Filariose lymphatique : une nouvelle stratégie de lutte

IRD Institut de Recherche pour le Développement - 28/04/2017 19:45:00


Chez les patients atteints de la maladie de la loase, le traitement préventif de la filariose lymphatique peut provoquer un accident thérapeutique. Une nouvelle stratégie médicamenteuse communautaire prenant en compte ce contexte particulier vient de montrer son efficacité en République du Congo.

Ils sont 947 millions d'individus devant recevoir un traitement médicamenteux afin de prévenir la propagation de la filariose lymphatique. Cette maladie tropicale négligée communément appelée éléphantiasis provoque un gonflement des membres. Stigmatisante et handicapante pour les populations qui en souffrent, elle est due à une infection par des vers filaires adultes. Ces nématodes se logent dans le système lymphatique et perturbent son fonctionnement. Pendant 6 à 8 ans, ils produisent des millions de microfilaires (petites larves) qui circulent dans le sang.

Afin d'enrayer la propagation de cette pathologie d'ici 2020, l'OMS préconise l'administration annuelle de deux médicaments associés, l'albendazole et l'ivermectine. Problème : dans certaines régions d'Afrique centrale, les personnes atteintes de la filariose lymphatique peuvent être également touchées par la loase, une maladie causée par une autre filaire : Loa loa. « L'administration de l'ivermectine à un malade de la loase peut provoquer un accident thérapeutique important, explique l'épidémiologiste Sebastien Pion. Cela peut aller jusqu'au coma et générer des séquelles irréversibles. L'OMS a donc proposé en 2012 une stratégie provisoire, non testée au niveau communautaire, pour traiter la filariose lymphatique dans ces zones : l'administration unique de l'albendazole deux fois par an. »

Dès 2012, et parallèlement à l'OMS, des chercheurs français, américains et congolais administrent tous les six mois de l'albendazole aux habitants du village de Seke Pembe en République du Congo 1. Durant trois ans, 80 % des 900 résidents de ce village reçoivent ce traitement. Alors que la prévalence de la maladie était de l'ordre de 17 % lors du début du traitement, elle n'est plus que de 5 % lorsqu'il se termine. Un résultat inattendu et satisfaisant pour l'équipe de recherche. « Le médicament a un effet létal sur les vers, souligne Michel Boussinesq, co-auteur de l'étude. L'effet est moins marqué que la combinaison des deux médicaments à court terme. Mais à long terme, la maladie ne se transmet plus car les vers sont morts et ne produisent plus de microfilaires. »

En complément de l'administration d'albendazole, le dispositif prévoit que les habitants se prémunissent des moustiques - vecteurs du parasite - par des moustiquaires imprégnées d'insecticides. Mais les moustiquaires présentes dans le village ne sont pas toujours utilisées par les habitants. « Nous n'avons pas pu mesurer leur impact sur la diminution de la transmission de la maladie, précise Sebastien Pion. L'idéal serait de traiter 100 % de la population et que celle-ci utilise correctement les moustiquaires. »

De fait, cette étude confirme le bien-fondé de la stratégie provisoire de l'OMS. « Ce type d'administration de médicaments ne faisait que l'objet d'une recommandation dans les pays présentant des zones endémiques de loase et de filariose lymphatique, indique Jonathan King, spécialiste de la filariose lymphatique au Département des Maladies Tropicales Négligées de l'OMS. Les résultats de cette étude confirment son efficacité au niveau communautaire et encourageront davantage de pays à adopter rapidement cette stratégie. »

Aujourd'hui, alors que les résultats des campagnes de traitement préventif sont positifs 2, l'enjeu est de cartographier ces zones mal connues d'Afrique centrale où la maladie est distribuée de façon très hétérogène. « Dans un contexte de moyens limités, les efforts doivent se concentrer sur les malades qui en ont le plus besoin. Cette cartographie sera un moyen d'accentuer l'efficacité du dispositif », conclut Sebastien Pion.