Vers un meilleur déchiffrage des paléoclimats dans l'archive sédimentaire

CNRS - Centre National de Recherche Scientifique - 02/03/2017 18:30:00


Une équipe internationale composée de chercheurs de l'Université d'Oxford, de l'Université de Washington à Saint-Louis, de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP / CNRS / Université Paris Diderot / Université La Réunion) et du Plymouth marine laboratory vient de mettre au point un modèle mathématique des flux de carbone entrant et sortant dans des cellules de coccolithophoridés, lequel leur a permis de rendre compte de l'empreinte biologique, ou "effet vital", laissée par les coccolithophoridés dans la composition isotopique en carbone de leurs coquilles ou coccolithes. Ce travail va permettre une reconstruction plus précise des conditions paléo-environnementales qui régnaient lors de la formation de ces coccolithes à l'interface atmosphère - océan.

Les microfossiles de calcite préservés dans les sédiments sont largement utilisés pour reconstituer les conditions océanographiques et les climats passés de la Terre. En effet, l'analyse de la composition chimique de ces biominéraux, et plus particulièrement de leur composition isotopique, permet de retrouver certaines des conditions (de température, d'acidité, de concentration de CO2 dissous) dans lesquelles vivaient les microorganismes qui les ont produits.

Les coccolithes, notamment, sont des disques calcaires de quelques micromètres de diamètre, produits par un groupe d'algues unicellulaires vivant à la surface des océans, les coccolithophoridés. Ces coccolithes forment une part importante, voire dominante, des sédiments marins accumulés depuis le Trias supérieur. Cependant, ils ne sont que très peu utilisés pour les paléo-reconstructions du fait de leur petite taille, à l'inverse des foraminifères qu'il est possible de séparer sous la loupe binoculaire. Un autre problème majeur dans l'utilisation des coccolithes en paléocéanographie repose sur l'empreinte biologique (ou effet vital) qui distord leur composition géochimique, et notamment leur composition isotopique en carbone, par rapport à celle d'une calcite qui aurait précipité abiogéniquement dans les mêmes conditions. Des travaux précédents ont relié empiriquement l'amplitude de cet effet vital à la vitesse de croissance de l'algue, elle-même reliée à la concentration en CO2 disponible dans le milieu.

Une équipe internationale comprenant un chercheur de l'IPGP est parvenue à modéliser les flux de carbone entrant et sortant dans des cellules de coccolithophoridés cultivées en laboratoire. Ce modèle leur a permis de reproduire la composition isotopique en carbone (13C) des coccolithes produites en fonction des paramètres environnementaux, ainsi que les échanges intracellulaires de carbone et le partitionnement du CO2 entre le chloroplaste (pour réaliser la photosynthèse) et la vésicule de calcification (pour permettre la biominéralisation).

Avec la compréhension des effets vitaux qu'il permet, ce nouveau modèle mathématique ouvre la voie à l'étude d'une importante composante de l'archive sédimentaire, laquelle reste pour l'heure largement sous-exploitée. La mesure des 13C des coccolithes sédimentaires qu'il sera possible de micro-séparer permettra à terme de remonter à la concentration en CO2 dissous de l'océan et de l'atmosphère au moment de la formation de ce biominéral et ainsi d'améliorer encore la boîte à outils paléocéanographique.