Tribunal criminel départemental

USM - Union Syndicale des Magistrats - 20/03/2018 10:25:00

L'USM analyse le projet de loi de programmation point par point. Voici un focus sur le tribunal criminel départemental.

POURQUOI L'USM DEMANDE l'expérimentation du tribunal criminel départemental ?
Dès 1995, le Garde des Sceaux proposait la création d'un tribunal criminel départemental dont les décisions devaient être susceptibles d'appel devant une cour d'assises. Ce projet a été abandonné à la suite de la résistance de parlementaires animés d'intentions essentiellement politiciennes.

Depuis le début du XXIème siècle, la procédure d'assises a été modifiée plusieurs fois, notamment en instituant le droit d'appel, sans que soit remise en cause l'existence d'une cour d'assises en première instance.

Depuis quelques années, on constate une forte augmentation du délai moyen de jugement des crimes : 40,6 mois en 2015 contre 39,5 mois en 2014 et 37,9 mois en 2013.
Les dossiers d'assises sont de plus en plus lourds et le nombre de jours de sessions d'assises pour rendre un arrêt est en hausse continue (2,9 jours par arrêt en 2010 et 3,2 en 2015).
Cette situation aboutit à des conséquences dommageables.

Les chambres de l'instruction sanctionnent, à juste titre, le non respect du délai raisonnable de jugement et se voient contraintes de prononcer des remises en liberté en raison du délai d'audiencement excessif des dossiers en appel.

Les dossiers des accusés libres restent en souffrance plusieurs années avant de pouvoir être jugés.

La France a été condamnée par la CEDH pour le non respect du délai raisonnable.

Cette situation démontre que la justice criminelle ne parvient plus à absorber le flot d'affaires, au demeurant de plus en plus complexes, qui lui est soumis.

En outre, depuis quelques années, des critiques se font entendre contre la procédure de correctionnalisation, notamment dans les affaires d'infractions sexuelles.
Remettre en cause le principe même de la correctionnalisation, pour assurer une meilleure égalité des citoyens devant la justice, et permettre ainsi de rendre leur exacte qualification à des faits criminels, suppose une réforme de la procédure de jugement des crimes dans l'intérêt même des plaignants amenés à déposer devant la cour d'assises dans le cadre d'une procédure orale. On sait en effet combien peut être traumatisante pour une victime sa déposition devant une Cour d'assises, en présence d'un nombre très important de tiers.

Le recours pour les affaires les plus graves, et en tout état de cause en appel, à une cour d'assises majoritairement composée de jurés préserve le lien entre la Justice et les citoyens qui a présidé à l'instauration de cette juridiction il y a plus de deux siècles.

Le projet de loi présenté prévoit une expérimentation d'un tribunal criminel composé d'un président et de quatre assesseurs, dont deux pourraient être des magistrats honoraires et des MTT.

Ce projet se heurte évidement aux moyens en effectifs de magistrats qui devront être évalués par une étude d'impact sérieuse. Mais l'expérimentation proposée peut permettre l'évaluation des avantages de jugements criminels dans un cadre renouvelé ainsi que l'évaluation des besoins en cas de généralisation.

C'est pourquoi, l'USM a, dès son audition par les référents du chantier "simplification de la procédure pénale", proposé une telle expérimentation.

L'USM porte cette demande depuis des années et l'avait notamment formalisée dans le cadre de la réflexion sur la charge des cours d'assises en mars 2016.

Le bureau de l'USM
14 mars 2018