Campagne IBTS : nouveaux relevés d'abondance des espèces de poissons

IFREMER - 19/02/2018 15:25:00

Le Thalassa, navire océanographique de l'Ifremer, rentre au port de Boulogne-sur-Mer après une campagne de 20 jours en Manche et Mer du Nord. Des données nécessaires pour mieux comprendre l'évolution des communautés de poissons.

Au premier trimestre, tous les ans depuis 1976, a lieu la campagne européenne d'évaluation des stocks de poissons IBTS (International bottom trawl survey). Harengs, cabillauds, églefins, merlans... Grâce à l'utilisation d'engins de pêche standardisés, les données acquises chaque année permettent de calculer un indice d'abondance des principales espèces de poissons commerciaux exploitées en Manche-Mer du Nord. « Comme les années passées, des milliers de poissons ont été prélevés en 2018 lors de 60 chalutages de fond, d'une durée de 30 minutes chacun. Les poissons sont mesurés et leur âge est évalué grâce à la mesure des otolithes (petit os situé dans l'oreille interne du poisson) », précise Yves Vérin, membre du laboratoire Ressources halieutiques de Boulogne, et chef de mission de la campagne.

Pour obtenir des données comparables à l'échelle européenne, six pays (Norvège, Pays-Bas, Grande Bretagne, Allemagne, Danemark, Suède) réalisent en parallèle le même type de campagne. L'ensemble est coordonné par le CIEM (Conseil international pour l'exploitation de la mer). Ces indices, cumulés à d'autres observations, notamment les débarquements de pêcheurs professionnels, servent de base aux décisions sur les mesures européennes de gestion des ressources halieutiques, en particulier pour les quotas de pêche définis chaque année en décembre.

Une évolution des communautés liée à la température de l'eau

Les données acquises par ces campagnes ITBS depuis plus de 30 ans ont permis de développer des travaux d'observation des effets de la pêche et du climat sur la biodiversité des poissons en Manche et Mer du Nord. Il s'agit du projet Eclipse (2015-2018) qui étudie l'évolution de communautés d'espèces, regroupées en fonction de leurs caractéristiques biologiques et écologiques comme par exemple la préférence thermique, la taille à maturité sexuelle, leur position dans la colonne d'eau.

Un changement rapide dans la structure des communautés de poissons au milieu des années 90 en Manche Est a été mis en évidence. Ce changement est principalement caractérisé par une forte diminution des stocks de poissons pélagiques de petite taille, ayant le plus souvent, une préférence pour les eaux froides, comme le hareng, le chinchard, le sprat, la sardine ou le maquereau. D'autres poissons, de plus grande taille et préférant les températures plus élevées, ont sensiblement augmenté en abondance au fil des décennies.

« Les analyses ont montré que ces changements étaient dans une large mesure liés à un basculement climatique, souligne le responsable du projet Arnaud Auber (également membre du laboratoire Ressources halieutiques de Boulogne), avec le passage naturel d'une phase froide à une phase chaude de la température de l'eau à l'échelle de l'océan Atlantique Nord ». En effet, la température a augmenté en moyenne de 0,5 degré par décennie en Manche-Mer du Nord depuis les années 80. L'impact direct de la pêche sur les communautés n'a pas été mis en évidence dans le cadre de cette étude.

En Mer du Nord, au contraire de la Manche Est, c'est une augmentation des petits pélagiques qui est observée depuis le début des années 2000. L'hypothèse d'une migration vers le nord en réponse au réchauffement de l'eau n'est donc pas exclue, même si des incertitudes demeurent encore sur les processus biologiques à l'oeuvre. Des études prospectives seront menées dans la continuité du projet Eclipse pour confirmer ce point et mesurer si le changement climatique pourrait accroître ces tendances à l'avenir. Des analyses complémentaires seront menées en 2018 en s'appuyant sur les scénarios climatiques extrêmes et médians du GIEC à l'horizon 2100.