La 1ère audition du Commissaire européen en charge du Brexit s'est tenue devant le Comité européen des Régions

CER Comité Européen des Régions - 31/03/2017 17:45:00


Représentant au plus près des citoyens européens les institutions de l'UE, il était tout à fait naturel que le Comité européen des Régions reçoive en audition Michel Barnier. Une valeur symbolique car c'est la première fois qu'il exprimait publiquement le point de vue, l'état d'esprit et les grandes lignes de la négociation que Bruxelles entrevoit .Celui-ci, ancien ministre français des affaires étrangères, ancien commissaire européen pour le marché intérieur et les services, a été désigné pour négocier la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. « En quittant l'UE, a-t-il commencé son propos, le Royaume-Uni renonce à 44 ans de projets en commun qu'il a lui-même forgés avec ses partenaires. Il remet en cause la citoyenneté européenne ainsi que la liberté de circulation des personnes et des biens».

En effet les conséquences humaines, financières, culturelles, sociales et politiques sont considérables. Et ce, avec des traductions concrètes, immédiates : où iront les déchets nucléaires britanniques s'il n'y a plus « d'Euratom », quelle sera la situation des citoyens des autres Etats membres au Royaume Uni et des britanniques chez ses voisins, en termes de droits sociaux, comment régler les files d'attentes des camions à Douvres. Autant de questions simples mais qui touchent des sujets de fonds de la vie quotidienne des entreprises et des citoyens.
La notification par le Royaume Uni de son départ de l'UE, en vertu de l'activation de l'article 50 du traité aura des conséquences. Mais pour lesquelles l'UE et son partenaire d'Outre manche devront trouver des solutions. Sachant que les 2/3 des échanges britanniques se font avec les autres Etats de l'Union européenne et que le Royaume Uni est partie de plus de 60 accords internationaux avec des organisations régionales et des Etats - le dernier en date étant avec le Canada; le CETA - un scénario de non accord serait préjudiciable aux deux partenaires.
De ce fait, Michel Barnier a voulu présenter aux membres du Comité européen des Régions sa feuille de route. Le commissaire a défini le concept du « retrait ordonné » pour orienter l'Union vers un nouveau partenariat. On ne veut pas à Bruxelles un divorce pour faute mais un divorce par consentement mutuel, qui préserve les citoyens de quelque Etat dont ils ressortissent.

Dès lors, la formule « Citizen First » a été rassurante pour les élus locaux et régionaux qui règlent quotidiennement les affaires de leur commune et de leur région. Michel Barnier a appelé les Etats et leurs représentants à l'unité pour pouvoir arriver dans les délais à un accord avec le Royaume Uni. La nécessité est d'autant plus évidente qu'elle concerne d'abord le citoyen qui se déplace, travaille, s'installe dans un autre pays que le sien. Plus de 4 millions de personnes sont concernées. Il y a par exemple des ingénieurs allemands installés à Londres, des retraités anglais en Espagne ou des étudiants des deux rives de la Manche dans des universités de l'Europe entière. Il est bon de rappeler que le traité de Lisbonne a institué la citoyenneté européenne qui complète la citoyenneté nationale comme l'a d'ailleurs clairement souligné Jean-Noël Verfaillie, membre français du Comité européen des Régions - la seconde assemblée de l'UE - lors d'une interview à Maastricht le 6 février dernier.

Rien n'est moins inquiétant que l'incertitude qui empêche le citoyen de se projeter et l'entreprise d'investir. C'est naturellement le rôle des décideurs publics d'y apporter une solution constructive. C'est pourquoi la commission n'est pas dans « une posture » ni ne souhaite infliger une sanction à l'Etat sortant, ni lui infliger une facture à payer. A cet égard il convient de rappeler que le Royaume Uni retire des gains substantiels des fonds structurels, du Fond social européen, du programme de soutien à la recherche Horizon 2020, du plan Juncker : des instruments financiers de 700 milliards d'Euros. « L'ensemble de ces contributions financières ont été souscrites par le Royaume Uni » souligne le commissaire européens et les membres de l'UE attendent que le Royaume Uni respecte ses engagements. Cela est d'autant plus nécessaire que Londres a déjà effectué plusieurs versements aux grands programmes de L'UE. Par ailleurs, ses entrepreneurs, chercheurs, agriculteurs, travailleurs sociaux et d'une façon générale l'ensemble des britanniques bénéficient et vont bénéficier des fonds européens.

L'activation de l'article 50 entraîne de facto, un changement de statut du Royaume Uni qui devient un Etat tiers partenaire, au même titre que la Norvège ou la Suisse. Il n'en demeure pas moins que certains Etats s'inquiètent des négociations à venir, quant à leur situation par rapport à celle, à définir, du Royaume Uni. La commission est claire. Le RU ne saurait bénéficier d'un régime particulier qui in fine, serait plus favorable à celui d'un Etat membre, lequel assure l'ensemble des obligations résultant de son adhésion. En d'autres termes, l'accord de libre-échange que Londres espère pour ses entreprises et pour la City n'aura plus pour le Royaume Uni les avantages qui résultaient de son adhésion aux Traités.
Selon l'adage populaire, un bon accord entre deux parties est celui qui permet à chacun de tirer bénéfice d'une situation. A cet égard, le champ d'une négociation politique est large. Cependant les négociations seront strictement encadrées par le droit européen et le droit international public dont les négociateurs ne pourront s'affranchir. Seul le droit européen s'appliquera à l'exclusion de tout autre ordre juridique eu égard à la mise en oeuvre de la construction européenne par le droit communautaire auquel le Royaume Uni a adhéré sans discontinuité. Le droit européen est le corpus des 28 Etats de l'Union. Seule la Cour de Justice Européenne sera compétente en cas de litige entre les parties. En aucune façon la common law n'interférera avec le « traité portant retrait du Royaume Uni ». Michel Barnier a ainsi exprimé la position de la Commission sans aucune ambiguïté.

La notification du retrait britannique est un acte bilatéral entre l'UE et le Royaume Uni. Mais elle a un caractère irrévocable. Et de ce fait, si une évolution des relations entre le pays sortant et l'UE devait être engagée, par exemple à la demande de Londres, tout nouveau traité entrerait dans un cadre multilatéral, celui du droit international public et qui implique dans ce cas un accord des 27 Etats membres, avec une procédure de ratification par les parlements nationaux.
De plus le délai imparti au Royaume Uni pour définir les conditions de son départ est fixé à deux ans. A l'issue de cette échéance, le couperet tombe. De Jure, le Royaume Uni ne sera plus membre de l'UE. Toutefois en fonction de l'état d'avancement des discussions, la Commission envisage la possibilité éventuelle d'un arrangement transitoire pour que le départ du Royaume Uni soit une réussite. Mais il faudra alors l'unanimité du Conseil européen !

Ces précisions ont été très utiles, car les intentions de la Commission n'avaient pas été, à l'exception de courtes interviews, exposées de la sorte. Pour de nombreux observateurs, l'intervention de Michel Barnier s'apparentait à un discours de politique générale devant une assemblée élective. La séance fut, il va sans dire, suivie de questions à la Commission.

Les élus du Comité européen des Régions ont ainsi eu à l'occasion d'interpeller Michel Barnier sur les conséquences pratiques, notamment économiques, dans leurs régions respectives.
Aux Pays Bas, on estime les pertes éventuelles pour le port de Rotterdam à 17 milliards d'Euro. La même problématique se pose pour les ports allemands de la mer du nord. L'Ecosse réalise 62 % de ses échanges avec les pays de l'UE et craint les effets de barrières douanières sur la compétitivité de ses entreprises. A l'impact économique de même nature que pour l'Ecosse s'ajoute pour l'Irlande du Nord, les effets politiques du Brexit. L'établissement de frontières risque de remettre en cause le Good Friday Agreement. Comment régler la question des droits de pêche avec le RU. Gibraltar constitue une interrogation pour l'Espagne. Tous les projets Interreg pourraient être en standby.
Les élus du Comité européen des Régions ont ainsi sensibilisé Michel Barnier sur la diversité des problématiques et des sujets de préoccupation des collectivités des 27. Le Commissaire a admis la notion « d'impact différencié » qui devrait être pris en considération lors des négociations avec le Royaume Uni.
Cet échange avec l'exécutif de l'UE aura eu un avantage conséquent pour l'efficacité de son action et de sa négociation : éclairer sous un autre angle, une réalité qui n'est pas toujours perceptible. la Commission a intérêt à un contact permanent avec le Comité européen des Régions. Une réalité qui transparaîtra probablement à l'occasion du prochain Forum avec les Régions Ultrapériphériques prévues les 30 et 31 mars prochains à Bruxelles.

Jean François Puech jfpuech@newspress.fr


LES ETAPES DU DECLENCHEMENT DE L ARTICLE 50


CER Comité Européen des Régions


Le Comité des régions est la voix des régions et des villes dans l'Union européenne.

350 membres - élus locaux et régionaux des 28 États membres de l'UE.
6 commissions se partagent des compétences dans les domaines politiques suivants, conformément aux traités:
- emploi, formation professionnelle, cohésion économique et sociale, politique sociale, santé;
- éducation et culture;
- environnement, changement climatique, énergie;
- transports et réseaux transeuropéens;
- protection civile et services d'intérêt général.

6 sessions plénières par an.
Plus de 50 avis par an sur la législation de l'UE.
Plus de 40 consultations de parties prenantes par an.
Plus de 300 manifestations par an.



Vasco Alves Cordeiro
Président du Comité européen des régions .


Contact Nathalie Vandelle
Tél. +32 (0)2 282 24 99
nathalie.vandelle@cor.europa.eu


BIOGRAPHIEVasco Alves Cordeiro a été élu président du Comité européen des régions en juin 2022.

Né le 28 mars 1973 aux Açores, région autonome du Portugal et région ultrapériphérique de l’Union européenne, Vasco Alves Cordeiro, avocat, marié et père de deux enfants, est membre de l’Assemblée législative de la région autonome des Açores.

Diplômé en droit de l’université de Coimbra et titulaire d’un diplôme de troisième cycle en droit régional de l’université de Lisbonne et de l’université des Açores, Vasco Alves Cordeiro a commencé sa carrière professionnelle d’avocat aux Açores en 1995, où il a exercé jusqu’en 2003.

En 1996, il a été élu pour la première fois député du parti socialiste à l’Assemblée législative de la région autonome des Açores.
Il a depuis lors occupé plusieurs postes au sein de l’exécutif régional dont notamment celui de secrétaire régional pour les affaires européennes et extérieures, et secrétaire régional à l’agriculture et à la pêche (2003-2004).

En 2012, il a été élu pour la première fois président du gouvernement régional des Açores, fonction à laquelle il a été réélu en 2016 et, à ce titre, il a représenté sa région aux niveaux européen et international en qualité de membre du Comité européen des régions, ainsi que d’organisations promouvant notamment les outremers de l’UE, et l’Assemblée des régions d’Europe.
Membre titulaire du Comité européen des régions depuis 2013 après avoir été suppléant de 2004 à 2008, M. Cordeiro en a été le premier vice-président de février 2020 à juin 2022, avant son élection à sa présidence