Une avancée essentielle pour lutter contre la septoriose du blé

INRA - Institut National de Recherche Agronomique - 13/02/2017 17:00:00


L'utilisation de variétés de blés améliorées pour leur résistance au champignon Zymoseptoria tritici responsable de la septoriose contribue largement à la lutte contre cette maladie. Toutefois, les mécanismes qui sous-tendent les interactions entre le blé et la septoriose sont encore inconnus. Pour la première fois, des chercheurs de l'Inra et leurs collègues ont identifié et caractérisé une protéine d'avirulence AvrStb6 chez l'agent de la septoriose. Ces travaux, publiés le 6 février 2017, dans la revue The New Phytologist, ouvrent la voie à de nouvelles perspectives en matière de lutte durable contre cette maladie.

Redoutable champignon pathogène, Zymoseptoria tritici (ex. Mycosphaerella graminicola) est responsable de la septoriose du blé, une des maladies foliaires les plus préjudiciables à cette culture et dont le contrôle passe notamment par l'utilisation de variétés résistantes1. Cependant, la capacité d'adaptation des populations pathogènes aboutit au contournement plus ou moins rapide des résistances variétales, limitant ainsi la durabilité de l'efficacité de ces dernières. La connaissance de la nature et de la fonction des gènes impliqués dans l'adaptation des populations pathogènes est primordiale pour surveiller ces populations et envisager des stratégies d'utilisation raisonnée des résistances.

Des chercheurs de l'Inra et leurs collègues de l'Ecole polytechnique fédérale de Zürich (ETH) se sont intéressés à l'interaction entre le gène de résistance Stb6 du blé et le gène d'avirulence correspondant AvrStb6 de Z. tritici. Le gène Stb6 est fréquent dans les variétés anciennes et modernes de blés même s'il semble aujourd'hui inefficace pour protéger les cultures contre les épidémies de septoriose du fait de l'adaptation des populations pathogènes. La présence du gène AvrStb6 est connue chez Z. tritici depuis longtemps sans que le celui-ci n'ait été identifié jusque-là.
AvrStb6, premier gène d'avirulence identifié chez Z. tritici...
Grâce aux techniques les plus récentes de la génétique et de la génomique, s'appuyant notamment sur des approches de cartographie génétique au sein de populations fongiques, les scientifiques ont identifié le premier gène d'avirulence chez Z. tritici, AvrStb6.

AvrStb6 compte 364 paires de base dont deux fragments non codants ou introns, il est localisé à l'extrémité du chromosome 5 de Z. tritici, dans une région riche en éléments transposables, c'est-à-dire en séquences d'ADN mobiles, capables de se multiplier de manière autonome dans le génome où elles n'ont généralement pas de fonction identifiée. Cet environnement génomique est favorable à l'évolution rapide d'AvrStb6, ce qui a notamment pu lui permettre de contourner le gène de résistance Stb6 du blé.

L'expression d'AvrStb6 est induite dès le début de l'infection et augmente fortement juste avant la phase infectieuse dite de nécrotrophie, caractérisée par la colonisation et la destruction rapide des tissus de la plante hôte.
... et caractérisé fonctionnellement
AvrStb6 code pour une petite protéine secrétée de 63 acides aminés et riche de 11 résidus cystéines susceptibles de jouer un rôle important dans la spécificité de sa reconnaissance par Stb6. La validation fonctionnelle a été réalisée : introduire AvrStb6 dans une souche virulente restaure l'efficacité de la résistance de la plante.

AvrStb6 est le premier gène d'avirulence à être identifié et validé fonctionnellement chez Z. tritici. Cette grande première constitue une avancée majeure vis-à-vis d'un pathosystème d'importance mondiale, permettant de mieux comprendre les mécanismes moléculaires de l'interaction entre le champignon pathogène et sa plante hôte, d'accélérer la découverte des gènes impliqués dans cette interaction et d'améliorer les stratégies de déploiements des résistances du blé à la septoriose.

1D'une manière générale, la résistance d'une plante à un agent pathogène donné et la capacité de ce dernier à provoquer une maladie chez cette plante, sont deux paramètres contrôlés par un gène de résistance (R) de la plante et un gène d'avirulence (Avr) de l'agent pathogène. La reconnaissance du produit de ce gène d'avirulence par la plante hôte dotée du gène de résistance correspondant induit une cascade de réactions de défense de la plante. Celles-ci limitent le développement pathogène du champignon dans la plante et protègent cette dernière de la maladie.