Affaire Saif-Al-Islam Gaddafi : la Chambre préliminaire I de la CPI confirme que l'affaire est recevable devant la CPI

Cour Pénale Internationale - 08/04/2019 09:00:00


Aujourd'hui, le 5 avril 2019, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) a, à la majorité, rejeté l'exception d'irrecevabilité présentée par la Défense de M. Saif-Al-Islam Gaddafi. La majorité, composée du juge Péter Kovács et de la juge Reine Adélaïde Sophie Alapini-Gansou, a décidé que l'affaire à son encontre était recevable devant la Cour.

Le juge Marc Perrin de Brichambaut déposera une opinion minoritaire en temps voulu.

Le 6 juin 2018, la Défense a présenté une exception d'irrecevabilité concernant l'affaire à l'encontre de M. Gaddafi, affirmant que le 28 juillet 2015, M. Gaddafi avait été condamné par le tribunal pénal de Tripoli essentiellement pour le même comportement que celui allégué dans la procédure devant la CPI. En outre, M. Gaddafi a allégué que le 12 avril 2016, ou vers cette date, il avait été libéré de prison en vertu de la loi n° 6 de 2015, qui prévoyait une amnistie générale. Ainsi, M. Gaddafi a allégué que les poursuites à son encontre concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour étaient irrecevables.

La détermination de la majorité a été prise après un examen attentif des différentes soumissions et observations de la Défense, du Procureur, des Représentants légaux des victimes, des amici curiae et des soumissions précédentes du Gouvernement libyen.

La majorité a conclu que, pour qu'un deuxième procès pour le même comportement ne soit pas autorisé devant la CPI, la décision du tribunal pénal de Tripoli aurait dû être définitive et avoir l'effet de « l'autorité de la chose jugée ». La majorité n'est pas convaincue que cette condition soit remplie en l'espèce, le jugement du tribunal pénal de Tripoli pouvant encore faire l'objet d'un appel et ayant été rendu en l'absence de M. Gaddafi (in absentia), laissant ainsi ouverte la possibilité de rétablir une procédure judiciaire.

La majorité n'était pas non plus convaincue que l'adoption de la loi n° 6 de 2015 rendait l'affaire irrecevable devant la Cour. La majorité a conclu que M. Gaddafi avait été exclu de l'amnistie et / ou de la grâce prévues par la loi n° 6 de 2015. Même en supposant que la loi n° 6 de 2015 s'appliquerait à M. Gaddafi, elle n'a toujours pas rendu ces procédures finales. Selon la majorité, l'octroi d'amnisties et de grâces pour des actes aussi graves que le meurtre constitutif de crimes contre l'humanité est incompatible avec les droits de l'homme internationalement reconnus. Les amnisties et les pardons interviennent à l'encontre des obligations positives incombant aux États d'enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs des crimes les plus graves. En outre, elles refusent aux victimes le droit à la vérité, à l'accès à la justice, et à demander des réparations, le cas échéant.

Contexte : La situation en Libye a été déférée au Procureur de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies à l'unanimité de ses membres dans sa Résolution 1970. Le 3 mars 2011, le Procureur a annoncé l'ouverture d'une enquête dans la situation en Libye et cette situation est assignée à la Chambre préliminaire I.

Le 27 juin 2011, la Chambre préliminaire I a délivré trois mandats d'arrêt à l'encontre de Muammar Mohammed Abu Minyar Gaddafi, Saif Al-Islam Gaddafi et Abdullah Al-Senussi pour des crimes contre l'humanité (meurtre et persécution) qui auraient été commis en Libye du 15 jusqu'au 28 février 2011 au moins, à travers l'appareil d'Etat libyen et les forces de sécurité. Le 22 novembre 2011, la Chambre préliminaire I a ordonné la clôture de l'affaire à l'encontre de Muammar Gaddafi suite à la mort du suspect. Saif Al-Islam Gaddafi et Abdullah Al-Senussi ne sont pas détenus par la Cour.

Le 31 mai 2013, la Chambre préliminaire I a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les autorités libyennes concernant l'affaire à l'encontre de Saif Al-Islam Gaddafi et a rappelé à la Libye son obligation de remettre le suspect à la Cour. Le 21 mai 2014, la Chambre d'appel de la CPI a confirmé cette décision de la Chambre préliminaire I.

Le 11 octobre 2013, la Chambre préliminaire I a décidé que l'affaire concernant Abdullah Al-Senussi était irrecevable devant la Cour car elle faisait l'objet d'une enquête nationale par les autorités libyennes compétentes et que ce pays avait la volonté et était capable de mener véritablement à bien cette enquête. Le 24 juillet 2014, la Chambre d'appel a confirmé cette décision de la Chambre préliminaire I.