Lois de finances : premier bilan et actualité des priorités de France urbaine

France urbaine - 06/11/2017 09:30:00

Une étape du marathon parlementaire des lois de finances a été franchie à l'Assemblée nationale le 24 octobre avec le vote du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) et le vote de la première partie (volet recettes) du projet de loi de finances pour 2018 (PLF) -cf. la note « feuilleton » d'analyse des articles-. Sur chacun de ces deux textes France urbaine avait proposé aux députés un amendement (respectivement à l'article 16 du PLF et à l'article 13 du PLPFP), lesquels ont été largement repris et ont permis de faire bouger les lignes.

En termes d'agenda, c'est l'examen au Sénat du PLPFP (texte sur lequel le gouvernement a engagé la procédure accélérée, c'est-à-dire une seule lecture par chambre) qui va rapidement venir (dès le 31 octobre en commission et le 9 novembre en séance). De leur coté les députés vont maintenant s'atteler à la seconde partie du PLF (les amendements proposés par France urbaine -cf. infra- seront examinés en commission à partir du 9 novembre).

1- Article 16 du PLF : la non pénalisation des territoires industriels sur de bonnes voies (exclure la DCRTP du bloc communal des variables d'ajustement)

Pour les agglomérations les plus impactées, la perte de ressources induite par l'inclusion de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) du bloc communal dans les variables d'ajustement peut être supérieure (cas de Dunkerque) ou équivalente (Marseille, voire le Havre,...) à celle de la baisse de la DGF en 2017. Sont tout autant impactées des agglomérations de taille plus modeste et concentrant des difficultés économiques et sociales telles que Denain, Béthune, Maubeuge, Oyonnax ou encore Florange.

Face à une telle perspective, l'amendement proposé par France urbaine a été déposé par un très grand nombre de députés (appartenant à divers groupes : LREM, UDI-constructifs, LR, Nouvelle Gauche, la France Insoumise), et, surtout, a trouvé un écho positif auprès du rapporteur général du budget, Joël Giraud. Cette mobilisation a conduit le gouvernement à donner un avis favorable à l'amendement n°I-1376 voté le samedi 21 octobre, lequel vise notamment à alléger la contrainte sur les variables d'ajustement (« cet allégement doit bénéficier prioritairement aux communes et aux EPCI qui perçoivent une DCRTP, il s'agit de communes et EPCI anciennement industriels, souvent confrontés à des difficultés de reconversion »).

Certes, comme l'a reconnu le ministre en séance, l'allègement demeure insuffisant si l'on veut parvenir à totalement exclure la DCRTP du bloc communal des variables d'ajustement : « le gouvernement fera des propositions en ce sens à l'occasion de la navette parlementaire ». En d'autres termes, la mobilisation initiée par France urbaine a permis, dès la première lecture, de mettre sur les rails la correction de l'article 16, mais la plus grande vigilance doit demeurer, afin que le spectre de la pénalisation des territoires industriels soit définitivement écarté et afin de s'assurer que la proposition attendue du gouvernement n'ait pas d'impacts indésirables sur d'autres territoires.

2 - Article 13 du PLPFP : obtention du non plafonnement de l'évolution du FCTVA et de la TVA des régions

Dans sa rédaction initiale, l'article 13 relatif au plafonnement de l'ensemble des concours financiers aux collectivités autorise l'inclusion de la quote-part de TVA des régions dans l'enveloppe globale des concours financiers (plus aucun abondement net de moyens nouveaux au bénéfice des collectivités ne pourra être envisagé en dehors des évolutions d'ores et déjà inscrites). On conviendra que les discussions sur le paysage de la fiscalité locale à l'issue de la réforme de la taxe d'habitation ne pourront pas être abordées sereinement s'il demeure un risque de voir peser sur les variables d'ajustement la dynamique d'un impôt national partagé !

Tel est le message que France urbaine a adressé aux députés. Et il leur a donc été proposé un amendement (repris par le rapporteur général : amendement n°66 rect, cf. PJ, voté le mercredi 18 octobre) qui précise que l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales « est évalué » et non pas cantonné à une évolution. Dès lors, pour la durée de la programmation (2018-2022), ni la quote-part de TVA des régions, ni le FCTVA, ne sont gagés : leur évolution n'est donc pas plafonnée et n'impactera pas les variables d'ajustement.

3 - Article 24 du PLPFP : au Sénat, parvenir à remettre en question la nouvelle règle prudentielle dite « règle d'or renforcée »

L'article 24 (relatif à la "règle d'or renforcé") a également été modifié par les députés afin que le ratio de capacité de désendettement soit pris en considération sur trois exercices. Eu égard à la variabilité intrinsèque du ratio, l'amendement apparaît pertinent. Il n'en demeure pas moins que le sujet ne nous semble pas tant être dans l'amélioration du ratio que dans l'interrogation du bien fondé de la nouvelle règle prudentielle.

Dans la perspective du prochain examen du PLPFP par les sénateurs, France urbaine leur a adressé une note visant à rappeler quelques données (aucune augmentation de l'endettement des collectivités ne peut être établie depuis que la baisse des dotations est effective) et faits (la capacité de désendettement n'est pas retenue dans le calcul des scores du réseau d'alerte étant donné sa volatilité), lesquels s'avèrent avoir été « oubliés » lors du débat à l'Assemblée nationale. En cohérence, un amendement de suppression de l'article 24 (ainsi qu'un amendement de repli) leur a été adressé.

4 - Article 10 du PLPFP : faire prendre conscience aux sénateurs que les collectivités, d'acteurs de l'investissement public, vont devenir porteur du désendettement public

L'article 10, relatif à relatif à la participation des collectivités au redressement de la trajectoire globale des finances publiques énonce :

- que le rythme annuel d'évolution des dépenses de fonctionnement, en valeur (c'est-à-dire en intégrant l'inflation), sera de 1,2% ;

- que « l'économie » de 13Mdeuros sur les 5 années 2018-2022 (ou 2,6 Mdeuros par an) doit être entendue en réduction du besoin de financement.

En substance, il conduit à ce que l'excédent de financement des administration publiques locales (APUL), actuellement égal à 0,1% du PIB (soit + 3Mdeuros en 2016) devra s'élever en 2022 à +0,8% du PIB (soit +21,4 Mdeuros). Sur ces bases, la participation des collectivités au désendettement public global est particulièrement importante : alors qu'en 2018, la dette des APUL représente 8,6% de la dette publique globale, en 2022 elle ne devra plus qu'en représenter que 5,9% (de son coté la dette de l'Etat passera de 82,1% à 88,9%).

France urbaine attend notamment du débat au Sénat :

- un éclaircissement sur les conséquences que cette contrainte va avoir sur l'investissement public local. La perspective selon laquelle, nonobstant les aléas du cycle électoral, celui-ci serait seulement maintenu à son niveau actuel n'apparaît guère acceptable. Admettre que le recul de 20 à 25% conséquent à la baisse des dotations puisse être pérennisé revient en effet à hypothéquer l'entretien du patrimoine et a de lourdes conséquences sur l'emploi en région.

- Un éclaircissement sur la façon dont la croissance programmée de l'excédent de financement mérite de concourir au désendettement plutôt qu'à la réduction de la pression fiscale locale.

5 - Article 45 et après 45 du PLF (seconde partie du PLF) : 4 amendements pour 4 objectifs

En cohérence avec les priorités fixées par la commission finances (11 octobre) et le conseil d'administration (18 octobre) de France urbaine, l'association va proposer aux députés, dès la semaine prochaine, des amendements visant :

- la transformation en dégrèvement de la compensation d'exonération de la cotisation minimum de CFE des petits redevables (article 45),

- l'actualisation de la rédaction de l'article 1520 du code général des impôts afin de mieux coller avec la réalité des politiques publiques engagées en matière de gestion des déchets (après l'article 45),

- la fusion de la taxe d'habitation sur les logements vacants et la majoration de taxe d'habitation sur les résidences secondaires en une « taxe pour la mobilisation des logements sous occupés » (après l'article 45),

- la définition d'une tarification de taxe de séjour adaptée aux logements proposés par les plates-formes électroniques (après l'article 45).