Une première évaluation d'impact social pour les Maisons des familles

Secours Catholique - 29/05/2018 16:05:00

À l'occasion de la Journée mondiale des parents du vendredi 1er juin, les associations co-fondatrices des Maisons des Familles publient une évaluation d'impact sociale.
Pour soutenir les familles fragilisées, 6 partenaires - Apprentis d'Auteuil, le Secours Catholique, ATD Quart Monde, Cités du Secours Catholique, l'Ecole des Parents et des Educateurs, Le Rocher - ont créé des structures innovantes d'accompagnement des parents : les Maisons des Familles.
Qui sont les familles accueillies ? Quelles sont les spécificités de ces structures ? Les impacts sur les parents... et les enfants ? Le cabinet ASDO a réalisé pendant deux ans une évaluation de l'impact social des Maisons des Familles*. Zoom sur les résultats...

12 Maisons des Familles...
Inspirées d'un dispositif québécois, ces structures animées par des salariés et bénévoles offrent des lieux d'écoute, de partage et d'entraide aux parents, afin de les réassurer et les valoriser dans leurs fonctions éducatives.

Lancée en 2009 à Grenoble par Apprentis d'Auteuil et le Secours Catholique, les Maisons des Familles ont essaimé à Amiens, Annecy, Bordeaux, Le Havre, Marseille, Montdidier, Mulhouse, Nantes-Saint-Herblain, Saint-Denis de la Réunion, Vaulx-en-Velin, Toulouse.

... qui accompagnent des familles fragilisées...
Ces structures accueillent prioritairement des familles en situation de vulnérabilité économique et / ou relationnelle. Parmi elles :

81% de femmes, qui viennent souvent seules ou avec leurs enfants
53% de familles monoparentales (vs 20% au niveau national)
28% de familles nombreuses (3 enfants et +) (vs 21% au niveau national)
Des familles qui ont connu un parcours de migration : près de la moitié des parents sont de nationalité étrangère
80% de parents qui ne sont pas en emploi
Des familles en situation de précarité financière : 1 sur 10 ne dispose d'aucune ressource ; plus d'1/3 des familles occupent un logement social et plus d'1 sur 5 est hébergée en CHRS, CADA ou CHU.

Les trajectoires sont toutefois très variées : personnes en situation d'isolement suite à une migration récente, parents sans emploi depuis des années, jeunes mères en situation de rupture familiale...

1. Un lieu d'accueil original Si chaque Maison des familles présente ses spécificités, toutes partagent un certain nombre de fondamentaux originaux, qui tranchent avec les structures « classiques » de soutien à la parentalité.

Des espaces accueillants, souples dans le fonctionnement
Organisées autour d'une cuisine, d'un salon ou d'une salle de jeux... les Maisons des familles sont pensées comme de véritables espaces de vie, décorés par les familles qui s'approprient les lieux. Souple, la fréquentation est libre, sans inscription ni rendez-vous, pour ne pas freiner la venue des familles les plus vulnérables qui ne se sentent pas contraintes ni jugées.

Des modalités d'intervention particulières
Tutoiement, appellations par les prénoms... les équipes revendiquent un rapport de proximité avec les familles, afin de neutraliser l'asymétrie de la relation entre « professionnel » et « bénéficiaire ». De même, l'entraide et les échanges entre familles sont favorisés, pour que les parents trouvent eux-mêmes des solutions à leurs défis et témoignent de la fierté de leurs habiletés.

Une offre d'accompagnement variée mais non figée
Le planning s'organise autour de temps d'activité ritualisés (ateliers parents-enfants le mercredi, cours de cuisine ou de français, temps d'échanges avec des professionnels ou groupes de paroles entre pairs, préparation et partage des repas...). Mais est susceptible d'évoluer en fonction des envies et projets des familles. Appui dans les démarches administratives, accès aux droits, médiation avec des institutions (école...), orientations vers des dispositifs de droit commun (PMI, insertion...)... : l'accompagnement proposé se construit sur mesure, dans un éventail de registres très large.

Des lieux d'accueil centrés sur les parents
Autre particularité : la porte d'entrée des Maisons des familles est l'accueil des parents. L'impact sur les enfants est en effet envisagé de manière indirecte : c'est en libérant les parents d'un certain nombre de difficultés que l'on agira à long terme sur l'équilibre familial.

2. Un accompagnement global aux effets multiples Les Maisons des familles véhiculent donc une vision élargie du soutien à la parentalité, qui induit un accompagnement global, indissociable d'un travail sur l'ensemble de l'environnement des parents (économique, social, familial...). Résultats : des effets multiples qui dépassent le seul registre éducatif.

Un lieu de sociabilité
La quasi-totalité des parents rencontrés ont évoqué la possibilité de restaurer du lien social et de s'affilier à un collectif comme la fonction première des Maisons des Familles.
Migration récente, inactivité professionnelle, ruptures familiales... de nombreux parents se trouvent en situation d'isolement, voire de repli sur soi. Les Maisons des familles permettent de se (re)constituer un réseau social et d'entraide dans un environnement bienveillant.
Pour les familles en situation de migration, les Maisons des familles sont aussi des espaces d'intégration, à la fois sur le plan linguistique et culturel. Certaines proposent aussi des ateliers dédiés, de Français Langue Etrangère (FLE) par exemple.

Un lieu de respiration
Pour plus d'un tiers des parents, les Maisons des familles sont avant tout un endroit pour se détendre et oublier ses soucis.
Beaucoup de parents ont tendance à s'effacer devant leurs difficultés familiales, financières... Ils voient dans les Maisons des familles un lieu pour souffler, retrouver de la légèreté, prendre du temps pour eux.
Ateliers beauté, cours de sport ou de yoga... différentes activités sont proposées pour prendre soin des parents et leur redonner confiance.

Un lieu de remobilisation
50% des parents interrogés perçoivent une amélioration de leur confiance en eux, les 2/3 se disent plus optimistes, plus confiants en l'avenir qu'avant qu'ils ne fréquentent la Maison des familles.
Dégradation des liens sociaux et accumulation des difficultés : les parents souffrent souvent d'une perte de confiance en eux et en l'avenir qui entravent leur action.
Les parents retrouvent une capacité d'oser et d'agir, visible dans les différentes sphères de leur vie : prise de parole en public, remobilisation dans les démarches administratives, voire recherche d'une formation ou d'un emploi...

3. ... visibles dans la sphère éducative
Moins identifiés par les familles, les impacts indirects sur la sphère éducative sont particulièrement riches.

Une réassurance dans les compétences parentales
Premier enfant, difficultés avec des adolescents, manque de soutien éducatif... certains parents viennent chercher des conseils, auprès d'autres familles et des professionnels.
Les échanges entre familles permettent de réfléchir collectivement et de partager les expériences, mais aussi de se rassurer, relativiser ses difficultés, tout en accompagnant un processus de réassurance dans ses compétences parentales. Pères et mères retrouvent leur place et une confiance qui tranchent avec l'image de « mauvais parents » qu'ils perçoivent parfois dans le regard des institutions ou des professionnels, notamment.

Un enrichissement des pratiques éducatives
Intervention de plusieurs adultes (salariés, bénévoles, parents) auprès des enfants et temps d'échanges : les Maisons des familles proposent un cadre de coéducation qui permet d'enrichir ou valider ses connaissances et pratiques.

La promotion d'une relation éducative
Temps parents-enfants hebdomadaires, groupes de paroles et rencontres avec des professionnels : les Maisons des Familles travaillent à la promotion d'une relation éducative fondée sur la communication, le partage et l'échange entre parents et enfants.
Temps dédiés ou mobiliers adaptés : elles offrent aussi des espaces plus propices aux moments de jeux et de partage parfois difficiles à mettre en place chez soi.

Méthodologie
L'évaluation a été menée de 2016 et 2018 auprès de 9 Maisons des Familles et repose sur différents modules méthodologiques : - temps d'observation et entretiens qualitatifs approfondis auprès des différents acteurs (équipes, parents, partenaires locaux...) soit 110 personnes rencontrées - recueil des données de structures - enquête par questionnaire auprès des parents fréquentant les Maisons des familles