Autorisation d'un nouveau néonicotinoïde : le sulfoxaflor

Union Nationale de l'Apiculture Française - 20/10/2017 18:05:00

L'UNAF demande au Président Emmanuel Macron et au ministre d'Etat Nicolas Hulot de retirer immédiatement les autorisations de mise sur le marché de ce produit

Fin septembre, l'Anses a autorisé deux pesticides à base de sulfoxaflor sur de nombreuses cultures.
Derrière cette molécule se cache un insecticide néonicotinoïde hautement toxique pour les abeilles.

Bien que la loi biodiversité prévoie une interdiction des néonicotinoïdes en 2018, le sulfoxaflor en serait exclu par un tour de passe-passe plus que grossier. L'UNAF demande le retrait immédiat de l'autorisation.

OUI, le sulfoxaflor est bel et bien un néonicotinoïde

Le sulfoxaflor, produit par Dow Agro Science, a le même mode d'action que les autres néonicotinoïdes. Comme les autres néonicotinoïdes, la molécule est systémique : une fois absorbée par la plante, elle circule dans son système vasculaire jusque dans le pollen et le nectar.
Dans son avis, l'EFSA a qualifié l'insecticide de " hautement toxique pour les abeilles ".

B>Le sulfoxaflor, nouveau néonicotinoïde autorisé en France pour de nombreux usages

La molécule et ses propriétés
Le sulfoxaflor, produit par Dow Agro Science, a le même mode d'action que les autres néonicotinoïdes car, il se lie comme l'acétylcholine (neurotransmetteur) aux récepteurs qui sont appelés récepteurs nicotiniques (récepteurs nAChR pour nicotinic AcetylCholine Receptor).

Il est classé, par les industriels eux-mêmes (Insecticide Resistance Action Committee) dans la Groupe 4 « Nicotinic acetylcholine receptor (nAChR) competitive modulators » au même titre que l'imidaclopride, l'acétamipride et d'autres néonicotinoïdes. Suivant cette classification, les différences se situent au niveau de la chimie des molécules.

La molécule est systémique (comme les autres néonicotinoïdes) : une fois absorbée par la plante, elle circule dans son système vasculaire jusque dans ses parties florales (et donc le pollen et le nectar).

Dans son avis, l'EFSA1 a qualifié l'insecticide de « hautement toxique pour les abeilles ».
Le sulfoxaflor a une longue persistance dans la plante : si on pulvérise une culture en croissance avec un produit à base de sulfoxaflor, on peut retrouver des résidus dans les récoltes. Malheureusement, dans le cadre de l'évaluation UE, aucune étude n'a été menée sur la teneur en sulfoxaflor des pollens et nectar des fleurs...

Ses autorisations
Autorisation de la substance active SULFOXAFLOR en 2015 par l'Union européenne :
- La substance active sulfoxaflor a été autorisée par la Commission européenne le 27 juillet 20152 suite à un avis favorable des Etats membres rendu mi-juin (pour lequel l'UNAF n'a jamais connu le sens du vote de la France malgré nos demandes répétées).
Septembre 2017, autorisation par l'ANSES de deux produits phytos contenant le sulfoxaflor :
- CLOSER3 sur agrumes, cerisiers, pêchers, pommiers, concombre, laitue, épinard, melon, poivron, pomme de terre, tomate, différents types de choux, arbres et arbustes, rosiers, cultures florales et plantes vertes.
- TRANSFORM4 sur blé, épeautre, triticale, orge, crucifères oléagineuses (lin)

Dow Agro science conteste son appartenance à la famille des néonicotinoïdes
Pour des raisons commerciales évidentes, la qualification de « néonicotinoïde » (autrefois très valorisante) est aujourd'hui un poids pour les industriels, tant les dégâts de ces produits sont connus à travers la planète. Ainsi Dow Agro Science conteste au sulfoxaflor son appartenance à la famille des néonicotinoïdes.
Pourtant, contrairement à ce que veut faire croire Dow Agro Sciences, des publications scientifiques5 établissent que le sulfoxaflor appartient bien à la famille des néonicotinoïdes.

Sur le sujet, une note détaillée de PAN Europe expliquant en quoi ces pesticides sont de toute évidence des néonicotinoïdes a été traduite par l'UNAF6.
Par ailleurs, une décision de justice américaine7, annulant l'autorisation du sulfoxaflor à la demande d'apiculteurs et d'ONG, lui reconnait également cette appartenance à la famille des néonicotinoïdes.

UE : autorisation délivrée dans des conditions très critiquables
En Europe, le sulfoxaflor a reçu un avis positif de l'EFSA en 2015, malgré des informations manquantes notamment sur la toxicité abeille.

Sur cette base, un recours a été déposé par Beelife (représentant UE de l'UNAF) et Pesticide Action Network Europe en octobre 2015 auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne.

Les informations manquantes, dites « informations confirmatives », sont les suivantes :
a) le risque pour les abeilles mellifères par différentes voies d'exposition, en particulier le nectar, le pollen, la guttation et les poussières
b) le risque pour les abeilles mellifères qui butinent le nectar ou le pollen des cultures suivantes ou des adventices en fleur
c) le risque pour les pollinisateurs autres que les abeilles mellifères
d) le risque pour les couvains d'abeilles

Le demandeur devait fournir ces données confirmatives pour le 18 août 2017. Pour l'heure nous ne savons pas si elles ont été transmises.

France : l'UNAF a alerté les pouvoirs publics sur les dangers de la molécule depuis 2015

Depuis 2015, l'UNAF a demandé à l'ANSES et aux ministères de l'Ecologie et de l'Agriculture d'être particulièrement vigilants sur ce dossier.
- Novembre 2015 : l'UNAF adresse à l'ANSES un courrier d'alerte sur la molécule.
- Décembre 2015 : l'UNAF demande au ministère de l'Agriculture à connaitre la position défendue par la France sur l'autorisation européenne du produit. Cette information ne nous est toujours pas parvenue malgré un recours de l'UNAF auprès de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs et au Tribunal Administratif.
- Février 2016 : l'ANSES nous a informés lors d'un RDV qu'elle était l'Etat membre rapporteur pour la « zone sud » de plusieurs préparations phytos contenant du sulfoxaflor. Elle nous a assuré de sa vigilance. Au cours de ce RDV, l'UNAF a demandé à être informée de l'avancée du dossier, nous n'avons pas obtenu plus d'informations sur ce dossier depuis.

- Mars 2017 : en réponse à la consultation du ministère de l'Environnement sur un projet de décret fixant la liste des néonicotinoïdes couverts par la loi biodiversité, l'UNAF a expressément demandé l'inclusion du sulfoxaflor8 (et de la flupyradifurone) dans la liste des produits couverts par l'interdiction figurant dans la loi biodiversité. D'après nos informations, plus de 20 000 réponses auraient été reçues par le ministère, ce qui est exceptionnel. Comme l'UNAF, des ONG environnementales avaient alerté leurs adhérents des risques que l'interdiction des néonicotinoïdes soit vidée de sa substance si le sulfoxaflor n'y figurait pas.
- Août 2017 : l'UNAF répond à la consultation réalisée au niveau européen sur le projet de décret français et émet les mêmes commentaires.

On note que l'ANSES n'a pas organisé de consultation préalable à l'autorisation de ces produits bien qu'elle en ait la possibilité9. Elle l'avait fait en septembre 2016 sur deux produits néonicotinoïdes.

L'interdiction des néonicotinoïdes vidée de sa substance
Avec ces deux AMM, on remplace les néonicotinoïdes interdits dans la loi biodiversité par... de nouveaux néonicotinoïdes. Les cultures couvertes par l'AMM du Transform et du Closer sont à l'heure actuelle très consommatrices des néonicotinoïdes prochainement interdits.

L'ANSES nous assure que ces utilisations ne seront pas faites au détriment des abeilles et que les impacts de la molécule seront suivis de près dans le cadre du dispositif de « phytopharmacovigilance ». Pour l'UNAF, cela revient à dire que l'utilisation en plein champ va servir de lieu d'expérimentation afin d'évaluer la toxicité réelle du sulfoxaflor. Nous notons par ailleurs, que pour l'heure, les instruments techniques de cette phytopharmacovigilance pour l'abeille sont loin d'être opérationnels. En outre, l'ANSES n'a pour le moment pas les moyens de connaître les lieux et les périodes réelles d'utilisation de ces produits.

Face à cette situation désastreuse
Concernant le dossier européen (substance active), l'UNAF va demander l'accès aux données confirmatives manquantes.
Concernant les produits CLOSER et TRANSFORM, l'UNAF a d'ores-et-déjà demandé l'accès aux dossiers « partie écotoxicité ». Une lecture attentive de ces documents va être faite et des recours seront déposés si les évaluations n'ont pas été menées de manière conforme à la réglementation.
Concernant le projet de décret fixant la liste des néonicotinoïdes, l'UNAF demande à ce que le sulfoxaflor soit intégré de toute urgence dans la liste, afin que l'interdiction prévue dans la loi biodiversité couvre cette molécule.