Le Secours Catholique Caritas France publie son rapport statistique sur l'état de la pauvreté en France

Secours Catholique - 16/11/2018 11:05:00

Un niveau de vie médian de 540 euros par mois. Un tiers des ménages dans un logement instable ou à la rue.

Plus de 50% des ménages accueillis sont des familles avec enfants. 2 chômeurs sur 3 qui ne perçoivent aucune indemnité. Une précarisation en hausse des plus âgés. Des étrangers sans aucune ressource. Un taux de non recours au RSA et aux allocations familiales alarmant.

Voici quelques-uns des constats de la nouvelle édition du rapport statistique du Secours Catholique sur l'état de la pauvreté en France. Fort de son ancrage territorial et de l'engagement de ses bénévoles, l'association donne à voir les divers visages de la pauvreté dans cette étude annuelle.

Ce rapport est basé sur 86 275 fiches statistiques renseignées en 2017 lors des rencontres avec les personnes que l'association accueille. Il permet de prendre la mesure des facteurs de pauvreté touchant les personnes précaires et de voir les évolutions des situations en France.

Des femmes toujours plus fragiles que les hommes

En 2017, les femmes sont majoritaires au sein des accueils du Secours Catholique et représentent
56,1% des adultes rencontrés. Cette proportion reste par ailleurs supérieure à celle observée dans la
population générale française, traduisant une plus grande fragilité relative des femmes par rapport
aux hommes. Parmi les femmes de nationalité française rencontrées : 40% sont des mères isolées,
tandis que 30% sont des femmes seules, en moyenne plus âgées, et la plupart d'entre elles vivent
sous le seuil de pauvreté.

On assiste en 2017 à un creusement des disparités de profils en termes de sexe et d'âge en fonction
de la nationalité, avec d'un côté une population française plus féminine et vieillissante, de l'autre une
population étrangère plus masculine et jeune.

Grande fragilité pour les familles monoparentales
Ceci est d'autant plus vrai pour les femmes, ce qui traduit en miroir la plus grande fragilité des jeunes
familles, notamment monoparentales, dont elles sont souvent les personnes de référence qui se
présentent aux accueils : près de 4 femmes sur 5 âgées de moins de 40 ans vivent au sein de
familles avec enfants. La moitié d'entre elles sont des mères isolées. Ce constat explique en
parallèle la très forte surreprésentation des jeunes de moins de 20 ans dans les accueils, dont la
proportion est près de deux fois plus élevée que dans la population générale, et dont la très grande
majorité cohabite avec leurs parents. L'extrême pauvreté touche ainsi des familles entières, dont les
enfants sont en moyenne plus nombreux et plus jeunes que dans la population générale. Plus de la
moitié des enfants au sein des familles rencontrées ont moins de 10 ans.

Des seniors en augmentation
Bien que toujours minoritaire, la part des adultes de nationalité française âgés de plus de 50 ans
continue en effet d'augmenter : ils représentent désormais 1/3 des hommes et des femmes
rencontrés, contre un peu plus d'1/4 en 2010. La seule part des plus de 60 ans a quant à elle connu
une augmentation de près de 5 points sur la même période pour se fixer à plus de 10%. Cette
fragilité croissante des seniors traduit une précarisation progressive des personnes âgées isolées
dont les enfants ont quitté le foyer : 80% des personnes de plus de 60 ans rencontrées sont des
hommes et femmes seuls ou des couples sans enfant. Leurs maigres pensions de retraite ou la
faiblesse du minimum vieillesse pour ceux n'ayant pas accumulé de droits (notamment les femmes
au foyer) ne suffisent plus à couvrir un coût de la vie croissant.

Des familles étrangères en situation d'extrême précarité
42% des personnes rencontrées - et 46 % des enfants - sont de nationalité étrangère, en
augmentation de 3 points par rapport à 2016. Ces chiffres révèlent l'extrême vulnérabilité des
étrangers et ce d'autant plus que leur statut légal précaire ne leur permet pas de travailler. Plus de la
moitié d'entre eux (56%) n'ont pas de statut légal stable, en attente de régularisation, conséquence
directe des politiques restrictives d'accueil des étrangers en France et en Europe.

Une situation face à l'emploi très dégradée
En 2017, les actifs représentent 61% des adultes rencontrés. Une grande majorité de ces actifs, à
savoir un peu plus de 2 sur 3, sont au chômage. Le tiers restant est en emploi et une infime part
(1,4%) est en formation professionnelle. La vulnérabilité des actifs aux situations d'extrême
pauvreté s'est accrue, et ce qu'ils soient chômeurs ou en emploi.

Les chômeurs demeurent de loin la catégorie active la plus vulnérable : leur proportion dans les
accueils est près de 8 fois plus élevée que dans la population générale. Le taux de chômage des
adultes rencontrés se fixe ainsi à 67,8%, certes en légère baisse par rapport à 2016, mais contre un
taux de chômage également en baisse au niveau national et qui s'est fixé à 9,4% en 2017.

La fragilité croissante des chômeurs au Secours Catholique s'explique plus précisément par leur profil
très précaire. Ils sont en effet plus souvent des séniors, peu qualifiés et au chômage depuis plus
longtemps. Leur durée moyenne de chômage s'élève à 2,6 années en 2017, soit une augmentation
de près d'une année depuis 2010. Près de 60% d'entre eux sont en chômage de longue durée (au
moins 1 an) et près de 40% en chômage de très longue durée (au moins deux ans), contre des
proportions de respectivement 45% et 23% dans la population générale. Ce profil s'accentue avec
l'âge, ce qui dénote des situations de chômage qui tendent à se prolonger.

De fait, 2 chômeurs rencontrés sur 3 ne perçoivent aucune indemnité, la plupart du temps parce
qu'ils sont arrivés en fin de droits ou n'en ont tout simplement pas ouverts. Basculant souvent vers
le RSA, le niveau de vie mensuel médian de ces derniers (incluant d'éventuelles autres prestations
sociales) avoisine ainsi les 500 euros, c'est à dire moins de la moitié du seuil de pauvreté (à 60%). Si
la perception d'indemnités parvient à rehausser le niveau de vie de près de 200 euros, elles restent
insuffisantes pour protéger de la pauvreté monétaire. Elles sont souvent associées à des carrières
professionnelles discontinues, faites d'emplois peu rémunérateurs, et voient leur montant diminuer
rapidement à mesure que la durée de chômage s'allonge. La situation des chômeurs accueillis
semble ainsi s'installer durablement : ils entrent alors progressivement dans le « halo du chômage »

(chômeurs découragés) et dans des situations d'inactivité subies qui traduisent un manque de
perspectives et un éloignement parfois définitif du marché de l'emploi stable.

Niveau de vie médian de 540 euros
Le niveau de vie médian des ménages accueillis au Secours Catholique atteint 540 euros, il diminue de
6euros en euros constants, par rapport à l'an dernier.
En 2017, 9 ménages sur 10 accueillis au Secours Catholique ont un revenu sous le seuil de pauvreté
à 60%, et près de deux ménages sur trois sont en situation d'extrême pauvreté (seuil à 40%).

Deux ménages sur trois en situation d'extrême pauvreté

On observe par ailleurs un accroissement de la part de ménages dont le niveau de vie se situe audessus
du seuil à 60% du revenu médian. Ces ménages sont sans enfants dans bien des cas, souvent
âgés de plus de 65 ans et majoritairement de nationalité française. Qu'ils soient en emploi ou
retraités, leurs ressources, bien qu'au-dessus d'un certain seuil, restent faibles et ne les protègent
pas d'une forme de pauvreté, liée aux dépenses trop lourdes auxquelles ils font face.

Une légère baisse des loyers et du taux d'effort, sauf pour les retraités

Malgré une stabilité des loyers entre 2010 et 2017 (légère diminution dans le parc privé et
augmentation dans le parc social) et une légère augmentation des aides personnelles au logement
(4euros en 7 ans), le taux d'effort net (part du loyer net dans les dépenses totales des ménages) reste
cependant élevé. Ce taux d'effort net se situe autour de 27% pour les ménages retraités ou les
ménages sans enfants, dont au moins un adulte travaille, soit 13 points de plus que le taux des
ménages avec enfants. La baisse des APL de 5euros, entrée en vigueur en septembre 2017, risque donc
de fragiliser un peu plus le budget des ménages.

Plus d'un ménage sur deux en situation d'impayés

Ce sont les dépenses liées au logement qui génèrent le plus d'impayés : 42% des ménages accueillis
concernés ont des impayés de loyer, et 42% des impayés d'énergie.

Les non-recours aux allocations familiales et RSA en augmentation

Malgré la quasi-universalité de cette prestation, les statistiques pour les ménages reçus au Secours
Catholique montrent un recours en net recul depuis 2010. On observe en effet que parmi les
ménages en situation régulière et ayant la charge d'au moins deux enfants de moins de 18 ans, un
quart ne perçoit pas d'allocations familiales en 2017, contre 18% en 2010.
Un ménage éligible sur trois accueilli au Secours Catholique, et donc en situation de précarité ne
bénéficie pas d'une aide financière importante à laquelle il aurait droit.
L'examen du taux de non recours selon différentes caractéristiques des ménages montre que le nonrecours
a globalement augmenté pour tous les types de ménages, et non quelques catégories en
particulier. Le non recours est plus élevé pour les ménages étrangers éligibles que pour les français.
Les types de familles les plus concernés par le non-recours au RSA sont les pères seuls, suivis des
couples avec enfants, et des hommes seuls. Dans le premier cas, le non recours pourrait provenir de
la désaffiliation des pères à la CAF en cas de séparations, conséquence du choix plus fréquent des
mères pour le versement des allocations familiales lorsque la garde des enfants est alternée entre les
deux parents.

Loin de l'idée reçue selon laquelle les aides et le RSA en particulier constituerait une trappe à
inactivité, les résultats indiquent que parmi les ménages accueillis au Secours Catholique, le non
recours est plus répandu chez les inactifs que parmi ceux en recherche d'emploi. En effet, si
l'hypothèse d'une trappe à inactivité s'avérait exacte, c'est le contraire que nous observerions.

ENQUETE COMPLEMENTAIRE AU RAPPORT STATISTIQUE SUR LA PROTECTION SOCIALE

Cette année, le Secours catholique a mené une enquête complémentaire sur la protection sociale.
Les éléments qui suivent sont les résultats de cette enquête menée par le Secours Catholique Caritas
France et le Collectif pour une protection sociale solidaire (composé du Secours Catholique, de la
Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France, d'Aequitaz et du Réseau des Accorderies
de France).

Les 3 300 répondants à cette enquête ne sont pas exclusivement des personnes rencontrées par le
Secours Catholique et ne constituent pas un échantillon représentatif de la population française.
Cependant, les répondants sont divers et cela permet de constituer trois sous-populations en
fonction du niveau de vie.

L'objectif de ce questionnaire n'était pas de réaliser un baromètre sur la protection sociale, mais de
mieux connaitre les réalités vécues, en particulier par les personnes en situation de précarité, leur
perception du système actuel, de les analyser et d'en tirer des propositions d'évolutions plus en
phase avec la société d'aujourd'hui et les enjeux de demain.

L'enquête et la présentation du collectif sont disponibles sur le site :
http://protectionsocialesolidaire.org/

Vivre avec la protection sociale
Les résultats de l'enquête montrent que les agents de l'administration, porte d'entrée dans le
système de protection sociale, sont souvent considérés comme à l'écoute des personnes qui
viennent effectuer des démarches. Mais l'accompagnement durant les démarches n'est pas
forcément à la hauteur des attentes, notamment pour les moins aisés des répondants.

L'interlocuteur unique : un souhait largement partagé
Les attentes sont fortes. Plus de trois quarts des répondants sont favorables à avoir un interlocuteur
unique en capacité d'accompagner les personnes sur l'ensemble des droits, avec, sous-jacente, la
question du temps disponible pour pratiquer un accompagnement dans la durée.

Des freins à la demande ou à l'obtention d'aide
Le développement des démarches administratives par internet peut faire craindre des difficultés
supplémentaires pour ceux qui n'y ont pas facilement accès. L'observation d'un non recours
important aux prestations et services interroge sur les raisons qui poussent à ne pas recourir à ces
droits. L'analyse des difficultés rencontrées lors des démarches peut expliquer certains des freins à la
demande.

Les refus et arrêts de perception de prestations
Parmi les répondants, 23% se sont vus refuser une prestation à laquelle ils pensaient avoir droit et
29% ont été confrontés à l'arrêt imprévu du versement d'une prestation.

Le tiers des répondants qui ont un niveau de vie inférieur à 1000euros se sont retrouvés face à un tel
refus. Ces personnes pouvaient manquer d'informations, en avoir de mauvaises ou mal les avoir
comprises. Les difficultés qu'elles ont rencontrées soulignent la complexité de leur situation,
notamment : le blocage du dossier indépendant d'elles (39% ont rencontré cette difficulté contre
24% dans l'ensemble), l'incompréhension des conditions d'attributions ou de traitement du dossier
(44,4% contre 27,7% dans l'ensemble). Les raisons qui leur sont fournies pour ce refus sont en lien
avec les critères d'éligibilité (42%) et le non-respect de la procédure (22%) principalement. Viennent
ensuite des raisons qui font écho à ce qui est rencontré par les personnes qui ne « rentrent pas dans
les cases » : situations de vie complexes, problèmes dans le calcul des droits par exemple.
Le poids des démarches plus lourd pour les plus pauvres

La majorité des répondants (54%) qui se situent sous le seuil de pauvreté ont trouvé le
rassemblement des documents constitutifs de leur dossier difficile ou plutôt difficile. Le tiers de ceux
dont les niveaux de vie sont les plus élevés partagent ce sentiment.
Au-delà de la constitution du dossier, parmi les répondants au niveau de vie inférieur au seuil de
pauvreté, trois sur cinq ont trouvé difficile l'ensemble de la démarche concernant la situation qu'ils
ont choisi d'évoquer

Des pistes d'améliorations possibles
Face aux freins à l'accès aux droits et aux failles du système de protection sociale, plusieurs pistes
peuvent être explorées. Nous en évoquons deux au sujet desquelles les répondants ont été
interrogés : l'automatisation et la confiance a priori.

La confiance a priori majoritairement envisagée
53% des répondants trouvent plus logique que l'ouverture des droits ait lieu systématiquement,
sans attendre les contrôles administratifs qui pourront avoir lieu après les premiers versements. Les
répondants qui sont en emploi ou en formation sont à 57,4% favorables à l'ouverture des droits
systématiques. Ils ne sont pas toujours les premiers à être directement concernés et pourtant, ça
leur parait important. On peut penser que c'est par anticipation de problèmes éventuels mais aussi
par solidarité.

Le principe de solidarité n'est pas remis en cause
96% des répondants sont tout à fait ou plutôt d'accord avec l'affirmation : Le principe fondateur de
la protection sociale est celui de la solidarité, afin que chacun puisse « contribuer selon ses moyens
et recevoir selon ses besoins ».
Quelles contributions devraient être reconnues par l'Etat ?
Les aides (financières ou non) aux parents âgés ou malades et enfants handicapés devraient être
prises en compte en priorité par l'Etat pour une large majorité des répondants, respectivement 71%
et 66%.

Le Secours Catholique - Caritas France
En France, grâce à 3500 équipes locales (France métropolitaine et outre-mer) et un réseau de 68 200
bénévoles et de 935 salariés, en 2017 1 362 700 personnes ont été accueillies et soutenues.
À l'international, en 2017, 687 opérations ont été menées dans 66 pays, en lien avec le réseau
Caritas Internationalis (165 Caritas) et 3 millions de personnes ont été bénéficiaires de l'aide
internationale.
Membres du réseau Caritas France : Association des Cités du Secours Catholique, Fondation Caritas
France, Fondation Jean Rodhain, Tissons la Solidarité, Foncière Caritas Habitat, Fédération de Charité
Caritas Alsace.
58% pensent que faire du bénévolat, participer à une vie associative doit être reconnu par l'Etat, ce
qui en fait le 2ème type de contribution à reconnaitre.