les soutenir pour qu'ils se remettent, pour être fort après et retrouver au plus tôt le sentiment d'efficacité au travail. Telle était notre mission. Surtout, nous devions éviter que cet événement n'aggrave la souffrance au travail ». Pour la direction des ressources humaines, l'institution se devait d'être à la hauteur du dévouement et du professionnalisme de ses agents : « Les personnels avaient été exemplaires et solidaires, dans leur réponse aux blessés. Ils n'ont pas hésité à revenir spontanément, à proposer leurs services, à retarder parfois leurs congés, à rester à leur poste autant que nécessaire. En retour l'institution se devait d'apporter une réponse de la même qualité aux souffrances de ses agents. » a déclaré Pauline Robineau, Directrice Adjointe des Ressources Humaines.


Plusieurs services ont été très directement impactés : le SAMU-SMUR, les urgences, la réanimation, les blocs opératoires, la radiologie, la médecine légale mais aussi les services administratifs, le standard, l'unité de transports sanitaires, la restauration, la blanchisserie, la stérilisation qu'on imagine moins en première ligne. Pourtant ils ont dû affronter le désespoir des familles à la recherche de leur proche, expliquer des situations de détresse, gérer l'attente sur l'identité des blessés, l'angoisse des parents....

Pour que le dispositif des consultations psycho traumatiques soit efficace, il a fallu informer le personnel de son existence. L'annonce a circulé sur internet et intranet. Des mails ont été envoyés à l'ensemble des hospitaliers et une note d'information a accompagné les bulletins de salaire. La médecine du travail a apporté son expertise. Des permanences de psychologues volontaires ont été ouvertes sur les hôpitaux de Pasteur, L'Archet et Cimiez pour que tout agent puisse bénéficier d'une aide de manière anonyme, confidentielle et gratuite. A partir du 1er septembre, ces permanences seront remplacées par un numéro d'appel unique et une adresse mail permettant d'avoir accès à un rendez-vous très rapidement.

Le stress traumatique professionnel se distingue un peu de celui des victimes. A l'angoisse et au mal-être s'ajoutent souvent un sentiment d'épuisement, d'insatisfaction, de culpabilité par rapport à leur engagement professionnel, de découragement. Chaque individu réagit secondairement à sa manière en fonction de l'inscription de l'événement dans une biographie particulière. Au CHU, ce vécu est couplé à une approche collective.


Plusieurs dizaines de personnels ont été reçues. Cette intervention précoce a rassuré et peut-être aussi limité le nombre d'interruption de travail. La direction des ressources humaines a relevé quelques arrêts maladie considérés en l'occurrence comme des accidents de travail puisque les maux sont liés à la prise en charge de victimes.

L'épreuve collective a soudé l'institution


Le Pr Michel Benoit a constaté que cette épreuve collective avait contribué à souder l'institution. Les tensions intérieures inhérentes à toute organisation employant près de 10 000 personnes ont été mises au second plan. Certaines équipes habituellement focalisées sur leur spécialité ont spontanément collaboré et se sont rapprochées des autres.

Au-delà, chacun a pu reconnaître l'atout que représente Pasteur 2. Cet hôpital neuf, souvent critiqué pour ses dimensions et son coût a prouvé son utilité. Grâce à cette infrastructure plus moderne, plus fonctionnelle, plus reliée, à l'agrandissement des urgences, l'afflux de victimes a pu être géré d'une façon bien plus efficace que si les blessés avaient dû être accueillis à Saint Roch.

« Passé le choc initial, j'ai vu grandir un sentiment collectif d'appartenir à une institution qui a fait face et qui en sort plus forte car elle a réussi à gérer une crise extérieure d'une ampleur exceptionnelle et ensuite, à chercher à reprendre un fonctionnement normal. » souligne le Pr Michel Benoit.

Quant aux niçois, l'événement survenu il y a un mois et demi est encore dans toutes les têtes. Les gens ont besoin d'en parler, chacun connaît quelqu'un qui a été touché.. Beaucoup de personnes n'ont pas retrouvé leurs habitudes, elles restent inquiètes, elles peuvent éviter les réunions de foule et même la Promenade. La vie n'a pas totalement repris son cours normal.