Entretien au Press Club de France avec Michel King Président de la Société Nationale des Beaux Arts

Jean François Puech Directeur de la Rédaction NEWS Press - 28/05/2018 13:55:00


Entretien au Press Club de France avec Michel King Président de la Société Nationale des Beaux Arts Le Salon des Beaux-Arts s'est tenu au Carrousel du Louvre en décembre dernier. Il a permis de présenter au public plus de 600 oeuvres et des artistes d'une dizaine de pays invités. Retour sur les temps forts et l'histoire de ce salon emblématique qui est organisé chaque année par la Société Nationale des Beaux Arts (SNBA).


Michel King, Président de la SNBA, Peintre Officiel de la Marine accompagné d'Isabelle Lawson, Directrice, et de Kiro.Melo, Présidente de la Section Illustration/Dessin, répondent à nos questions.

Quelle est l'histoire du Salon des Beaux Arts ?

1861, date de naissance de la SNBA. De nombreux artistes, tels Ingres, Delacroix, Corot, Gustave Doré, Daubigny, Rodin et beaucoup d'autres, se séparent du Salon Officiel et fondent cette nouvelle association sous l'égide de Théophile Gautier qui désirait « que les artistes s'occupent eux-mêmes de leurs affaires ».

Ils accueillent, également, leurs confères étrangers qui ne sont pas admis au Salon des Artistes Français. C'est une première dans l'hexagone. La SNBA confirme jusqu'à aujourd'hui son ouverture au monde. Brancusi qui fut l'un de ses membres éminents ne disait-il pas en 1922 : « En Art il n'y a pas d'étrangers » ? Ce lieu vivant d'échanges sans frontières, se veut aussi multiculturel : expositions accompagnées de concerts et de conférences. En 1865 Alexandre Dumas y fait une causerie sur Delacroix dont on trouve les échos dans le Courrier Artistique. En 1906 Rodin crée la Section Musique avec le concours des plus grands compositeurs du moment : Gabriel Fauré, Saint-Saëns, Chabrier... Le Président Puvis de Chavannes invite Suzanne Valadon au Salon de 1894. C'est la première femme peintre exposante. Camille Claudel conviée par Rodin est présente de 1892 à 1902. Elle expose le plâtre de « l'Age mur » en 1899. La SNBA sans être révolutionnaire est pionnière. La liste est longue de toutes les célébrités qui illustrèrent la « Nationale » : Sisley de 1890 jusqu'à sa mort en 1899, Matisse en 1896, Marquet en 1899.

Le premier Salon des Beaux Arts comptait un quart d'artistes étrangers et beaucoup de femmes. Isabelle Lawson fait remarquer que seule Suzanne Valadon était présentée dans le catalogue comme les hommes à savoir présentée par son nom et son prénom, sans être rattachée à un mari ou père, ou à un statut marital.
Le Salon des Beaux Arts d'aujourd'hui perpétue cet esprit d'ouverture fort de cet anticonformisme face aux influences de la mode.

Si notre environnement se transforme, nos émotions sont pérennes. La Nationale des Beaux Arts accueille, peintres, sculpteurs, graveurs, vétérans ou jeunes, l'âge ne fait rien à l'affaire, qui expriment toutes les facettes de la vie, joyeuses ou tragiques, sans complaisances à la mode, à la routine, au marché.
Un jury constitué des membres du bureau de la SNBA choisit sur dossier de présentation les artistes qui seront exposés au Salon des Beaux Arts dans les Sections : peinture, sculpture, gravure, photographie, illustration/dessin et la nouvelle qui va voir le jour en 2018 : la section naturaliste. Pour l'attribution des Prix un comité constitué de Personnalités du monde artistiques s'adjoint au jury du Bureau de la SNBA.
Pour un artiste, il est difficile d'apprécier les oeuvres qui se différencient des canons en cours, celles échappant aux orientations dominantes, d'oublier son propre parcours, et ainsi estimer en toute objectivité les qualités des oeuvres originales. C'est la difficulté à laquelle est confronté un jury. Comme l'écrit Guy de Maupassant : « Qui suis-je pour juger ? ». De toute façon, un jury est difficilement totalement impartial, quoi qu'il fasse. Son éclectisme le plus honnête n'annihile pas un goût natif qui assure par ailleurs l'harmonie du choix.

La SNBA vivifie son Salon par des événements de l'actualité artistique afin d'attirer l'attention du public sur l'évolution constante de la richesse de l'art.

Quelle est l'évolution du Salon au XXème siècle ?

Les guerres européennes et celle mondiale ont bouleversé l'exercice et la fonction artistique. Les artistes ont acquis l'individualité, l'indépendance, l'irrévérence, mais en réprimande la peur de l'échec et la précarité.

À l'après guerre, l'art d'isme en isme rebondit en liberté. Les Salons, tel celui de la SNBA, sont symboles de stabilité. Les américains ont joué un rôle important dans le développement de l'activité artistique française. En effet, l'Amérique qui avait gagné la guerre et la primauté économique, souhaite aussi conquérir l'excellence culturelle. Ils ont alors subventionné leurs artistes nationaux comme, entre autres, Jackson Pollock et Andy Warhol. Au XIX ième siècle ils avaient soutenu les impressionnistes. Leur consécration est redevable du financement américain.
La SNBA n'avait pas les armes financières, celles qui lui manquent toujours aujourd'hui. Par bonheur cette lacune fortifie l'arsenal des imaginaires.
Les Salons de l'argent sont là. Ceux, non plus confréries d'artistes, mais holdings de galeries. La finance gère l'art.

L'art dit contemporain est né en partie du mouvement Dada qui a opéré une fracture, faisant table rase du passé. De tous temps, des formes d'art nées de nouveaux moyens sont apparues, sans pour autant renier celles établies. La peinture à l'eau survit à l'invention de l'huile comme adjuvant, la photographie n'a pas tué la peinture, le cinéma n'a pas supprimé le théâtre, le numérique ne fait pas l'économie du papier, le crayon graphite est toujours en vente.

Le présent n'efface pas le passé, le futur est mémoire.

Depuis le premier « Sallon » de 1737, qui s'écrivait avec deux L, les Salons prolifèrent tant à Paris qu'en banlieue, province, et l'étranger. La concurrence est rude. Le Salon des Beaux Arts affronte la compétition en beauté. Si nous revisitons les Salons des Beaux Arts d'une dixième année en arrière, la SNBA apparait sédentaire. Depuis, la nouvelle équipe accueille des créations diverses et innovantes. Elle les recherche, avec une vive curiosité, sur la planète entière, de tous styles, de toutes techniques sans se préoccuper de la renommée de leurs créateurs.

La marque de fabrique de la SNBA est l'utilité publique. Quel est votre mode de fonctionnement financier ?

La SNBA n'est pas marchande. Elle est une Association déclarée sans but lucratif. Sa motivation originelle est de promouvoir le travail des artistes (en particulier ceux détachés de la spéculation), pas d'engranger du capital. La SNBA permet aux artistes « non bankable » jeunes ou anciens de se montrer et de se faire connaître. C'est en quoi la SNBA peut être reconnue d'utilité publique par opposition à tous les salons de galeristes. Notre problème est de disposer de moyens suffisants pour soutenir et attirer les artistes. Or, nous manquons cruellement de subvention, ce nerf de la paix.Avant la seconde guerre, l'État mettait, quasi gracieusement, des espaces d'exposition à notre disposition, en particulier le Grand Palais. De plus, les frais d'infrastructure étaient faibles. Par contre la présentation des Salons Historiques était dépourvue de cette brillante scénographie et d'un catalogue digne d'un livre d'art qui font la fierté de nos actuels Salons des Beaux Arts.
La SNBA est souvent oubliée. L'exemple frappant en est l'exposition Fujita qui s'est tenue au Musée Maillol. À aucun moment n'est évoquée la SNBA alors que Fujita en était membre.
Il en est de même d'un événement qui se tient actuellement à Pékin au Musée national de Chine : « Un rêve français : de l'école au Salon, les Beaux-Arts à Paris au XIXe siècle » organisé par le Cnap et les Beaux Arts de Paris. Pas un mot sur la SNBA alors que sont exposées des célébrités qui étaient à la SNBA.
La gratitude des institutions et celle des artistes projetés par la SNBA n'est pas coutumière.
Nous sommes le seul Salon à ne prendre aucune commission sur les ventes d'oeuvres qui s'effectuent entre l'artiste et l'acquéreur. Les Membres du Bureau, en ressemblance avec le Président, n'ont pas la fibre de l'appât du gain.

Quels sont vos liens avec les artistes étrangers ?

Les artistes étrangers viennent à nous car nous avons une forte visibilité à l'international et passons sur de nombreux médias étrangers. De plus, nous sommes en constantes et heureuses relations avec les ambassades et leurs services culturels.
Les artistes venus exposer chez nous emportent une forte notoriété de retour dans leur pays. Il faut rappeler que la SNBA appelé familièrement « la Nationale » au XIXième siècle, fut la première à accueillir les artistes hors frontière.

Le Paris des années 30, le Paris de Montparnasse, le Paris lanterne magique de la culture, accueille les créateurs d'Europe et d'Asie. En 1922 la SNBA organise au Grand Palais une grande exposition des Arts Japonais. Foujita, Seiko Takeuchi, Eisaku Waqa parmi d'autres sont nommés Membres. En 2014, nous mettons à l'honneur Li Chevalier, cette artiste franco-chinoise, que les galeristes se disputent aujourd'hui, l'année suivante, c'est au tour de Sisyu célèbre plasticienne japonaise de créer en narthex du Salon une somptueuse et poétique installation comme celle de sa non moins talentueuse consoeur Suitou Nakatsuka, en 2016. Aujourd'hui Kojiro Akagi Vice-président d'Honneur est le correspondant privilégié avec les artistes du Pays du Soleil Levant. La République de Corée est fidèle en excellences artistiques à tous les Salon de la Nationale. Les artistes Chinois eux aussi tout naturellement exposent à la SNBA. CHANG Shuhong qui à créé l'Association des Artistes Chinois en France en 1934 reçoit cette même année la Médaille d'Or au Salon de la SNBA, Pan Yuliang (qui se vend, aujourd'hui, aux enchères à des millions d'euros et qui a fini sa vie dans la misère...) s'y montre de 1946 à 1962.
Plus proches de nous, Zao wou-ki n'a-t-il pas exposé pour la première fois à la Nationale ? La SNBA ne s'est jamais démentie. Ses cimaises d'hier et d'aujourd'hui valorisent et promulguent les créateurs venus du Pays du Milieu. En 2012, HE Jianying et le sculpteur WU Weishan exposèrent au Salon des Beaux Arts pour la première fois en la capitale. N'oublions dans cette vitrine internationale la présence du Canada, de la Suisse, de la Turquie, ou encore de la Slovénie. La SNBA perpétue la vocation des Salons non pas d'affaires mais où les Artistes « s'occupent de leurs faires ». La Nationale des Beaux Arts inlassablement novatrice, révélatrice, est la vitrine des Cultures du monde.

Quels sont les projets du Salon ?

Pour chaque Salon, nous recherchons un défi, organisons un événement dans le hall du Carrousel du Louvre. En 2017, l'animation était faite par le talentueux dessinateur urbain Thomas Dartigues alias Decktwo, auquel a été décerné le prix Puvis de Chavannes. Ainsi en 2018, c'est une nouvelle fois sa performance qui mettra en mouvement la vitrine du Salon et glorifiera le geste graphique. Pour renforcer ce projet, nous souhaiterions établir des contacts avec des institutions comme la Gaité Lyrique et bâtir des partenariats avec des écoles, comme celle des Gobelins, et toutes autres où le dessin reste privilégié.
Nous n'oublions pas la musique chère à Rodin, aussi nous souhaitons lancer un partenariat avec les pianos Yamaha pour réaliser une animation musicale « des tableaux de l'exposition ».
Notre ambition va aussi à la transformation de la SNBA en Fondation. Là, nous nous lançons un grand défi, avant tout financier.
Comme vous le constatez, notre ambition pour la SNBA est vaste, pour ses capacités de développement dévoilées par celles d'un large rayonnement.


Entretien avec Jean François Puech
Directeur de la Rédaction de NEWS Press jfpuech@newspress.fr

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