Tuberculose : vers un nouvel espoir de traitement raccourci ?

IRD Institut de Recherche pour le Développement - 07/11/2018 16:25:00

Une étude internationale (Etats-Unis, Royaume-Uni, Afrique du Sud), associant l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'IRD, révèle qu'il serait possible de réduire le temps de traitement de la tuberculose à quatre mois dans certaines conditions, en fonction de facteurs de sévérité des malades .

Ces résultats, publiés le 5 novembre 2018 dans la revue Nature Medicine , offrent de nouvelles perspectives pour améliorer l'efficacité des traitements de cette maladie infectieuse touchant encore près de 10 millions de personnes chaque année dans le monde.


Avec 1,3 million de décès par an (2017), la tuberculose est la maladie infectieuse la plus meurtrière dans le monde, avant le VIH/Sida, auquel elle est souvent associée. Présente dans le monde entier, elle frappe principalement les pays les plus pauvres et particulièrement l'Afrique subsaharienne et plusieurs pays d'Asie et d'Europe de l'Est. Cette maladie infectieuse se transmet par voie aérienne et provoque une toux avec possible expectoration de sang, douleurs, fièvre, perte de poids, etc.

La lutte contre la tuberculose compte parmi les priorités des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations Unies en 2015. La tuberculose a par ailleurs été déclarée "urgence de santé publique mondiale" lors de la dernière Assemblée générale des Nations Unies (septembre 2018).

Le traitement antibiotique contre la tuberculose, basé sur une combinaison de quatre molécules, est efficace, mais long (six mois). Nombre de patients l'interrompent avant son terme, ce qui accroît le risque de récidive et favorise l'émergence de résistances du bacille responsable. Réduire sa durée est donc une priorité pour les chercheurs.

Des patients "faciles à traiter" ?

Dans les années 2000, trois essais cliniques internationaux - dont un coordonné par l'IRD dans cinq pays d'Afrique subsaharienne - ont testé des protocoles de traitement alternatifs, réduisant la durée du traitement de six à quatre mois. Les résultats de ces études, publiés en 2014 dans le New England Journal of Medicine , ne se sont pas révélés concluants.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont passé en revue l'ensemble des données de ces trois précédents essais cliniques, provenant de 3 405 malades de la tuberculose d'Afrique et d'Asie. Après avoir standardisé les données, ils ont identifié deux types de patients : les malades "faciles à traiter", susceptibles de recevoir un traitement raccourci à quatre mois, et les malades "difficiles à traiter", qui doivent recevoir au minimum le traitement classique de six mois.

Pour cela, les chercheurs ont analysé plusieurs caractéristiques des patients lors des premières consultations et pendant le traitement, afin d'identifier les facteurs de sévérité faisant courir aux patients un risque d'échec au traitement : forte charge bactérienne (révélée par l'analyse des expectorations), séropositivité à l'infection par le VIH, indice de masse corporelle faible, cavité pulmonaire visible lors d'un examen radiologique. Ils ont de plus pointé le fait que la non-observance du traitement aggrave ces critères de sévérité.

Vers de nouvelles stratégies de traitement adaptées aux patients ?

Grâce à ces critères de sévérité, les chercheurs ont pu établir des propositions sur la durée de traitement, et mis en évidence la possibilité de raccourcir le traitement à quatre mois pour les patients qui ne présentent pas ces marqueurs de risque. Ceci ouvre la voie à des possibilités de traitement "à la carte", qui permettraient de se focaliser sur les patients difficiles à traiter et de ne pas traiter plus longtemps que nécessaire des patients qui n'en ont pas besoin.

Par ailleurs, cette étude a permis de pointer l'importance de la prise régulière de certaines des molécules-clés du traitement, comme la rifampicine, dont la prise irrégulière, même minimale, favorise l'échec de traitement. Les chercheurs alertent donc sur la nécessité d'obtenir de la part des patients une observance stricte du traitement pendant toute sa durée.

Ces recherches ouvrent la voie à de nouveaux essais cliniques, qui viendront valider l'efficacité de traitements raccourcis, présentant, outre l'avantage d'une meilleure chance de succès d'un traitement complet, moins de risque de toxicité pour les patients. Elles mettent l'accent sur les possibilités de mise en place d'un traitement plus personnalisé de cette affection qui touche les populations les plus défavorisées.