L'Europe et Israël, unis contre le nationalisme

République Fédérale d'Allemagne - CIDAL - 28/04/2017 10:20:00


Tribune du ministre fédéral des Affaires étrangères Sigmar Gabriel sur les valeurs communes de l'Europe et d'Israël et contre le nationalisme et le populisme. Paru le 25 avril 2017 chez le groupe DuMont.
L'Europe peut se féliciter de vivre en ce moment, face à la menace du nationalisme, une renaissance des valeurs occidentales, de ses valeurs européennes. À une large majorité, à plus de 75 %, les Français ont voté pour la gauche, les libéraux, les conservateurs et les socialistes et moins d'un quart a suivi la propagande des nationalistes de droite.

« La victoire de l'extrême droite » est restée une chimère, et ce malgré l'effritement du système politique français et malgré l'organisation très serrée du Front national.

Les Français ont choisi le pluralisme européen et non la mise au pas nationale. Les sirènes nationalistes s'affaiblissent. C'est rassurant, non seulement pour les Allemands, mais aussi pour le pays que je visite aujourd'hui, en cette journée de commémoration de la Shoah en Israël.

Plus que tout autre peuple, les Juifs ont souffert du nationalisme et du chauvinisme au cours de leur longue histoire, surtout en Europe. C'est pourquoi nous autres visiteurs allemands nous devons également d'être les représentants d'une Europe plurielle, les ambassadeurs de la communauté des valeurs occidentales.

Ceci dit, nous sommes juchés sur les épaules de géants européens : en 1951, le social-démocrate Carlo Schmid militait pour faire reconnaître au jeune État d'Israël, en tant qu'ayant droit des victimes, les droits à réparation des crimes de la Shoah. L'année suivante, le gouvernement chrétien-démocrate de Konrad Adenauer n'obtint pas de majorité pour ces réparations à hauteur de 3,5 milliards de marks en raison de l'opposition de députés à tendance nationaliste. L'accord ne fut adopté par le Bundestag qu'en 1953 grâce au soutien du SPD.

Cet engagement pro- israélien est ainsi devenu la marque de fabrique des sociaux-démocrates. Rappelons que ces derniers furent comme les Juifs parmi les premières victimes du nazisme. Les uns étaient persécutés pour leurs idées politiques, les autres en raison de la haine raciale. Ce n'est qu'en 1973 que Willy Brandt, en tant que premier chancelier fédéral, a rendu à Israël une visite officielle. C'est d'ailleurs à lui que nous devons la meilleure définition des relations entre nos deux pays : « des relations normales à caractère spécial ».

Il est temps que les Européens - les Allemands notamment - se consacrent à nouveau davantage à Israël et à la Palestine. Né à la suite de la Seconde Guerre mondiale, Israël est un État laïque, social et démocratique fondé par des Juifs sur le modèle des démocraties de l'Europe occidentale.

Il nous faut réaccentuer ce tronc commun avec l'Europe.

L'État d'Israël repose sur les mêmes valeurs essentielles que les pays fondateurs de l'Europe unie après le fléau de la Seconde Guerre mondiale : la sécurité sociale et politique, qui fut également le rêve des immigrés juifs venus du monde entier. Les Israéliens rêvaient d'un État solidaire à visage humain garantissant notamment la protection et la sécurité de ses citoyens. De même que les fondateurs des communautés européennes, les pères de l'État d'Israël croyaient à la démocratie en tant que seule forme étatique capable de concilier les préoccupations, si dissemblables les unes des autres, des milliers d'arrivants issus d'horizons culturels très différents.

Les Européens - en Allemagne aussi, face à la menace actuelle du nationalisme et du populisme - luttent comme de nombreux Israéliens pour préserver la démocratie, l'entraide, l'esprit de solidarité et la diversité. Si la démocratie est le système le plus difficile qui soit, elle reste inégalée en raison de sa volonté infatigable de trouver, grâce au dialogue continu, une voie juste et unie parmi tous les points de vue différents et les positions contradictoires qui coexistent de manière pacifique.

Les parallèles entre Israël et l'Europe concernent également notre époque moderne : la démocratie israélienne est un kaléidoscope pluraliste. L'Europe et Israël reposent sur des bases démocratiques solides. L'Europe et Israël ne veulent plus jamais subir l'autocratie et le nationalisme. Les démocrates européens et israéliens luttent ensemble contre la persécution de ceux dont la pensée et la foi diffèrent des nôtres. Ils respectent les mêmes critères moraux et s'opposent aux tentations politiques visant à faire primer l'ethnicité sur la pluralité.

Les Israéliens et les Européens refusent de vivre dans une société « ethniquement homogène », prônée par les nationalistes. Les Européens et les Israéliens vivent un patriotisme pluriel. Dans leur tradition commune, il n'y a pas de place pour les politiques qui excluent les minorités ou qui les chassent.

L'Allemagne et l'Europe se tiennent aux côtés de cet Israël désireux d'être un pays juste et respectueux envers tous ses citoyens. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le renouveau de l'Europe sur les décombres de la guerre, nous autres Européens partageons les valeurs du jeune État d'Israël, fondées sur le même socle de principes moraux.

C'est grâce à ces valeurs communes qu'Israël, l'Europe et aussi les États-Unis ont toujours fini par s'unir, en dépit de leurs positions parfois si différentes.

C'est pour cela aussi que je pense qu'une solution négociée aboutissant à la coexistence pacifique de deux États dans le respect mutuel est le meilleur moyen de mettre fin au conflit au Proche-Orient. Les mêmes principes justes et durables doivent s'appliquer à tous les peuples du monde. Et je suis certain qu'Israël et le monde entier profiteraient d'une telle approche, fondée sur le socle de nos valeurs communes.