Entretien avec Michel Reverchon-Billot, directeur général du CNED, acteur majeur de l'enseignement en France et à l'international

Jean François Puech Directeur de la Rédaction NEWS Press - 06/12/2018 16:15:00

Opérateur public de l'enseignement à distance, le CNED assure pour le compte de l'Etat la continuité de la scolarité des élèves ne pouvant se rendre en classe pour diverses raisons. Il est également aux côtés des adultes qui entament un parcours de formation et se développe à l'international.

Michel Reverchon-Billot, directeur général de l'établissement, répond aux questions de Jean-François Puech au Press Club de France.

Quelle est l'action du CNED pour l'accessibilité de l'enseignement aux personnes handicapées ?

L'inclusion et l'accessibilité numérique sont une nécessité et une exigence éthique pour le CNED. Opérateur public, l'établissement s'est donné pour mission de garantir à chacun, quelle que soit sa situation, les moyens de sa réussite scolaire et professionnelle. Nous avons mené pendant quatre années un programme « Accessibilité numérique » avec le soutien du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

Nous avons d'ailleurs publié, il y a quelques mois, un livre blanc sur le sujet pour témoigner des changements qui ont profondément transformé notre établissement. Cette expérience illustre le changement culturel à opérer au sein des organisations et les, nécessaires, sensibilisation et formation des acteurs intervenants. Changer de regard sur le handicap et se mobiliser pour changer les pratiques au quotidien. C'est une expérience humaine formatrice qui a fédéré les équipes et participé à la démarche qualité de l'établissement.

Dans ce programme, nous avons travaillé sur 3 axes :

. faciliter l'accès à l'emploi, le maintien et une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap (le métier d'enseignant à distance et l'inclusion à distance) ;

. répondre à l'exigence de l'accessibilité numérique (une obligation légale mais pas seulement, une volonté du CNED de rendre ses formations accessibles et une preuve que les progrès sont possibles dans ce domaine malgré les contraintes) ;

. réussir le changement culturel et faire intégrer le réflexe « accessibilité numérique » au quotidien.

Pour notre établissement, l'accessibilité numérique n'est pas un voeu pieux mais une étape indispensable pour la réussite des apprenants et le maintien dans l'emploi des enseignants en poste adapté. Pour ces enseignants, nous avons défini le métier d'enseignant à distance avec un référentiel de compétences et nous leur avons fourni un matériel informatique adapté. Nous avons ainsi équipé 1100 postes de travail à domicile.

Nous avons, bien sûr, sensibilisé les personnels du CNED à la réalité du handicap, sa représentation, sa perception, son intégration dans le quotidien et la nécessaire inclusion sociale et professionnelle des personnes dans cette situation.

Qu'en est-il du développement de l'enseignement à distance à l'international et de la stratégie du Cned ? S'agissant des pays francophones, ils compteront 800 millions de locuteurs en 2050, ce qui est une nouvelle donne.

Traditionnellement, l'action du CNED est tournée vers les élèves français et francophones à l'étranger en lien avec les établissements français dépendant des deux grands opérateurs que sont l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) et la Mlf (Mission laïque française). Près de 30 000 inscrits, dont près de 14 000 sont des scolaires, bénéficient chaque année des enseignements et des formations du CNED à l'étranger.

Nous sommes également approchés par des investisseurs étrangers qui financent des écoles et recherchent la garantie de qualité du CNED. Récemment, nous avons signé un accord de coopération avec un investisseur iranien. De cette façon, l'école internationale francophone d'Ispahan, qui a reçu le label France Education, bénéficie d'un complément de cours à distance.

Le CNED participe activement à la coopération européenne et internationale pour le développement du français à l'étranger. Par exemple, nous proposons aux établissements scolaires la plateforme « D'Col » destinée à la fin de l'école primaire en vue de l'entrée au collège, ce qui a intéressé le ministère ivoirien de l'éducation. De plus, nous souhaitons développer une autre plateforme, « le français à l'école », destinée à appuyer les enseignants du 1er degré dans l'enseignement de la langue pour améliorer le niveau de français.

La demande de formation et de certification en français est également importante. Nous développons ainsi des BTS français à l'étranger, comme cela est par exemple le cas en Haïti, et souhaitons mettre en place des CAP en partenariat avec des entreprises françaises implantées localement, qui pourraient assurer sur place la formation professionnelle. Des projets sont à l'étude en Côte d'Ivoire et au Liban.

Le CNED est un acteur de la politique de rayonnement de la France à l'international. Il participe à la politique d'influence et d'attractivité de la France à l'international aux côtés de l'AEFE, de la Mlf, des Alliances françaises et des Instituts français avec qui nous avons contracté des partenariats.

Nous avons aussi des partenariats avec des universités à l'étranger, comme celle de Bangui en Centrafrique, avec pour objectif de compléter leur offre de formation, jamais de s'y substituer.

Quelle est votre place dans les situations de crise ?

L'établissement est présent lors de situations difficiles, comme lors de l'ouragan Irma avec le déploiement d'une plateforme pour la continuité éducative ; au lycée de Washington où nous avons assuré la scolarité en l'absence d'un professeur de philosophie ; à Mayotte où nous avons pris en charge près de six mille élèves pendant des heurts sociaux ou encore à Créteil lorsqu'un lycée a été fermé plusieurs mois pour cause d'amiante. En Libye, en Syrie ou au Burundi, nous avons permis la continuité de la scolarité française quand les établissements scolaires ont été contraints de fermer. Ce sont des situations complexes qui demandent de la réactivité de notre part.

Vous avez conclu des partenariats avec de nombreux grands médias comme TV5, RFI et France 24. Quel est leur sens ?

Notre objectif est d'introduire dans nos formations des ressources produites par de grands médias car il y a un véritable intérêt à travailler avec la matière vivante que sont les médias. Ainsi, nous contribuons aux plateformes de formation que ces derniers déploient et introduisons des matières concernant ces domaines.

Quels sont encore vos projets ?

Notre travail a été très important depuis deux ans.

Nous avons aussi élaboré un outil « le français sur objectif universitaire » à destination des étudiants étrangers qui veulent poursuivre des études supérieures en France et que nous souhaitons proposer notamment à la Cité internationale universitaire de Paris. D'autres pistes sont encore à opérationnaliser, comme le développement des relations avec l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie).

Notre travail est aujourd'hui de structurer, pérenniser et coordonner nos actions pour nous développer et marquer notre présence en France comme à l'étranger. Nous avons conscience du rôle qui est le nôtre dans la place du français dans le monde et l'accès de tous à l'enseignement.

Notre force est notre dynamisme et nous continuerons d'être toujours à l'écoute des besoins de formation par la création et le développement d'outils adaptés.

Jean François Puech directeur de la rédaction de NEWS Press