"Les Nanas" de Jacques Capdeville au Musée d'art moderne

Ville de Collioure - 14/03/2018 17:15:00

Après la série des fleurs et insectes piliers du travail de Jacques Capdeville, les Nanas viennent très justement prendre place dans la suite de l'écriture libre de cet artiste iconoclaste, qui n'écrit pas la poésie comme on le fait habituellement, mais qui la peint, sur papier, tissu ou bâches. Les Nanas prennent place sur des supports libres, sans encadrements d'aucune sorte, allant des formats raisin à de très grands formats de 260 x 260 cm. Elles s'offrent au regard avec cheveux relevés et rouge à lèvres agressif,
des yeux de libellule... des excroissances voulues pour affirmer leur extraordinaire personnalité. Émane de l'entièreté de son travail un souffle puissant et évanescent à la fois, empreint de grande subtilité, de délicatesse et de sensibilité.

Les Nanas qui trônent en maîtresses des lieux dans ses deux ateliers, celui de la rue St Ferréol à Céret et dans celui du mas Soubiranne au creux de nos montagnes sacrées des Pyrénées, sont les reines majestueuses d'un royaume créé pour elles à leur juste mesure. Impressionnantes, elles dominent le monde avec leur propre regard, et inévitablement nous interpellent.

Elles firent leur apparition en 1989, voici près de trente ans, à un moment difficile dans la vie de l'artiste. Elles convoquent subrepticement, pour certaines d'entre elles, un Giacometti ou un De Kooning. Capdeville interroge la question du portrait à travers ces images de femmes. Elles peuvent surprendre par l'amplitude de leur féminité, accentuée avec l'expression de leurs yeux immenses et sophistiqués, par leurs bouches signifiées uniquement par la pose du rouge à lèvres débordant, incontrôlé, permissif, jouissif, libre et délicat ...

Il en va de même avec le jeu des colliers, bijoux qui structurent leurs tenues chatoyantes, parures qui peuvent évoquer quelque oiseau des îles par le raffinement des couleurs choisies et leur majesté, sans oublier leur coiffures débridées, blondes, incontrôlées... Tous ces éléments sont amplifiés, appuyés, mais tellement vrais. Jacques regarde les femmes et les aime, et son regard ne trompe pas, elles sont ainsi : libres, belles, insaisissables avec leur personnalité débridée, leurs codes, leurs attitudes. Rien n'échappe à son oeil rompu à l'observation, autant de la nature humaine qu'à celle des végétaux et des animaux, éléments de cette nature qui l'entoure en permanence et à laquelle il a la chance d'appartenir. Jacques fait partie intégrante d'une nature encore préservée, d'une richesse incommensurable, il est lui-même un de ces totems nourri de textes taoïstes et zen, il habite la vie avec la légèreté, comme un souffle, mais sa présence n'en est que plus signifiante...

Après les femmes roses... les femmes noires... arrivées plus tard. L'exubérance de la couleur n'est plus présente, les couleurs sont celles de la terre, de la nature profonde, elles sentent l'Afrique notre maison mère, le sens profond de l'humanité, la source divine. Elles sont magistrales, reines elles aussi de royaumes rêvés, inaccessibles et lointains ... Elles déclinent leur beauté et féminité dans une élégance raffinée et un port de tête altier et serein.
Toutes les Nanas de Capdeville nous amènent vers des territoires fantastiques qui exercent notre imagination et nos rêves, nous naviguons dans la poésie pure, celle qui fait découvrir le monde et entraine la pensée vers des chemins nouveaux...

J Matamoros

Du 10 février au 21 mai 2018
Musée d'art moderne de Collioure
Villa Pams - Route de Port-Vendres 66190 Collioure . Tél : +33 (0)4 68 82 10 19
Ouvert tous les jours du 1 juin au 30 septembre de 10h à 12h et de 14h à 18h.