Afrique centrale : Intégrer la faune sauvage dans la gestion des systèmes alimentaires
La chasse constitue traditionnellement une source de nourriture et de revenus essentielle pour de nombreuses familles rurales en Afrique centrale. Or, la pression démographique et la demande grandissante en viande par les villes secondaires et les métropoles entraînent une exploitation accrue et non durable de nombreuses populations animales sauvages. Face à cette menace pour la conservation de la biodiversité, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance locaux, le projet « Gestion durable de la faune et du secteur de la viande de brousse en Afrique centrale », a permis de mettre en place les fondements d'une gestion participative de la chasse villageoise. Piloté par la FAO, avec la participation du Cirad durant ces cinq dernières années, le projet vient de s'achever.
Les viandes sauvages constituent la principale source de protéines animales pour les populations rurales en Afrique centrale, la viande domestique produite localement ou importée étant généralement peu accessible. Dans un contexte de démographie humaine dynamique et de demande croissante, la préservation de la faune sauvage et des ressources naturelles apparaît comme un impératif. « L'objectif du projet était de mettre en place dans quatre pays d'Afrique centrale (Congo, Gabon, République centrafricaine et République démocratique du Congo) les prémices d'une gestion durable de la chasse villageoise », explique Daniel Cornélis, coordinateur adjoint du projet pour le Cirad. « Cela a pu se faire en associant au projet une équipe pluridisciplinaire d'experts et de chercheurs. L'idée était de favoriser l'émergence d'une vision holistique de la viabilité de la chasse, intégrant à la fois les enjeux de sécurité alimentaire et de préservation des ressources naturelles », ajoute-t-il.
Passer d'une logique répressive à une démarche participative
Le projet s'est attaché à inciter les communautés locales qui dépendent de la faune pour leur survie à s'organiser pour gérer collectivement leurs territoires de chasse. L'intention était de passer d'une logique conservatrice et répressive de la chasse à une démarche adaptative et participative. Les communautés ont ainsi été impliquées dans les tests pilotes de gestion participative de la chasse.
Dans cette perspective, les chercheurs ont mis au point des modèles et outils de gestion communautaire de la chasse villageoise susceptibles d'être répliqués à plus large échelle. Ceux-ci ont également déployé des outils innovants tels que des applications digitales permettant un suivi des prélèvements de chasse ou encore un système de caméras-pièges assurant le suivi indiciel des populations animales chassées. Deux guides techniques ainsi qu'une batterie d'outils de diagnostic ont par ailleurs été publiés.
Enfin, une stratégie sous régionale pour l'utilisation durable de la faune sauvage par les communautés locales a vu le jour à l'issue du projet. Elle est portée par la Conférence des ministres en charge des Forêts d'Afrique Centrale (Comifac) et endossée par les gouvernements des pays concernés.
Un changement de paradigme
« Encourager une gestion durable de la chasse nécessite un changement de paradigme de la part des nombreuses parties-prenantes, commente Sébastien Le Bel, coordinateur du projet pour le Cirad. Ce changement permet d'intégrer la forte dépendance des communautés locales envers les viandes sauvages dans la gestion des systèmes alimentaires carnés. » La consommation de viandes sauvages en Afrique centrale atteint en effet 5 à 7 millions de tonnes par an. Un tel changement ne pourra toutefois s'inscrire que dans la durée, car il repose sur des rouages à évolution lente :
. révision des lois sur la chasse au niveau des pays,
. appropriation par les différentes parties prenantes de la gestion de la faune sauvage,
. évolution des pratiques de chasse et des comportements alimentaires des communautés locales.
Un projet de 45 millions d'euros sur 7 ans à venir
Au terme du projet, le Cirad, la FAO et le CIFOR ont coédité un ouvrage de synthèse intitulé Communautés locales et utilisation durable de la faune en Afrique centrale. Ce dernier propose des recommandations à destination des décideurs, gestionnaires de la faune sauvage et bailleurs de fonds sur la base des expériences et leçons apprises tout au long du projet. « L'ouvrage souligne notamment la nécessité de promouvoir en Afrique centrale des systèmes alimentaires carnés territorialisés (SACT) centrés sur les villes de province, comme instrument d'une gouvernance alimentaire nouvelle, intégrant les composantes domestique et sauvage », précise Daniel Cornélis.
Les acquis de ce projet ainsi que le réseau de partenaires structuré dans ce cadre, constituent de précieux atouts pour poursuivre l'appui à l'émergence d'une gestion locale et participative de la faune et de la chasse en Afrique centrale. De nouveaux projets s'inscrivent dans sa continuité, dont le programme Sustainable Wildlife Management qui débutera à l'automne 2017. Financé à hauteur de 45 millions d'euros par le Fonds européen de développement de la Communauté européenne, ce projet d'une durée exceptionnelle de 7 ans sera mis en oeuvre dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) par un consortium composé de la FAO, du Cirad, du CIFOR et de l'ONG WCS (Wildlife Conservation Society).
Projet « Gestion durable de la faune et du secteur de la viande de brousse en Afrique centrale »
Mise en oeuvre : Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)
Partenaires techniques : Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN)
Financement : Fonds pour l'environnement mondial (FEM)
En collaboration avec la Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC)
Durée : 5 ans (2012-2017)
Budget : 12 millions d'USD dont 4,2 millions d'USD du GEF