Un nouveau garde des Sceaux, des attentes anciennes
L'USM prend acte de la nomination de M. François BAYROU en tant que Ministre d'Etat, garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
L'Union Syndicale des Magistrats appelle le nouveau Ministre à prendre rapidement l'exacte mesure de l'ampleur des besoins du Ministère de la Justice et en particulier des services judiciaires.
Besoin d'une indépendance consacrée. Il est aujourd'hui plus qu'urgent que soient dépassés les clivages politiciens afin que le statut des magistrats du parquet soit enfin, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme, aligné sur celui des magistrats du siège.
Cette nécessaire évolution mettrait fin aux soupçons et mises en cause des magistrats dans certaines affaires médiatiques.
La réforme constitutionnelle doit également porter sur la composition et les pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature pour que soit rétablie une composition respectueuse des engagements européens de la France.
Besoin de moyens. Donner à la Justice, de manière pérenne, les moyens humains et matériels pour accomplir sa mission est une priorité. L'évolution du budget et des recrutements des services judiciaires lors du précédent quinquennat doit être confortée, amplifiée et consacrée dans le cadre d'une loi de programmation pluri-annuelle ambitieuse qui permettra notamment un investissement efficient dans les nouvelles technologies.
Besoin de simplification. Il est indispensable de concrétiser dans les textes législatifs et réglementaires les réflexions déjà conduites en matière de droit de la peine, de procédure civile, de procédure pénale et de droit pénal des mineurs.
Besoin d'apaisement. Les personnels des services judiciaires ne peuvent continuer à exercer leurs missions dans des conditions de travail aussi dégradées, sans moyens suffisants et au détriment, trop souvent, de leur santé.
Besoin de concertation. Le rétablissement d'un vrai dialogue social s'impose pour améliorer la qualité des réformes envisagées.
C'est au prix de ces évolutions que sera restaurée la confiance des citoyens dans le fonctionnement de l'Institution judiciaire.
Un nouveau souffle doit animer le Ministère de la Justice. L'USM, syndicat largement majoritaire qui a constamment oeuvré au-delà des clivages partisans, apportera son expérience, sa réflexion et la force des magistrats qu'elle représente pour engager et mettre en oeuvre ces réformes, sans lesquelles il ne peut y avoir de justice moderne et efficace.
Elle sera un interlocuteur attentif et vigilant pour le nouveau Ministre
Pour aller plus loin :
- lire la réponse de François Bayrou en 2012 au questionnaire USM sur la justice
Réponses de François Bayrou
19 avril 2012
1 - Êtes-vous favorable à l'instauration d'une "pouvoir judiciaire" ?
La fonction de régulation, indispensable à nos sociétés, que remplit la justice impose la
création d'un véritable "pouvoir judiciaire" incarné par l'institution d'un statut particulier
pour le ministre de la Justice. Comme vous le savez, je propose que la nomination du Garde
des Sceaux soit approuvée par une majorité qualifiée de l'Assemblée nationale. Il définira la
politique pénale de la nation et sera responsable devant l'Assemblée nationale, par laquelle il
pourra être censuré. Elu, je soumettrai cette question à referendum le 10 juin prochain,
premier tour des élections législatives.
2- Vous engagez-vous à respecter et restaurer l'indépendance des magistrats ?
Il convient, d'abord, de restaurer l'indépendance des magistrats, puis de la respecter. C'est la
condition d'un équilibre des pouvoirs, donc d'une démocratie vivante et apaisée dans laquelle
chacun pourra faire valoir ses droits.
3- Entendez-vous respecter et faire respecter les magistrats et l'institution judiciaire ?
Les autorités de l'État et les responsables politiques n'ont, évidemment, ni à critiquer ni à
stigmatiser les magistrats, pas plus que les décisions de l'autorité judiciaire. Cela n'empêche
en rien de rechercher les voies et moyens d'une justice plus accessible et plus efficace.
4 - Êtes-vous favorable au maintien de l'unité du corps (magistrats du siège et
magistrats du parquet) ?
Je suis favorable à une formation unique dispensée par l'E.N.M. même si son amélioration
constante, adaptée aux évolutions du droit, est toujours souhaitable.
Mais l'unicité du corps n'est pas, pour moi, un dogme. On pourrait imaginer qu'à l'issue
d'une période de 5 ans de pratique professionnelle, les magistrats optent soit pour le parquet
soit pour le siège. Je soumettrai cette idée à la concertation nécessaire avec les intéressés.
5- Êtes-vous favorable à la création d'un Conseil Supérieur de la Magistrature
indépendant, doté de larges prérogatives ?
Je suis favorable à une composition paritaire du C.S.M. pour éviter tout risque de
corporatisme. L'approbation par le Parlement de la nomination des membres non magistrats
serait une meilleure garantie d'impartialité.
6- Envisagez-vous une extension des prérogatives du C.S.M. ?
L'extension des prérogatives du C.S.M. serait, pour moi, une conséquence logique,
indispensable, de la restauration de l'indépendance de la justice.
7- Êtes-vous favorable à ce que les magistrats du parquet soient indépendants du
pouvoir exécutif ?
L'avis conforme du C.S.M. pour la nomination des magistrats du parquet est une garantie
statutaire incontournable.
La suppression des instructions individuelles s'impose également. En revanche, les
instructions générales, définissant les priorités de la politique pénale, doivent demeurer de la
compétence du ministre de la Justice.
La reconnaissance d'une possibilité donnée au ministre de la Justice d'intervenir comme
simple partie au procès, dans des cas présentant une importance particulière ou symbolique,
mérite d'être étudiée.
8- Vous engagez-vous à maintenir et promouvoir, conformément au préambule de la
Constitution de 1946 et aux principes internationaux, la liberté pour les magistrats de se
syndiquer et d'user, dans les limites de leur devoir de réserve de la liberté d'expression
reconnue à tous les citoyens ?
La liberté pour les magistrats de se syndiquer ne saurait être remise en cause.
Leur "devoir de réserve", interprété en fonction des circonstances, est le cadre juridique de
leur liberté d'expression.
9- Envisagez-vous une réforme de l'organisation judiciaire ?
La réforme de la carte judiciaire, entreprise récemment, mérite d'être évaluée sous tous ses
aspects : accès à la justice, efficacité et coût. Je solliciterai la mise en oeuvre d'une évaluation
complète, associant des magistrats, des avocats et des associations représentatives des
justiciables.
L'extension du rôle du tribunal d'instance, comme juridiction de proximité, va de pair avec
cette évaluation.
Les nouvelles technologies peuvent être un moyen utile d'améliorer le fonctionnement de la
justice. Mais leur développement exige une concertation étroite avec les acteurs (magistrats,
greffes, auxiliaires de justice) pour répondre aux objectifs définis.
Enfin, le "périmètre du juge" doit faire l'objet d'une réflexion approfondie. La justice ne
saurait être banalisée, elle doit conserver un caractère exemplaire. Cela suppose que certains
contentieux soient mieux contenus et maîtrisés, à la fois par une refonte de certains codes
(code pénal, droit des étrangers, droit de la consommation ...) et par un recours plus
développé à la médiation. En revanche, la participation des magistrats à diverses commissions
et tâches de nature administrative mérite d'être substantiellement allégée.
10- Vous engagez-vous à une revalorisation du budget de la Justice dans le cadre d'un
plan pluriannuel ?
À terme, les moyens d'une justice indépendante doivent être augmentés. Ceux qui lui ont été
affectés depuis 2002 ont été, hélas, absorbés par les tâches nouvelles et une inflation
législative aussi brouillonne qu'inefficace. Un plan de programmation sera mis en place dès
que le redressement des finances publiques le permettra.
L'urgence va aujourd'hui, à mon sens, à une augmentation des moyens des greffes et des
S.P.I.P.
Toute réforme devrait être précédée d'une étude d'impact digne de ce nom, ce qui n'est pas le
cas, malheureusement. Je veillerai à ce que toute loi nouvelle soit précédée de cette évaluation
des moyens financiers et humains nécessaires à sa réussite.