Identification d'un nouveau gène de l'hypothyroïdie congénitale, une maladie endocrinienne la plus fréquente à la naissance.

AP-HP - Assistance Publique Hôpitaux de Paris - 30/11/2018 09:20:00

En France, l'hypothyroïdie fait partie des cinq maladies dépistées chez tous les nouveau-nés, grâce au test du buvard. Environ un nourrisson sur trois mille souffre d'hypothyroïdie congénitale. Avec environ 261 nouveaux cas par an, c'est la maladie endocrinienne la plus fréquente à la naissance.

Si elle n'est pas traitée à un stade très précoce, cette pathologie entraîne différents symptômes - difficultés à téter, hypothermie, constipation, hypotonie, retards ; jusqu'à entraver le développement psychomoteur de l'enfant. On ne sait pas encore guérir l'hypothyroïdie, mais on peut en contrôler les symptômes par un traitement à base d'hormones thyroïdiennes de substitution.

Il est même arrivé que l'équipe du Pr Michel Polak à l'Institut Imagine et à l'Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, travaille au traitement d'un foetus présentant un goitre anténatal par l'administration intra-amniotique d'un substitut hormonal.

Les conséquences de l'hypothyroïdie sont connues, mais les origines génétiques en sont encore mystérieuses. L'hypothyroïdie résultant d'une anomalie de développement est transmise selon le mode autosomique dominant, alors que les cas dus à des troubles de la synthèse de l'hormone thyroïdienne - la dyshormonogénèse - ont une transmission récessive.

Dans un article scientifique publié le 16 novembre 2018 par la prestigieuse revue EMBO Molecular Medicine, le laboratoire d'endocrinologie, de gynécologie et de diabétologie pédiatrique du Pr Michel Polak à l'hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, associé à l'Institut Imagine, a montré la responsabilité du gène TUBB1 à différentes étapes du développement et dans le fonctionnement de la thyroïde. En étudiant trois familles distinctes, les chercheurs ont identifié trois mutations pathogènes différentes sur TUBB1.

Ce gène était déjà connu pour son implication dans les maladies associées aux plaquettes. Or, chez les enfants souffrant d'hypothyroïdie congénitale et porteurs d'une mutation sur TUBB1, les chercheurs ont constaté des anomalies plaquettaires.

« Cette découverte permettra de mieux suivre ces enfants qui présentent des plaquettes trop grandes et/ou hyper-agrégées. On sait maintenant qu'ils ont des risques de thrombose, et on sera attentif à d'éventuels signes cliniques cardiovasculaires associés. TUBB1 fait partie du panel de 78 gènes pertinents que nous avons créé pour diagnostiquer les maladies de la thyroïde. Cela bénéficiera ainsi aux familles en attente de conseil génétique » explique Aurore Carré, chercheuse et co-auteure principale de l'article.

Sur les 261 enfants qui naissent chaque année avec une hypothyroïdie congénitale, 65% d'entre eux (170 bébés) présentent une anomalie du développement de la thyroïde : mauvaise localisation de la glande thyroïdienne, absence de thyroïde... Les chercheurs ont trouvé au sein de ce groupe 1,1% de patients porteurs d'une mutation sur TUBB1, ce qui représente 2 enfants chaque année.

TUBB1 est un gène qui code pour une tubuline, un constituant des microtubules situés dans le cytoplasme, qui assurent le transport de substances à l'intérieur de la cellule et interviennent dans sa mobilité. Le lien entre microtubules et plaquettes va faire l'objet de recherches approfondies suite à cette avancée, au sein du laboratoire du Pr Polak et en collaboration avec l'équipe de la Pr Delphine Borgel, chercheuse Inserm et hématologue à l'Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.

Source:
TUBB1 mutations cause thyroid dysgenesis associated with abnormal platelet physiology
Athanasia Stoupa, Frédéric Adam, Dulanjalee Kariyawasam, Catherine Strassel, Sanjay Gawade, Gabor Szinnai, Alexandre Kauskot, Dominique Lasne, Carsten Janke, Kathiresan Natarajan, Alain Schmitt, Christine Bole-Feysot, Patrick Nitschke, Juliane Léger, Fabienne Jabot-Hanin, Frédéric Tores, Anita Michel, Arnold Munnich, Claude Besmond, Raphaël Scharfmann, François Lanza, Delphine Borgel, Michel Polak, Aurore Carré

DOI 10.15252/emmm.201809569| Published online 16.11.2018
EMBO Molecular Medicine (2018) e9569