Sept années de guerre en Syrie et aucune amélioration en vue : les enfants handicapés menacés d'exclusion

UNICEF - Fonds international d'urgence des Nations unies pour l'enfance - 19/03/2018 12:05:00

En 2017, la violence extrême et généralisée a tué plus d'enfants que jamais, 50 % de plus qu'en 2016.

La guerre en Syrie continue de faire rage, et les enfants handicapés risquent chaque jour l'exclusion et l'oubli.

Le conflit syrien s'est poursuivi sans relâche tout au long de 2017, tuant le plus grand nombre d'enfants jamais constaté, soit 50 % de plus qu'en 2016. Au cours des deux premiers mois de 2018, 1 000 enfants auraient été tués ou blessés dans des violences de plus en plus intenses. Ce conflit constitue désormais la principale cause de décès chez les adolescents syriens.

Sami, 14 ans, originaire de Deraa, dans le sud de la Syrie, est maintenant réfugié en Jordanie. Il raconte : « Je suis sorti jouer dans la neige avec mes cousins. Une bombe est tombée. J'ai vu les mains de mon cousin voler devant mes yeux. J'ai perdu mes deux jambes. Deux de mes cousins sont morts et un autre a aussi perdu ses jambes ».

« En situation de conflit, les enfants handicapés sont les plus vulnérables », explique le Directeur régional de l'UNICEF pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Geert Cappelaere. « Ils ont souvent besoin d'un traitement et de services spécialisés. En tant qu'enfants, leurs besoins diffèrent de ceux des adultes. Sans possibilité d'accès à ces services, aux écoles ou aux accessoires d'assistance comme les fauteuils roulants, de nombreux enfants handicapés font face au risque très élevé d'être négligés et stigmatisés alors que le conflit se poursuit sans répit ».

L'utilisation d'armes explosives et la multiplication des attaques aveugles dans des zones densément peuplées ont tué un nombre croissant d'enfants, qui représentent désormais le quart des victimes civiles. Plus de 360 enfants ont été blessés en 2017, et beaucoup en sont sortis handicapés. Mais ce ne sont là que les données qui ont pu être vérifiées par les Nations Unies, les chiffres réels sont probablement plus élevés.

. On estime à 3,3 millions le nombre d'enfants exposés à des risques d'explosion, notamment de mines terrestres, d'engins non explosés et de dispositifs explosifs improvisés en Syrie.
. Plus de 1,5 million de personnes vivent aujourd'hui avec un handicap permanent lié à la guerre et 86 000 d'entre elles ont perdu un ou plusieurs membres.
. Parmi les réfugiés syriens au Liban et en Jordanie, 80 % des blessures sont directement dues à la guerre
. Le manque d'accès à des soins médicaux et psychologiques adaptés a aggravé les blessures et les handicaps des enfants.
. Les enfants handicapés font face à des risques plus élevés de violence et ont beaucoup de mal à accéder aux services de base comme la santé et l'éducation.
. Les risques de violence, d'exploitation, d'abus et de négligence envers les enfants handicapés sont accentués par la mort des personnes qui s'occupent d'eux ou leur séparation.
. En situation de crise ou de conflit, les familles d'enfants handicapés manquent souvent de moyens pour fournir à leurs enfants l'équipement dont ils ont besoin.
. Les pays voisins, eux-mêmes fragilisés par l'instabilité et la stagnation économique, accueillent plus de 90 % de tous les réfugiés syriens. Ce flux de réfugiés a mis à rude épreuve le dispositif de fourniture de services, remettant en cause l'accès des Syriens et des communautés d'accueil aux services de base. Pour les familles d'enfants handicapés, le défi est donc double. . Pour les millions d'enfants qui ont dû fuir leur foyer en Syrie ou pour se réfugier dans les pays voisins, le déplacement a multiplié les risques - circulation routière, fleuves et débris de guerre non explosés - pour les enfants ayant déjà un handicap.

La destruction généralisée et les attaques envers des infrastructures médicales et éducatives ont anéanti les systèmes de santé et d'éducation du pays. En 2017, les Nations Unies ont recensé 175 attaques contre des structures médicales et éducatives et du personnel. Ce sont les enfants handicapés qui en ont le plus souffert car ils ont été privés de tout accès à des soins spécialisés et à des établissements scolaires adaptés à leurs besoins.

« À mesure que les opérations chirurgicales progressent pour les enfants handicapés ou défigurés par la guerre, on voit qu'ils retrouvent confiance en eux, comme s'ils faisaient enfin partie intégrante de ce monde », déclare le docteur Ghassan Abu Sitti, spécialiste en chirurgie plastique et reconstructive au Centre médical de l'Université américaine de Beyrouth.

Mais les dégâts causés par les sept dernières années de cette guerre dévastatrice n'ont pas vaincu la détermination des enfants syriens.

« Malgré les blessures et le déplacement, la volonté des enfants de Syrie ne connaît pas de frontières », a déclaré Geert Cappelaere. « Lorsque les enfants handicapés et leur famille reçoivent le soutien et les services dont ils ont besoin, ils savent surmonter les défis auxquels ils sont confrontés et peuvent accomplir des exploits extraordinaires pour retrouver leur enfance, leur dignité et leurs rêves. »

La crise en Syrie est sans égal dans sa complexité, sa brutalité et sa durée et ne pourra pas être résolue sans changer de façon de faire. Au nom des enfants handicapés et de tous les enfants touchés par le conflit syrien, l'UNICEF demande aux belligérants, à ceux qui les influencent et à la communauté internationale la mise en oeuvre des actions suivantes en faveur des enfants, en Syrie et dans les pays d'accueil :

à l'appui d'un soutien vital et mettre en place des services de réadaptation à long terme, de soins et de soutien psychosocial et psychologique pour les enfants ;

. Améliorer l'accès aux services élémentaires comme la santé, la nutrition, l'éducation, la protection de l'enfance et l'approvisionnement en eau ;
. Concevoir des programmes pour et avec la participation des enfants handicapés. Affecter les ressources nécessaires pour rendre les services publics réellement inclusifs ;
. Augmenter l'aide financière donnée aux familles des enfants handicapés afin de faciliter l'accès aux équipements d'assistance comme les fauteuils roulants, les cannes et les prothèses ;
. Travailler avec les communautés pour mieux inclure les enfants handicapés afin de lutter contre la stigmatisation ;
. Fournir un financement flexible, illimité et pluriannuel pour répondre aux besoins des enfants, y compris des enfants handicapés et de leur famille, afin d'améliorer leur accès à des services spécialisés. Pour soutenir les enfants touchés par la guerre en Syrie et dans les pays voisins, l'UNICEF a besoin de 1,3 milliard de dollars pour ses programmes en 2018 ;
. Soutenir les efforts de reconstruction et de redressement en accordant la priorité aux besoins des enfants, y compris des enfants handicapés. Au-delà des briques et des pierres, et pour obtenir le rétablissement de la paix, il faut restaurer le tissu social et ramener une culture de tolérance et de diversité pour rassembler les communautés ;
. Mettre un terme aux violations graves commises à l'encontre des enfants : tueries, mutilations, recrutements pour le combat, attaques dans les écoles et les hôpitaux ;
. Mettre définitivement fin à cette guerre en proposant une solution politique et lever toutes les restrictions à la distribution de l'aide humanitaire.

Épuisées par sept années de guerre, les ressources des familles en Syrie et dans les pays voisins s'amenuisent dangereusement, poussant les familles à prendre des mesures extrêmes pour survivre. Mariage des enfants, recrutement pour le combat et travail des enfants sont en hausse généralisée. En 2017, trois fois plus d'enfants ont été recrutés pour le combat qu'en 2015.