Communication chez les plantes, un nouveau mécanisme basé sur une histoire d'eau

INRA - Institut National de Recherche Agronomique - 13/10/2017 16:10:00

Dans la nature, les plantes sont soumises à des sollicitations mécaniques externes qui affectent leur croissance, parfois à très grande distance du point de stimulation. Des chercheurs de l'Inra, du CNRS et d'Aix-Marseille Université proposent que le signal qui induit cette réponse provienne d'un couplage hydro-mécanique entre la déformation du tissu et la pression de l'eau contenue dans le système vasculaire de la plante. Ces travaux ouvrent ainsi la voie à un nouveau mode de communication chez les plantes. Ils sont publiés en ligne dans la revue PNAS le 02 octobre 2017.

Vent, pression du sol... les plantes sont sans cesse soumises à des contraintes mécaniques extérieures auxquelles elles répondent en modifiant leur croissance. Ainsi, quand on fléchit une branche ou une tige, on observe habituellement un arrêt transitoire de la croissance longitudinale et une augmentation de la croissance en diamètre de la tige. Une des caractéristiques de cette réponse est qu'elle peut se produire rapidement et à très grande distance du point de stimulation, suggérant l'existence d'un signal rapide qui se propage dans l'ensemble de la plante. L'origine et la nature de ce signal restent cependant inconnues à ce jour.

Des chercheurs de l'Inra, du CNRS et d'Aix-Marseille Université1 ont mis en évidence que ce signal pourrait être purement mécanique et basé sur la propagation d'une surpression hydraulique générée par la flexion de la plante.

Des branches d'arbre biomimétiques pour comprendre

Sur la base d'une stratégie biomimétique, les scientifiques ont conçu des branches d'arbre artificielles. Imitant les caractéristiques de base des tiges et branches naturelles, elles consistent en une poutre cylindrique percée de micro-canaux et remplie de liquide.

Quand la branche modèle est fléchie, les scientifiques ont constaté qu'une forte surpression hydraulique apparaît dans ses canaux, un phénomène qui n'est pas prédit par les modèles utilisés dans le domaine de la résistance des matériaux. La réponse est de plus non-linéaire : la pression hydraulique varie comme le carré de la déformation mécanique. Pour expliquer l'origine de cette surpression, les scientifiques ont établi un modèle simple basé sur l'idée qu'une poutre poreuse en flexion tend à comprimer sa section transverse afin de minimiser l'énergie élastique totale. Ce modèle leur permet de prédire quantitativement cette réponse poroélastique non linéaire et d'identifier les paramètres physiques clés qui contrôlent l'apparition de cette pression.

Des branches d'arbre naturelles pour confirmer un mécanisme universel

Les chercheurs de l'Inra, du CNRS et d'Aix-Marseille Université ont ensuite confronté les prédictions du modèle à des expériences sur des branches naturelles d'arbre. Trois espèces représentatives des différents types d'anatomie du bois rencontrés chez les arbres ont été étudiées : le pin sylvestre, le chêne vert et le peuplier blanc.

Comme dans le système biomimétique, la flexion de branches naturelles a généré une forte surpression hydraulique dans les canaux conducteurs. Plus encore, le modèle élaboré par les chercheurs permet de prédire l'ensemble des expériences réalisées sur les branches biomimétiques et les branches naturelles, illustrant l'universalité du mécanisme physique proposé.

Ces résultats constituent les bases physiques d'un nouveau mode de communication à longue distance chez les plantes, basé sur la propagation rapide de signaux hydrauliques. Ils appellent à explorer, pour mieux les comprendre, les réponses physiologiques des plantes à une surpression hydraulique et les mécanismes moléculaires sous-jacents.

1 Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (Aix-Marseille Université, CNRS)