Les grands fonds comptent 17 espèces de plus

IFREMER - 16/11/2018 14:05:00

Quatre nouveaux genres, 17 nouvelles espèces et une nouvelle classification dans une famille de vers marins des grands fonds : voici les principaux résultats publiés dans The Zoological Journal of The Linnean Society, suite à une campagne de prélèvements dans la zone de nodules de Clarion-Clipperton (océan Pacifique).

L'article scientifique publié le 14 novembre dans The Zoological Journal of The Linnean Society présente 4 nouveaux genres et 17 nouvelles espèces de polychètes, un groupement de vers qui sont des cousins proches des lombrics de nos jardins et qu'on retrouve depuis les plages jusqu'aux grands fonds marins. Les individus de l'étude ont été prélevés à des profondeurs abyssales, entre 4000 et 5000 m de fond, dans la zone de fracture de Clarion-Clipperton, dans le nord-est du Pacifique entre l'archipel d'Hawaï et la côte ouest du Mexique. C'est une zone tapissée de nodules polymétalliques, de gros galets riches en minerais d'intérêt économique : manganèse, nickel, cobalt, cuivre...

Cet article confirme la richesse de la biodiversité dans les zones de nodules, particulièrement pour la famille des polynoidés à laquelle appartiennent ces nouveaux polychètes. « C'est une zone peu connue, confirme Paulo Bonifácio, post-doctorant au Laboratoire environnement profond à l'Ifremer. A chaque prélèvement, nous avons remonté de nouvelles espèces. Nous aurions pu en décrire près d'une centaine, nous nous sommes focalisés sur ces 17 parmi les mieux conservés. » La campagne de mesure a eu lieu en 2015 à bord d'un navire de recherche allemand, dans le cadre d'une action pilote du consortium européen JPI Oceans dédiée aux impacts écologiques de l'exploitation minière dans les fonds marins.

Au-delà de la description d'espèces jusqu'ici inconnues, l'article scientifique propose une nouvelle classification dans l'arbre évolutif des polynoidés. « Avant, les polynoidés comptaient 18 sous-familles. Maintenant, nous proposons le rassemblement de 11 sous-familles en une seule en nous appuyant sur des critères morphologiques des vers. Par exemple, les polynoidés trouvés communément dans les zones côtières possèdent 3 antennes sur leur tête (deux latérales et une médiane) alors que les espèces profondes ont perdu au cours de l'évolution leurs antennes latérales puis l'antenne médiane », précise Paulo Bonifácio.

De hauts lieux de la biodiversité, sensibles aux activités humaines

Une zone abyssale avec nodules abrite plus de biodiversité que sans nodules. Les espèces y sont jusqu'à deux fois plus nombreuses. Et ces animaux sont sensibles aux activités humaines : « Dans les zones où le fond a été raclé pour simuler l'impact d'une exploitation minière, la faune a été profondément impactée et ne s'est jamais totalement rétablie, même après 30 ans », rappelle Lénaïck Menot (coauteur de l'article et membre également du Laboratoire environnement profond), qui avait contribué à une précédente publication de 2016 sur la biodiversité et la sensibilité de la faune dans les champs de nodules. On estime que 95% des grands fonds sont encore inexplorés et la fourchette des estimations est à la mesure de notre méconnaissance : entre 250 000 et 10 millions d'espèces resteraient encore à découvrir.

Publication à retrouver ici.

Référence :
Bonifácio, P. & Menot, L. New genera and species from the Equatorial Pacific provide phylogenetic insights into deep-sea Polynoidae (Annelida). Zoological Journal of Linnean Society. DOI : 10.1093/zoolinnean/zly063

Décrire les communautés animales pour l'Autorité internationale des fonds marins : La fracture de Clarion-Clipperton représente une zone géologique de 9 millions de km2, dans laquelle le poids de nodules atteindrait 34 milliards de tonnes, dont environ 340 millions de tonnes de nickel et 275 millions de tonnes de cuivre (voir la prospective à l'horizon 2030 menée par l'Ifremer). L'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) a attribué à la France un secteur de 75 000 km2 en vue de l'exploration des nodules polymétalliques. Depuis 2001, l'Ifremer est ainsi titulaire d'un contrat d'exploration sous le patronage de l'état français. Le contrat implique notamment de caractériser l'état de référence de l'écosystème benthique, c'est-à-dire de décrire les communautés animales présentes sur le fond, ainsi que les caractéristiques de leur habitat. La publication dans The Zoological Journal of The Linnean Society sur une nouvelle classification des polynoidés contribue ainsi à la connaissance de l'environnement sur la zone du contrat d'exploration.