Nathalie Bertoux : Le galeriste est un passeur entre les artistes et les collectionneurs, un trait d'union entre les cultures
Nathalie Bertoux est une galeriste née. C'est, munie d'un double cursus en histoire de l'art et en école de commerce avec une spécialisation dans le domaine des oeuvres d'art, qu'elle ouvre une galerie d'art contemporain dans le Marais avec Bernard Vidal. La galerie ouvre la voie à de nombreux artistes français, allemands et bientôt européens. Elle révèle des artistes qui deviendront des références internationales.
Mais bientôt les métiers évoluent et la galerie devient itinérante.
La galerie organise cinq expositions par an d'artistes contemporains connus ou encore émergents dans des lieux éphémères parisiens. Ces expositions, qui associent étroitement les collectionneurs, s'accompagnent d'événements culturels musicaux et littéraires avec des présentations des oeuvres par des spécialistes de l'histoire de l'art et des débats avec les artistes.
Nathalie Bertoux, comment devient-on galeriste?
La peinture est d'abord une passion.
Après des études en histoire de l'art puis une école de commerce spécialisée dans le marché de l'art, j'ai souhaité très vite travailler dans une galerie.
La galerie permet de rencontrer bien-sûr des artistes, mais également les collectionneurs : c'est une des raisons pour laquelle j'ai choisi ce métier. Le galeriste est un passeur entre les artistes et les collectionneurs, un trait d'union entre les cultures.
C'est une belle aventure que celle d'être galeriste, et en ce qui me concerne, elle a commencé il y a presque trente ans en 1990, et c'est toujours une immense joie pour moi de découvrir les artistes et d'échanger avec les amateurs et les collectionneurs.
Vous organisez des événements éphémères cela vous donne t-il plus de liberté ?
Oui évidemment.
Nous avons eu pendant 25 ans une galerie fixe qui se trouvait dans le Marais, nous organisions une exposition toutes les 6 semaines avec un rythme soutenu. C'est toute une organisation rôdée, car dès le début de l'exposition il faut déjà penser à la suivante. A cela s'ajoute la préparation et la participation aux différentes foires d'art contemporain qui se sont multipliées ces dernières années.
Nous avons ainsi participé à de nombreuses foires en France (Fiac , Art Paris, Drawing Now) ) et à l'étranger ( Art Cologne , Art Brussels, ARCO).
Les foires ont un rôle essentiel, elles permettent de découvrir de nouveaux artistes et de futurs collectionneurs.
Comment choisissez-vous vos artistes ?
Nos choix sont toujours des coups de coeur.
Lorsqu'on arrive dans l'atelier, la première question que l'on se pose : Aurait-on envie d'avoir ce tableau à la maison ?
La réponse doit toujours être positive afin de promouvoir le travail de l'artiste le mieux possible.
Notre sensibilité se porte essentiellement sur le dessin ou la peinture, avec principalement des artistes allemands. En effet, dans les années 1990, à la foire de Cologne on pouvait découvrir de nombreux peintres, alors qu'en France à la même époque, la peinture était moins représentée : il y avait essentiellement des installations, de la photographie.
Au fil des années nous avons également présenté denombreux artistes européens, connus dans leur pays d'origine mais pas encore en France. Ainsi, nous avons organisé la première exposition en France d'artistes allemands, italiens, autrichiens, anglais.
En 1990, nous avons ainsi exposé Piero Pizzi Cannella dont nous avions vu les oeuvres à la Foire de Bâle. C'était sa première exposition dans notre pays.
Il y a quinze ans, nous avons découvert à la foire de Cologne, le travail de Thomas Müller , qui se consacre uniquement au papier, et récemment, nous avons présenté les oeuvres de deux jeunes artistes allemands: Pius Fox et Katrin Bremermann.
La plupart de ces artistes sont installés à Berlin. La capitale allemande leur permet de travailler dans de meilleures conditions qu'en France : espaces plus vastes, échanges avec les autres artistes ou les institutions, plus aisés. Il y a aussi beaucoup de solidarité entre les artistes allemands.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote à ce sujet.
Il y quinze ans, Max Neumann, un artiste majeur de la galerie , nous a présenté un jeune artiste inconnu:
Martin Assig. Grâce à Max, nous avons pu découvrir ce très bel artiste, qui est devenu lui aussi un des piliers de la galerie.
Vos peintres appartiennent-ils à différentes écoles ?
Les artistes sont de moins en moins attachés à des courants ou à des mouvements artistiques. Parmi nos artistes il y a Piero Pizzi Cannella qui appartient à « la nouvelle école romaine »
Mais sinon la plupart n'appartiennent pas à un courant artistique ou à une école particulière.
En revanche, je pense qu'il y a une sensibilité commune et des passerelles entre nos artistes. Leurs univers picturaux sont différents mais il existe des points communs entre-eux.
Par exemple, Max Neumann et Piero Pizzi Cannella ont beaucoup de respect pour leur travail réciproque; l'un admire le travail des couleurs et l'autre la force de l'image.
Il nous est également arrivé d'exposer des artistes qui se consacraient uniquement au papier comme Thomas Muller. Nous avions découvert ses dessins il y a une quinzaine d'années.
Ce fut une très belle rencontre et nous avons pensé à tort que son travail était difficile et qu'il faudrait organiser plusieurs expositions afin de bien comprendre son oeuvre.
Nous avions tort : dès la première expo, nous avons rencontré un succès formidable.
Nous étions ravis pour lui car c'est un très bel artiste avec une oeuvre impressionnante.
Comment estimez-vous si leur travail sera bien accueilli en France ?
En ce qui concerne Thomas Müller, son travail est très rigoureux, austère, et les oeuvres sont toutes sur papier. Parfois, le public préfère les toiles où la sensualité, la matière, la vibration de la couleur sont plus présentes. De plus il y a la question de la conservation, le papier est plus fragile.
Mais, personnellement, je suis très sensible aux dessins qui me touchent davantage. Il y a dans le dessin une spontanéité, une intimité très forte avec l'oeuvre.
Parlez-nous de vos collectionneurs ?
Au fil des années, nous avons tissé des relations privilégiées avec nos artistes et également avec les collectionneurs, et certains d'entre-eux sont devenus des amis.
J'aime énormément discuter et échanger avec eux. On parle de peinture, de nos découvertes, de nos coups de coeurs. Nos collectionneurs sont des amateurs, j'insiste sur ce mot amateur (celui qui aime). Ils sont passionnés par la peinture, très cultivés, ils vont voir de nombreuses expositions et ils achètent uniquement avec leur coeur, lorsqu'ils aiment le travail et l'univers du peintre.
C'est grâce à tous ces collectionneurs discrets et fidèles que les artistes peuvent continuer à travailler et que les galeries parviennent à poursuivre leur aventure.
Les médias nous parlent souvent des mêmes collectionneurs célèbres et des records de prix de certaines oeuvres vendues aux enchères.
Mais il existe en réalité un tout autre marché. Vous pouvez acquérir parfois une oeuvre avec un budget modeste. Nous avons vendu des dessins à moins de 1.000 euros et nous proposons des facilités de paiement afin de permettre au plus grand nombre de posséder une oeuvre originale.
Il est indispensable de soutenir ainsi les jeunes artistes et de permettre à la nouvelle génération de commencer à collectionner.
Entrez dans les galeries, osez pousser la porte : la galerie est un espace public et gratuit. C'est le lieu privilégié pour découvrir les nouveaux artistes de demain.
Comment développer l'accès à l'art contemporain ?
Je pense que cela commence par l'école.
Il faudrait dès la maternelle donner une place plus importante à l'éducation artistique.
On apprend à compter, à lire, il faudrait également apprendre à regarder. C'est d'autant plus important dans une société chargée d'images d'avoir des repères et une mémoire visuelle.
Il y a quelques années j'ai travaillé autour d'un projet pédagogique et artistique au sein d'un internat d'excellence. L'internat était réservé aux jeunes filles issues de quartiers défavorisés et le projet culturel était l'axe majeur. Chaque jeune fille pouvait bénéficier d'un encadrement culturel et artistique.
Nous allions voir des expositions, elles participaient à des ateliers, elles rencontraient des artistes plasticiens.
Je garde un excellent souvenir de nos différentes sorties, elles étaient curieuses, spontanées, étonnées, et tellement heureuses de découvrir un univers qui leur était inconnu.
Dans la vie l'art est un pilier essentiel et chacun doit pouvoir le rencontrer et croiser le chemin de la création artistique.
Quels sont vos projets ?
Début mars, nous allons organiser une exposition dans le nouvel espace du Marais, de Mélissa Regan, qui nous a donné une Carte Blanche.
Nous présenterons cinq artistes de la galerie dont nous suivons le travail depuis de nombreuses années : Martin Assig, Katrin Bremermann, Pius Fox, Thomas Müller , Piero Pizzi Cannella et Per Kirkeby.
Per Kirkeby est un artiste majeur de la scène contemporaine internationale, ses oeuvres sont visibles dans les plus grands musées du monde ( Centre Pompidou , Moma, Tate Modern).
En décembre dernier, le musée des Beaux-Arts de Paris a présenté une magnifique exposition de ses sculptures très peu connues en France.
Autour de chaque exposition, nous organisons également des événements culturels.
L'année dernière nous avons souhaité rendre hommage aux goûts musicaux des artistes en organisant un récital de piano ou de violoncelle.
Notre souhait est de créer des passerelles entre la peinture, la musique et la littérature. Parfois, nous demandons à un conservateur ou à un directeur d'institutions culturelles, de présenter l'exposition. La galerie devient alors un lieu d'échange, de convivialité où tous les amoureux de la culture, de l'art peuvent se retrouver.
Entretien avec Jean François Puech
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