Déclaration par Michel Barnier devant la session plénière du Parlement européen sur les négociations Article 50 avec le Royaume-Uni

Commission Européenne - 29/11/2018 12:05:00


Bruxelles, le 29 novembre 2018
Merci beaucoup Madame la Présidente,
Madame la Secrétaire d'Etat,
Mesdames et Messieurs les députés,

Bonjour d'abord à chacune et chacun d'entre vous et évidemment merci de me donner l'occasion de m'exprimer au nom de la Commission européenne et en vous priant d'excuser le Président Jean-Claude Juncker qui participe en ce moment au G20.

Nous sommes à un moment important, Madame la Présidente, et grave, 17 mois après le début des négociations que j'ai eu et que j'ai l'honneur de conduire sous l'autorité et avec la confiance du Président Jean-Claude Juncker et avec le soutien de toute la Commission européenne.

Dimanche, comme vous l'avez rappelé Madame la Secrétaire d'Etat, le Conseil européen a approuvé notre projet d'accord de retrait. Il a approuvé aussi la déclaration politique qui fixe le cadre de notre future relation. Je veux, à ce stade, de mon côté remercier le Conseil européen, son Président Donald Tusk, toutes ses équipes, mais aussi les présidences successives avec lesquelles j'ai travaillé et bien travaillé - la présidence autrichienne aujourd'hui mais aussi la Bulgarie, l'Estonie et Malte - et puis nous continuerons avec la Roumanie dans les mois qui viennent.

Vous savez, mesdames et messieurs, le temps des négociations sur l'accord de retrait et sur la déclaration politique est terminé. C'est maintenant le temps de la ratification par le Parlement britannique, par votre Parlement et par le Conseil. Compte tenu des circonstances difficiles de cette négociation et compte tenu de l'extrême complexité de tous les sujets de ce retrait britannique, le deal qui est sur la table - le projet de retrait ordonné et la déclaration politique - ce deal est le seul et le meilleur possible.

Nous avons réussi cette première grande étape ensemble, et de notre côté, du côté européen, grâce à l'unité très forte des 27 Etats membres et de toutes les institutions entre elles. En particulier, Madame la Présidente, l'accord de retrait et cette déclaration politique doivent beaucoup à vos quatre résolutions et à la vigilance attentive dont vous avez fait preuve depuis le début de cette négociation. Evidemment, pour préserver les droits des citoyens que vous représentez - c'était votre priorité, c'était ma priorité - pour préserver les intérêts de l'Union, l'intégrité du marché unique et l'indivisibilité des quatre libertés et l'autonomie de décision de l'Union européenne.

Ces deux documents, nous les avons co-construits ensemble tout au long du processus. Et je veux aussi, Madame la Présidente, à travers vous remercier le Président Tajani, et vous me permettrez de dire un mot plus personnel à Guy Verhofstadt, coordinateur de votre Assemblée pour le Brexit et à tous et chacun des membres du Brexit Steering Group: Danuta Hübner, Elmar Brok, Roberto Gualtieri, Gabriele Zimmer, Philippe Lamberts qui ont suivi avec toutes leurs équipes que je remercie les négociations jour après jour au sein du Brexit Steering Group. Merci aussi aux présidents de groupe, aux présidents de Commission et à Cecilia Wikström. Je dis merci sachant que nous ne sommes pas au bout d'une longue route qui restera difficile.

L'accord trouvé dimanche est aussi le résultat d'une méthode que nous avons décidée ensemble et avec vous. Nous avons mis les choses dans l'ordre, en commençant comme c'était logique par négocier l'accord de retrait, un retrait ordonné, avant de discuter du cadre de notre future relation avec le Royaume-Uni. Nous avons insisté pour régler en amont certaines questions qui étaient et qui sont toujours prioritaires pour votre Parlement: les droits des citoyens, la paix et la stabilité en Irlande, le règlement financier.

Et nous avons surtout, mesdames et messieurs, dès le départ travaillé en toute transparence, c'est-à-dire en toute confiance - et nous continuerons. Cette méthode nous a permis d'expliquer les enjeux de chaque sujet, de montrer ce qui était possible et ce qui n'était pas possible compte tenu des principes fondamentaux de notre Union.

Depuis le début, nous avons expliqué comment nous pouvions combiner nos principes, comment nous devions aussi respecter nos principes et en même temps prendre en compte les lignes rouges officiellement indiquées par le Royaume-Uni et finalement, nous avons trouvé un terrain d'entente. En un mot, le cadre que nous avons posé a donné une stabilité et une prévisibilité à cette négociation. Personne ne peut être objectivement surpris par le contenu de notre accord.

Mesdames et messieurs,

C'est peut-être utile de rappeler à ce stade que l'Union européenne n'a pas souhaité le Brexit. A ce jour, personne n'a d'ailleurs été capable de me montrer la valeur ajoutée du Brexit, mais nous respectons le vote démocratique et souverain des citoyens britanniques et nous avons donc, comme le gouvernement l'a demandé, mis en oeuvre ce processus pour une sortie ordonnée.

Simplement, les deux documents agréés dimanche permettent de limiter les conséquences négatives du Brexit des deux côtés, mais aussi en particulier pour les 27 Etats membres de l'Union. L'accord de retrait apporte de la sécurité juridique à toutes les personnes, aux entreprises, aux régions inquiètes des conséquences de la décision britannique de quitter l'Union européenne.

. Evidemment les citoyens européens - 4,5 millions personnes qui vivent au Royaume-Uni et les citoyens britanniques établis dans l'un des pays de l'Union.
. Les habitants et les entreprises d'Irlande et d'Irlande du Nord, Madame la Présidente, qui participent à toutes les dimensions - humaine sociale et économique - de la coopération Nord-Sud. Le backstop sur lequel nous nous sommes mis d'accord pour éviter le retour d'une frontière physique en Irlande, tout en protégeant le marché unique, ce backstop fait partie intégrante de l'accord de retrait. Sans backstop pour l'Irlande, il n'y a pas d'accord de retrait.
. Les collectivités ensuite, les universités, les entreprises qui portent tant de projets financés par les politiques et les budgets européens, y compris avec les partenaires britanniques. Les universités et les laboratoires extrêmement dynamiques au Royaume-Uni.
. Les agriculteurs qui bénéficient de la politique agricole commune et qui souhaitaient légitimement protéger leurs droits de propriété intellectuelle, mais bien plus que cela, à travers les indications géographiques.
. Et puis tous ceux dont les données personnelles ont été échangées avec des organismes ou des entreprises basés au Royaume-Uni. Voilà quelques-uns des secteurs, d'abord les personnes pour lesquelles nous avions le devoir de mettre de la sécurité là où le Brexit a créé de l'insécurité. C'est l'objet de cet accord de retrait très dense, j'en conviens, mais parce que il s'agit d'un traité juridique, précis et complet.

Quant à la déclaration politique, elle fixe le cadre dans lequel nous allons dès que possible négocier notre relation future. Dans cette négociation, mesdames et messieurs les députés, l'Union européenne continuera à défendre ses intérêts et à appliquer exactement les mêmes principes.

Dans cette négociation qui va s'ouvrir, l'Union européenne adoptera - et votre négociateur - la même attitude. Il n'y aura jamais et il n'y a jamais eu d'agressivité. Il n'y aura jamais et il n'y a jamais eu d'esprit de revanche. Il n'y aura jamais et il n'y a jamais eu, de ma part, un quelconque esprit de punition. Nous continuerons à travailler avec le Royaume-Uni et non par contre lui pour bâtir ce partenariat futur. Nous continuerons à travailler avec le respect qui est dû à un grand pays qui restera en toutes hypothèses notre ami, notre partenaire, notre allié.

La vérité, s'agissant de cette relation future, c'est que compte tenu de la décision britannique de quitter l'Union européenne et le marché unique, ça ne peut être le statu quo à l'avenir. Ça ne peut pas être business as usual et notre devoir est de le dire, notamment aux entreprises qui doivent se préparer.

Mais notre intérêt mutuel, c'est bien de bâtir un partenariat ambitieux sur les biens, les services, le numérique, la mobilité, les transports, les marchés publics, l'énergie, la sécurité intérieure et évidemment, pour la stabilité de notre continent, la politique étrangère - avec ce pays qui restera actif au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies -, la défense et dans bien d'autres domaines. Plus ce partenariat sera ambitieux, plus nous serons de notre côté attentif et exigeant sur le cadre du level playing field entre nous. En total, si nous concrétisons cette déclaration politique dans toutes ces dimensions, permettez-moi de vous dire, le partenariat avec le Royaume-Uni sera sans précédent par l'étendue et le nombre des sujets de coopération.

Comme l'a souhaité le Président Juncker, comme l'ont souhaité les Etats membres et votre Parlement, nous nous préparons et nous serons prêts à lancer cette négociation sur la future relation une fois le Royaume-Uni devenu pays tiers.

Mais avant cela, il reste, Madame la Présidente, une étape décisive, celle de la ratification de notre accord de retrait. C'est maintenant pour chacun le temps de prendre ses responsabilités. Les parlementaires britanniques auront dans les semaines qui viennent à se prononcer sur cet accord de retrait et sur le texte de la déclaration politique et ce vote engage l'avenir de leur pays. Nous devons respecter et je respecterai ce débat et ce temps de débat parlementaire et démocratique au Royaume-Uni. De notre côté, nous devons laisser ce temps de la ratification au Parlement européen qui a été étroitement associé et qui restera étroitement associé à chacune étape de cette négociation et qui aura - vous aurez le dernier mot.

Merci pour votre confiance, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre attention.

STATEMENT/18/6622