La fondation Bill et Melinda Gates soutient un projet de lutte contre le paludisme transfrontalier entre la Guyane française et le Brésil

IRD Institut de Recherche pour le Développement - 13/07/2017 11:35:00

L'élimination du paludisme constitue un des Objectifs de développement durable (ODD). Même si la maladie a vu ses taux d'incidence et de mortalité significativement diminuer depuis 2000, le paludisme était encore responsable de 214 millions de cas et de 438 000 décès en 2015, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Atteindre l'élimination du paludisme requiert le maintien d'efforts coordonnés au niveau mondial ("global war") mais également une lutte ciblée ("local guerillas") dans des contextes locaux favorisant le maintien de la transmission. En particulier, le "paludisme transfrontalier" est considéré comme un obstacle majeur à l'élimination de la maladie.

Les frontières internationales séparent le plus souvent des réalités très différentes des points de vue socio-économique, environnemental, culturel et de gestion territoriale. L'absence de visions objectives et unifiées des situations épidémiologiques du paludisme dans les zones transfrontalières, du fait d'un manque de partage et d'une non comparabilité immédiate des données, des informations et des connaissances de part et d'autre des frontières, participe à la difficulté de définir des stratégies de prévention et de lutte efficaces, ainsi qu'au renvoi de responsabilité d'un pays à l'autre.

La zone transfrontalière guyano-brésilienne sous surveillance

La zone transfrontalière guyano-brésilienne est un exemple typique : ces dernières années, le nombre de cas de paludisme a fortement diminué dans les deux pays pour atteindre, en 2016, moins de 500 cas en Guyane française et moins de 11 500 cas dans l'état brésilien d'Amapá, frontalier avec la Guyane. La Guyane française s'est en effet doté d'une plan de pré-élimination du paludisme à l'horizon 2018 et le brésil s'est engagé dans un plan d'élimination d'ici 2030, en accord avec les ODD.

Toutefois, il subsiste une circulation importante de plusieurs espèces de parasites (du genre plasmodium ) dans la zone transfrontalière entre les deux pays, au sein des populations autochtones vulnérables et de populations mobiles difficiles à atteindre et à suivre (orpailleurs en particulier). De plus, les méthodes de diagnostic, de traitement et de suivi des patients diffèrent d'un pays à l'autre. Enfin, la coopération transfrontalière, le partage de données, d'informations et de connaissances sont, à ce jour, insuffisants.

Projet "Fighting Malaria : From Global War to Local Guerrillas at International Borders"

C'est dans ce contexte que la Fondation Bill et Melinda Gates vient d'annoncer son soutien au projet "Fighting Malaria : From Global War to Local Guerrillas at International Borders", dans le cadre de l'appel à projets "Grand challenges explorations Round 18".

Ce projet est porté par Emmanuel Roux et Jean-Christophe Desconnets, chercheurs à l'IRD (UMR ESPACE-DEV), en collaboration avec l'Institut de communication et d'information scientifique et technologique en santé (ICICT) de la fondation Oswaldo Cruz (Brésil), le Laboratoire central de santé publique d'Amapa (LACEN-AP) et le service des Centres délocalisés de prévention et de soin (CDPS) du Centre hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) de Cayenne (Guyane française).

Il a pour objectif de développer et de mettre en oeuvre de façon opérationnelle l'harmonisation et la publication des informations relatives aux cas de paludisme recensés par les systèmes de surveillance de Guyane française et du Brésil.

La construction d'une base de données harmonisées transfrontalière repose sur :

. l'expertise du partenariat (épidémiologie, parasitologie, systèmes de surveillance) pour définir les règles d'intégration et d'harmonisation
. la technologie informatique ETL (pour Extract, Transform and Load) pour la mise en oeuvre de ces règles de façon automatique et régulière
. l'utilisation de standards de méta-données et d'ontologies de domaine afin de formaliser la connaissance et de faciliter la reproductibilité de l'approche dans d'autres contextes transfrontaliers. En particulier, l'approche sera adaptée et appliquée à la tri-frontière Colombie-Pérou-Brésil.

Ce projet s'inscrit dans un objectif plus ambitieux de l'UMR ESPACE-DEV et de ses partenaires : la construction d'observatoires transfrontaliers des maladies vectorielles , qui consiste à développer et à mettre en oeuvre les méthodologies, le partenariat et les outils permettant de recueillir, représenter, analyser et modéliser conjointement des données, informations et connaissances transfrontalières comparables, pluridisciplinaires, spatialisées, qualifiées, et ce sur le long terme.

Plusieurs programmes de recherche et de renforcement des capacités co-portés par l'UMR ESPACE-DEV contribuent à ces travaux :
. projets TéléPal, APUREZA et Sentinel2-Malaria financés par le programme TOSCA/CNES
. projet GAPAM-Sentinela financé par le programme Guyamazon
. Jeune équipe associée à l'IRD GITES