Entretien avec Vilius Sapoka, Ministre des finances de la Lituanie

Jean François Puech Directeur de la Rédaction NEWS Press - 10/05/2017 11:00:00


Vilius Sapoka est Ministre des Finances de la Lituanie. Passé par la Banque Centrale de son pays ou il a été en charge des marchés financiers, Vilius Sapoka en a présidé la Commission des opérations de bourses. Cet expert des marchés entend hisser son pays au premier rang des opérateurs de services financiers dématérialisés. Il est à Paris pour le FIN TECH 2017, l'événement qui en France rassemble des acteurs majeurs - entrepreneurs, investisseurs, régulateurs, dirigeants politiques - de l'industrie des services financiers innovants.

Vous étiez présent au FinTech de Paris 2017. Quel message avez-vous voulu faire passer ?

Je crois qu'il faut être présent aux grands rendez-vous, et c'est le cas des FinTech. Pour nous c'est une opportunité, car on peut le dire, la Lituanie est un pionner dans la révolution des nouvelles technologies.

Nous en avons la capacité, parce que nous avons un des débits les plus élevés de l'UE, mais aussi parce que notre règlementation sur les fournisseurs d'accès à internet est particulièrement favorable. Mais pas seulement. Notre ouverture d'esprit et notre capacité à nous adapter à la plupart des cultures européennes crée une atmosphère propice et très attractive pour les nouvelles générations d'entrepreneurs. Notre ambition est de devenir un hub régional dans ce domaine. Nous accueillons d'ailleurs le 18 mai à Vilnius une conférence internationale sur les marchés financiers et les FinTech. C'est dire l'importance que nous accordons au développement de ce secteur. 

Vous avez aussi mentionné plusieurs outils afin de vous démarquer dans la compétition internationale et d'accélérer l'installation d'entreprises étrangères en Lituanie. À quoi faites-vous référence ?

Ce qui est important pour nous, c'est d'avoir une approche positive et concrète. En Lituanie, les législateurs et les régulateurs ont un regard positif et intelligent sur ces sujets. L'économie dématérialisée offre des perspectives considérables par exemple dans le secteur des services financiers : le prêt entre particulier via le crowdfunding et aujourd'hui le prêt aux entreprises. Ce sont des secteurs sur lesquels nous avons voulu mettre la priorité et notre démarche a été pragmatique.

Nous avons commencé par regarder comment d'autres pays ont essayé de légiférer sur le crowdfunding et nous avons identifié les blocages. Dans le domaine des services financiers il nous est apparu que l'encadrement classique de l'activité bancaire n'était pas adapté. Nous avons donc modifié notre règlementation pour qu'elle épouse les contraintes inhérentes à ce secteur. Parallèlement, le Seimas (parlement lituanien) a modifié la loi sur le crédit à la consommation pour permettre la mise en service de plateforme de crédit et le crowdfunding ainsi que la validation du client à distance et la signature électronique. La Lituanie est rentrée dans la zone SEPA en proposant des avantages supplémentaire aux investisseurs.

Nous avons ensuite décidé que si un businessman souhaite créer un nouveau produit ou un nouveau business model et qu'il souhaite attirer des investissements, le plus important est qu'il existe une transparence entre lui et les investisseurs afin d'instaurer une relation de confiance. Ainsi, toute l'attention est portée sur le processus de création de l'entreprise et les chances de succès s'accroissent d'autant.

Avez-vous un dispositif particulier pour les investisseurs ?

Un investisseur doit aller vite et disposer d'un guichet unique. C'est pourquoi la Banque de Lituanie a développé un programme « New Comer » pour attirer les nouvelles entreprises FinTech. Cela nous a permis d'accueillir par exemple le centre de compétence en services aux clients externes et internes du groupe Nasdaq en Amérique du Nord et Asie Pacifique. Ou le centre international de services lancé par Barclays, qui emploie aujourd'hui 1 100 spécialistes TIC et développe la plupart des solutions bancaires mobiles et numériques de Barclays. Enfin, le groupe français Téléperformance qui a ouvert un groupement international qui fournit des solutions multicanales de service à la clientèle à plus de 750 entreprises. Le bureau de Vilnius de Teleperformance dessert des clients en Scandinavie, en Allemagne, en Pologne, en Russie et dans les pays baltes.

Ces nouvelles régulations sont-elles suffisantes ? 

En fait, il faut une politique globale et une vision concrète dans de nombreux domaines. Des mesures fiscales adaptées, la maitrise des coûts sociaux, des formations ciblées, des filières universitaires de haut niveau sont essentielles car elles cumulent les avantages. Tous ces aspects de la vie économique de notre pays sont très importants pour une croissance pérenne des entreprises. Nous considérons qu'ils font partie de nos avantages comparatifs. Par ailleurs, la croissance de notre pays s'accélère et elle est portée par une forte demande intérieure, des exportations en hausse, ainsi que des investissements. Afin de préserver cette embellie dans la durée, nous avons introduit des mesures fiscales favorables. Nos coûts sociaux, au vu de l'ensemble des pays européens sont très raisonnables. Nous n'en resterons pas là. Le gouvernement est en passe d'introduire de nouvelles mesures fiscales pour attirer les investisseurs étrangers

Comment appréhendez-vous les conséquences financières du Brexit?

Le résultat du référendum est un challenge sans précédent pour l'UE. Dans ce contexte, la solidarité et la crédibilité européenne sont remises en jeu. Mais les valeurs fondatrices de l'UE, elles n'ont pas changé. Nous devons être fermes par rapport à celles-ci. Cependant, il est bon de rappeler qu'il est dans notre intérêt commun que nos pays restent des partenaires stratégiques, en termes de politique globale, économique et de sécurité. Le Royaume-Uni quitte l'Union Européenne, mais pas l'Europe.

Par ailleurs, il y a 200 000 citoyens lituaniens qui sont résidents au Royaume-Uni. Il est donc important de statuer correctement sur leur situation pour préserver leurs intérêts, ainsi que ceux du Royaume-Uni. Pour la sécurité de nos échanges futurs, il nous importe de coordonner avec justesse nos accords sur le système de sécurité sociale ou sur la législation financière.

Sur le plan budgétaire chacune des deux parties doit respecter ses obligations financières. Après la sortie du Royaume Uni, personne ne devrait oublier les objectifs fondamentaux de l'UE. Nous, pays européens, devons prendre en compte les nouveaux défis que nous apportent l'immigration, l'économie, les accords de libre échanges avec l'Amérique du Nord... De fait, si cela est nécessaire, nous sommes prêts à augmenter notre participation au budget européen. Nous avons déjà pris nos responsabilités dans les dépenses de la défense en prévoyant pour l'année prochaine un ratio de 2 % du budget dans le cadre de l'OTAN et de la sécurité.


Votre pays est entré dans l'UE en 2004 et a bénéficié d'un soutien du budget européen. Quel apport cela a-t-il représenté ?

Cela a été une chance et une opportunité. Les fonds structurels représentent environ 12 % de notre budget : l'impact des investissements européens est significatif, et ce dans tous les secteurs économiques de notre pays. Ces dix dernières années, nous avons connu une excellente croissance, quand bien même la crise nous a frappé de plein fouet. Dans cette situation, les aides européennes nous ont permis de résister et de mieux relancer le moteur de notre économie. Quant au fond de cohésion, il joue un rôle important dans le développement territorial de la Lituanie. Rappelons que la Lituanie c'est près de 3 millions d'habitants répartis dans 5 régions et dans 103 communes. Comme dans d'autres pays européens l'investissement public est déterminant. Il repose aussi sur les fonds européens.

Nous disposons d'ailleurs d'une délégation au Comité européen des Régions qui représente les dirigeants des villes et des régions de la Lituanie. Nous avons beaucoup d'enjeux dans la construction européenne et dans tous les domaines, des solutions effectives ne peuvent être trouvées sans les villes et les régions. C'est une question de développement économique équilibré de toutes les parties de l'Europe. Mais aussi une question de citoyenneté. Tous les citoyens de l'Union européenne, surtout lorsqu'ils s'installent dans un autre État de l'UE, doivent vivre dans des conditions optimales de droits sociaux, économiques et de sécurité. Et les représentants du Comité européen des Régions doivent se faire l'écho de cette demande de respect du citoyen. Au début il y a « citizen first ».

Jean-François Puech
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