Une colle biosourcée capable de concurrencer les colles industrielles
Des chercheurs clermontois spécialistes de la mécanique des matériaux adhésifs et de l'élaboration de biomatériaux sont à l'origine de la formulation d'une colle à base de chitosane, un polymère naturel, qui s'avère aussi performante que les colles structurales industrielles.
Utilisées pour assembler deux pièces et former un composé résistant à de fortes contraintes mécaniques, les colles dites structurales sont formées de matériaux synthétiques (polyuréthane, époxyde...) qui renferment des substances potentiellement toxiques pour la santé et l'environnement, comme notamment des composés organiques volatils (cov). Compte tenu de l'étendue des applications de ces adhésifs structuraux, un des défis actuels vise à trouver des matériaux alternatifs, qui soient à la fois dotés de performances équivalentes et non nocifs.
C'est là le challenge qu'ont relevé des chercheurs du centre Irstea et de l'Institut Pascal de Clermont-Ferrand[1]. En associant leurs expertises respectives dans le domaine de la mécanique des matériaux (modélisation du comportement des adhésifs notamment) et de la conception de biomatériaux, ils ont mis au point une colle 100 % naturelle à base de chitosane, un biopolymère fabriqué industriellement à partir de la chitine de la carapace des crustacés ou de champignons. « Formulée à partir du chitosane, d'un acide organique et d'un polyol, la colle que nous avons développée se révèle aussi efficace que les colles structurales industrielles. Elle présente en effet une résistance mécanique au cisaillement du joint de colle (la mesure de référence) supérieure à 7 méga Pascal et qui peut atteindre jusqu'à 40 MPa » précise Jean-Denis Mathias, chercheur au centre Irstea de Clermont-Ferrand et co-inventeur de la biocolle. Un résultat remarquable puisque, jusqu'à présent, aucune colle biosourcée n'avait atteint ce seuil.
Un avenir prometteur
Objet d'un brevet largement étendu à l'international[2] et détenu en copropriété par Irstea et l'Université Clermont Auvergne (UCA), cette innovation a été récompensée en 2017 par le trophée Eco-Innovation de la maison Innovergne (structure publique du soutien à l'innovation en Auvergne). Grâce à sa simplicité de fabrication et, de fait, son faible coût, qui constituent un autre atout de taille, cette colle nouvelle génération semble vouée à un avenir prometteur. « Cette innovation présente un fort potentiel selon nous. Et l'intérêt que lui portent les fabricants de colles ou des matières premières qui entrent dans leur composition, en témoigne. Nous travaillons actuellement à la mise en place de partenariats qui permettront d'entreprendre une phase de développement préindustriel », commente Véronique Vissac-Charles, responsable du pôle Valorisation et transfert d'Irstea.
Et déjà un premier essai a été transformé. La biocolle a en effet été exploitée dans le cadre du projet Demether[3] visant à utiliser des sous-produits agricoles, des tiges de tournesol broyées et agglomérées grâce à la colle, pour concevoir des panneaux d'isolation pour le bâtiment. Le matériau composite obtenu s'est avéré capable de concurrencer les propriétés mécaniques et thermiques des matériaux disponibles sur le marché.
Potentiellement transférable dans de nombreux secteurs tels que la construction, l'emballage ou l'aménagement intérieur, la biocolle issue des laboratoires clermontois d'Irstea et de l'UCA n'a sans doute pas fini de faire parler d'elle...