A l'initiative de la Ministre des Sports Roxana MARACINEANU, la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport

Roxana MARACINEANU. Ministère des Sports - 21/02/2020 18:20:00


Organisée à l'initiative de la Ministre des Sports Roxana MARACINEANU, la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport, se tient ce vendredi 21 février au siège du Comité Nationale Olympique et Sportif Français (CNOSF) en présence d'Adrien TAQUET, secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance, Nicole BELLOUBET, ministre de la Justice et de Marlène SCHIAPPA, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes. Cette convention a pour objectif de mobiliser tous les acteurs du monde sportif contre les violences sexuelles afin de mieux comprendre non seulement comment peuvent surgir de telles situations, mais aussi les conséquences psychologiques et physiques de tels actes. Et bien sûr, comprendre dans quel contexte ces faits peuvent se produire et comment les détecter puis les signaler.

Cette journée forte de mobilisation sur la problématique des violences sexuelles dans le sport, est marquée par de nombreux témoignages : ceux de Sarah ABITBOL et Catherine MOYON de BAECQUE qui ont suscité une standing ovation ou encore celui de Laetitia HUBERT. Elle s'achèvera par des ateliers de travail avec les fédérations sportives, les services de l'Etat, des experts pour co-construire un plan de prévention pour le mouvement sportif. La restitution de ces travaux, qui porteront notamment sur les actions de sensibilisation et de prévention, l'accompagnement ou encore le contrôle des encadrants, est attendue lors du temps 2 de la Convention courant mai 2020.

Sans plus attendre, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a d'ores et déjà annoncé différentes mesures afin d'accompagner ces travaux :

- la nomination d'une déléguée ministérielle chargée des violences dans le sport en la personne de Fabienne BOURDAIS, Inspectrice générale et experte de ces questions, qui assurera le pilotage des travaux ;

- le renforcement des effectifs de la cellule dédiée au traitement des signalements de violences sexuelles au sein de la Direction des Sports. Trois agents supplémentaires viendront compléter l'équipe déjà en place pour instruire l'ensemble des affaires ;

- la généralisation du contrôle de l'honorabilité non seulement pour les encadrants bénévoles et l'équipe dirigeante des associations sportives, mais aussi pour l'ensemble des cadres d'Etat ;

- la création d'un répertoire national des associations sportives afin que le ministère des Sports soit en capacité de communiquer mieux et directement avec chacune d'entre elles sur le territoire.

« Je souhaite aussi renforcer la responsabilité des fédérations sur les questions liées à l'éthique, a annoncé la ministre. Cela doit faire l'objet d'un plan de prévention spécifique que nous les aiderons à construire. Cela doit être un enjeu majeur des prochaines élections fédérales au même titre que les questions de lutte contre le dopage ou les dérives communautaires. Enfin, un sujet me tient particulièrement à coeur. Celui de la formation des éducateurs sportifs. Je veux qu'elle comprenne désormais un module spécifique, obligatoire et évalué sur le thème de l'éthique et de l'intégrité. A terme, cela doit nous permettre d'aboutir à la création d'un code de déontologie de l'éducateur sportif et de l'entraineur comme celui auquel sont tenus les agents de l'Etat. »

La ministre des Sports a par ailleurs signé une convention avec le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED), représenté par Martine BROUSSE, Vice-Présidente du Groupement d'intérêt public de l'Enfance en danger, pour que le numéro 119 de l'Enfance en danger puisse recueillir la parole des victimes dans le champ sportif. Cette convention prévoit une formation des écoutants par la Direction des sports, la possibilité de mesurer la réalité des phénomènes de violences dans le champ du sport et un dispositif d'alerte permettant aux services de l'État d'engager les mesures de police administratives nécessaires.


Chiffres clés

Les actions de prévention des violences et d'appui à la libération de la parole mises en oeuvre par le ministère des Sports
-57 séances de sensibilisation organisées depuis le 2 avril 2019 dans le cadre du « Tour de France de la sensibilisation à la prévention des violences sexuelles et au bizutage » co-organisées avec l'association « Colosse aux pieds d'argile » dans les établissements du réseau Grand INSEP
-Plus de 2600 jeunes, 900 encadrants et stagiaires en formation sensibilisés
-76% des jeunes n'avaient jamais reçu de sensibilisation sur les violences sexuelles avant cette formation

Les mesures de police administrative engagées ces dernières années dans le champ du sport
-Depuis 2016, les services du ministère des Sports ont écarté 104 personnes de la profession d'éducateur sportif en raison d'une condamnation figurant au FIJAISV
-68 personnes font actuellement l'objet d'une mesure de police administrative leur interdisant d'exercer tout ou partie de leur activité.

Vous trouverez ci-dessous le discours de la ministre des Sports Roxana MARACINEANU lors de cette journée.


Contact presse :
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Discours d'ouverture de la ministre des Sports, Roxana MARACINEANU« Quand il nous dit que c'est normal, qu'on n'est rien sans lui, que si on le quitte, la nullité sera notre avenir, et que si on parle, on ne sera pas écouté. Et que pire encore, on sera suspecté et rejeté.
Alors l'étau se resserre, on se tait, on s'enferme dans le silence et la souffrance. Et on s'accroche plus encore à notre passion, celle dont il s'empare pour assouvir sa perversion. »
Voici quelques-uns des mots d'Isabelle DEMONGEOT.
En voici d'autres encore que je souhaiterais vous lire sans citer leurs auteurs.
« Il se disait amoureux de moi, mais comment peut-on aimer une jeune fille de 13 ans ? ».
« J'ai subi des harcèlements et des violences physiques. Je l'ai dénoncé auprès de mon club et de la fédé ».
« J'étais disponible, à sa merci tout le temps, c'était plusieurs fois par semaine. C'était 5 minutes derrière une porte, dans une voiture, toujours avec violence, sans préparation, sans aucun mot. »
« Il a commencé à s'inviter dans ma baignoire et à me demander de le laver. J'ai su après que c'était de la masturbation ».
« On arrivait dans le sauna. Il enlevait sa serviette. Il était en érection. « Tu as déjà vu un homme tout nu ? Tu n'es pas une mijaurée » disait-il.
Depuis plusieurs semaines, nous affirmons l'impérieuse nécessité de libérer la parole. C'est par ces paroles de sportifs que j'ai voulu que nous commencions cette journée. Des paroles crues, violentes, qu'il est temps d'entendre enfin.
Parce que moi-même en les lisant et en les relisant, je réalise encore mal ce qu'ont vécu ces enfants, ces jeunes femmes, ces jeunes hommes.
Plusieurs dizaines d'athlètes, dont Marie, l'ont écrit récemment : « Chaque sportif de haut niveau a d'abord été un enfant, un adolescent en pleine construction. Il a été entouré par une structure et formé par un éducateur à qui il a confié la clé de ses rêves ».
C'est aussi cette relation singulière entre entraineur et entrainé que nous allons évoquer aujourd'hui ; une relation particulière qui se noue, inévitablement, pour et par la recherche de performance.
Cette proximité entre l'éducateur et l'enfant lorsqu'il s'agit de sport, ce lieu, ce moment, cette activité où le corps, sa progression, son façonnage est le support de leur passion commune.
J'affirme ici les bénéfices et le caractère unique du sport dans cet accompagnement du quotidien, dans cette bienveillance individualisée dont font preuve la très large majorité des encadrants et des entraineurs. Cette relation est source d'engagement, d'émancipation, d'espoir et de rêves pour les personnes qui ont la chance d'en bénéficier.
Mais je veux aussi qu'on la questionne. Pour mieux la délimiter et en cerner les risques. On a beaucoup réfléchi et formé les personnes désireuses d'encadrer le sport à ce qu'elles devaient être. Mais on ne leur a peut-être jamais dit quels rôles elles n'avaient pas assumé.
Questionner aussi cette relation duelle et le risque de l'emprise qu'elle peut générer. Car il est si facile de profiter de cette emprise pour la transformer en harcèlement physique et moral. Et dans les témoignages, on a vu combien il peut être facile pour des agresseurs sexuels d'y cacher leurs motivations réelles et leur perversion.
En arrivant à la tête de ce ministère, ma première bataille, et peut-être la seule qui vaille à mes yeux, c'est d'affirmer que le sport n'est pas QUE les belles images de sportifs qui gagnent sur un magnifique fond musical, pas QUE les gens de toutes les origines qui se mélangent pour fêter une victoire de l'équipe de France, ou QUE des débats sans fin sur pourquoi telle équipe n'arrive pas à confirmer au niveau européen.
Mais parce que plus de 15 millions de personnes pratiquent du sport dans un club en France et parce qu'on veut que demain il y en ait encore plus, il faut reconnaître que le sport c'est aussi des gens qui perdent, qui ne se qualifient pas, qui d'ailleurs ne veulent pas forcément faire de compétition. Ce sont des personnes âgées qui vont trouver grâce au sport un moyen de vivre plus longtemps et en meilleure santé, des petits enfants qui vont s'initier à l'eau, au cheval, à l'escalade juste pour s'amuser, se socialiser, être en sécurité et à l'aise partout demain.
Que le sport, c'est un système social à l'intérieur d'un autre système social. Et que, non on ne peut pas imaginer que le sport puisse être épargné par les phénomènes qu'on constate aujourd'hui dans notre société. La violence, la discrimination, l'homophobie, l'addiction, la pédophilie.
On ne parle pas là d'un simple revers de la médaille, ou de la face cachée du sport, de sa part d'ombre. Non. Nous parlons de drames personnels, de crimes parfois vécus durant des mois, endurés des années... ressentis encore dans leur chair par les victimes.
Et ça nous concerne TOUS. Dans notre vie professionnelle, à nos différents postes et responsabilités. Mais ça nous concerne aussi dans notre vie privée, de parents, d'adultes, de citoyens. Ce n'est pas seulement la cause du ministère parce qu'il est censé garantir la sécurité des publics. Ce n'est pas seulement celle des fédérations parce que c'est à LEURS associations qu'on confie les enfants. Ce n'est pas seulement la cause des maires parce que c'est dans leurs équipements que parfois ça se passe. Ce serait trop facile ! Ça nous concerne tous. On doit tous définir la chaine des responsabilités et les assumer.
Quand j'ai voulu aborder cette question, il y a un an, je l'avoue, je n'en mesurais pas l'ampleur, la gravité, toutes les souffrances vécues. Et je sais qu'en dehors des victimes, nous sommes nombreux dans ce cas. Merci à elles de nous avoir ouvert les yeux et les oreilles. Merci aux médias de les y avoir aidé.
Astrid GUYART le disait : chacun de nous est « une partie du système. »
Et notre système a fauté, régulièrement et depuis trop longtemps, à tous les étages.
Pour nos enfants qui aiment et pratiquent le sport au quotidien, nous sommes responsables.
Pour les parents qui nous les confient, nous sommes responsables.
C'est ce sens des responsabilités qui nous réunit aujourd'hui. Sarah ABITBOL dit : « la honte doit changer de camp ». N'attendons pas, agissons maintenant ! Avec une mobilisation totale et sans concession. Déjà pour leur rendre justice et ensuite pour que cela n'arrive plus.
Jean-Claude Killy m'a écrit que « ce combat est le plus important dans le sport aujourd'hui ». Il rajoutait « Ne tremblez surtout pas ».
C'est ce qui nous rassemble : « Faire face et ne pas trembler ».
Les criminels et les délinquants doivent être sanctionnés par la justice. Ceux qui ont tu, voire caché, leurs actions aussi. Ceux qui ont « attendu » les décisions de justice, sans réagir et sans accorder plus de crédit à la parole des supposées victimes qu'à celle des agresseurs présumés, sont-ils surs aujourd'hui d'avoir fait le bon choix ? Posons-nous la question ensemble aujourd'hui.
Je le dis solennellement : performer ou avoir encore plus de licenciés ne PEUT PLUS être la seule priorité du mouvement sportif. La première des conditions pour accueillir un enfant dans une association de loisirs ou pour l'inscrire dans un parcours de performance DOIT être d'assurer sa sécurité et son intégrité physique ET morale.
Maintenant que la parole se libère, notre priorité à tous doit être la simple et la bonne application du droit.
Le respect des droits des victimes. Le respect des droits des personnes incriminées aussi.
Le sport français doit agir d'un même mouvement, conscients des attentes qui sont placées en nous. Merci à Marie-Amélie et Denis d'accueillir cette convention dans la Maison du Sport Français, c'est symbolique. Merci à tous les intervenants, les Présidents de Fédérations ici présents- et j'ai une pensée un peu... triste pour ne pas dire autre chose.... pour les absents- chacun d'entre vous est pleinement convaincu. Merci également à Marie-George Buffet d'être ici. Nous pouvons, nous devons faire de ces épreuves un sursaut salutaire. Parce que le sport peut faire avancer la cause de la protection de l'enfance.
Vous le voyez aujourd'hui, le gouvernement est plus que jamais mobilisé. Je tiens à remercier tout particulièrement Nicole, Marlène et Adrien de leur présence et de leur soutien. Nous avons pris et continuerons à prendre nos responsabilités.
Je veux dire tout le soutien que nous recevons également des parlementaires.
Je sais les agents du ministère des sports comme ceux de la justice et de l'intérieur sont engagés comme jamais et qu'au sein des fédérations vous avez commencé à travailler à des plans de prévention.
Nous portons aussi ce combat au sein du Conseil de l'Europe.
Alors, dans ce moment historique pour le sport français, jouons notre rôle, chacun à notre place. C'est ce que les victimes attendent de nous. C'est ce que nos enfants et leurs proches nous réclament.
Franck PICCARD l'a écrit récemment à Claudine EMONET : « Il faudrait savoir bien écrire avec les mots justes, comme ceux que tu as choisis. Il faudrait du temps, comme celui que tu as pris pour parler. Il faudrait du courage, beaucoup de courage, à la hauteur de celui dont tu fais preuve même si tu t'en défends. Il faudrait avoir une lecture exemplaire vers tous les acteurs du sport de ton témoignage aussi bouleversant que sidérant. .... Il faudrait ne pas être maladroit pour te dire le désarroi que je ressens face aux atermoiements de ceux qui savaient. Il faudrait sans maladresse partager une immense tristesse pour ces
jeunesses meurtries, ces sourires blessés, ces agressions sans nom. Il faudrait avoir la nausée car ce n'est pas une histoire de plus. Il faudrait s'imaginer que ce soit la dernière. Mais comment en être certain, une fois de plus ? ... Il faudrait agir, on te le doit ».
Reconstituons ensemble un véritable cordon sanitaire afin de mieux protéger nos enfants demain que nous n'avons su le faire hier.
Construisons une nouvelle vigilance bienveillante de tous les instants.
Mesdames et messieurs, chers amis, suivons cette invitation de Franck PICCARD. Agissons. Agissons vite et fort.
Je vous remercie.