Autriche : l'ECRI se félicite des initiatives de promotion de l'intégration même si des problèmes demeurent

Conseil de l'Europe - 09/06/2020 10:40:00


Dans son sixième rapport sur l'Autriche, la Commission contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe (ECRI) se félicite des mesures positives prises par les autorités sur plusieurs fronts (voir également les versions allemande et anglaise du rapport).

Depuis son rapport précédent, l'ECRI salue les mesures législatives visant à promouvoir l'égalité des personnes LGBTI, comme la reconnaissance en 2018 d'un troisième genre « divers/ouvert », et l'introduction en 2019 du mariage pour les personnes de même sexe. Le gouvernement a aussi adopté un ensemble de recommandations concernant les personnes intersexes. L'ECRI prend note avec satisfaction des efforts faits pour améliorer la détection du discours de haine en ligne et apporter un soutien aux victimes. L'infraction pénale de cyberharcèlement a été introduite en 2016 et les autorités ont conclu, en 2018, un accord avec les prestataires de réseaux sociaux afin qu'ils suppriment tout discours de haine dans les 24 heures. Avec l'entrée en vigueur en 2017 de la loi sur l'intégration, des ressources ont été investies pour intégrer rapidement les nouveaux venus en Autriche, en mettant tout particulièrement l'accent sur l'acquisition de la langue et sur l'intégration à long terme sur le marché du travail. Le ministère fédéral de l'Éducation a notamment mis en place des « équipes mobiles interculturelles » en réponse au nombre croissant d'élèves migrants et le Service public de l'emploi est à l'origine de « bilans de compétences » permettant d'évaluer les compétences et les qualifications des réfugiés. L'ECRI approuve aussi la manière dont les autorités ont récemment reconnu la lutte contre l'antitsiganisme comme une priorité de la lutte contre le racisme et la discrimination, avec la mise à jour de la Stratégie nationale pour les Roms en 2017.

L'ECRI n'en critique pas moins le « niveau élevé » d'islamophobie qui se reflète dans un discours public de plus en plus xénophobe. Le discours politique a pris des connotations extrêmement clivantes et hostiles visant tout particulièrement les musulmans et les réfugiés, d'après le rapport. Les médias ont signalé des déclarations de membres de l'extrême droite. Le rapport met aussi en évidence la sous-déclaration des infractions motivées par la haine et recommande aux autorités de faciliter une coopération plus étroite et d'institutionnaliser un dialogue continu entre la police et les groupes exposés aux infractions motivées par la haine, pour renforcer la confiance.

La question du port du voile est aussi soulevée dans le rapport, en particulier une récente modification de la loi sur l'éducation scolaire qui interdit aux élèves de moins de 10 ans de porter un « vêtement d'influence idéologique ou religieuse qui couvrirait la tête ». Réaffirmant l'importance de l'égalité de traitement de tous les groupes religieux, l'ECRI encourage les autorités à revoir la nouvelle disposition afin de s'assurer qu'elle respecte le principe de neutralité, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est exempte de toute forme de discrimination à l'encontre d'un groupe particulier d'élèves.

L'ECRI note aussi que l'évolution positive de la mise en oeuvre de mesures d'intégration globales a été inversée dernièrement par plusieurs changements législatifs, qui ont introduit des restrictions importantes aux mesures en faveur de l'intégration, comme le regroupement familial et la naturalisation. En outre, l'adoption, en juin 2019, de la loi sur l'Agence fédérale pour les soins et l'assistance a soulevé de graves questions quant à l'octroi de l'aide juridique gratuite aux demandeurs d'asile. D'après le rapport, des allégations faisant état de l'usage du profilage ethnique par la police à l'encontre de personnes appartenant aux communautés minoritaires, en particulier aux communautés noires et musulmanes, continuent d'être signalées. L'ECRI est particulièrement préoccupée par le fait que même si la législation autrichienne interdit le profilage racial et offre un cadre juridique permettant de traiter de telles plaintes, seules deux décisions concernant des cas de profilage racial ont été rendues jusqu'à présent.

À un niveau général, l'ECRI prend note de la manière dont la distinction entre la loi fédérale sur l'égalité de traitement et les lois antidiscrimination de neuf provinces fédérales autrichiennes (Länder) crée très souvent de la confusion et une incertitude juridique. De fait, les organismes de promotion de l'égalité de chacun des Länder ne sont pas liés les uns aux autres et n'ont pas de responsabilités partagées avec les structures fédérales. Les victimes de discrimination peuvent ainsi avoir du mal à savoir vers quel organisme se tourner. Aucune initiative n'a été prise pour fusionner les institutions existantes de lutte contre la discrimination de la Fédération et des Länder, malgré la recommandation prioritaire formulée dans le rapport précédent. L'ECRI recommande donc aux autorités autrichiennes de modifier la législation au niveau fédéral et à celui des Länder pour parvenir à une législation antidiscrimination accessible et effective couvrant la totalité des motifs.

Parmi les 15 recommandations adressées aux autorités autrichiennes, deux devraient être mises en oeuvre en priorité et feront l'objet d'un suivi de l'ECRI au plus tard deux ans après la publication du rapport :

les autorités autrichiennes devraient mettre davantage l'accent sur l'indépendance institutionnelle et structurelle de la future Agence fédérale pour les soins et l'assistance et veiller à ce qu'une aide et des conseils juridiques gratuits soient fournis aux demandeurs d'asile par une structure totalement indépendante.
La seconde recommandation spécifique de l'ECRI est la suivante : les autorités devraient réviser les dispositions pertinentes de la nouvelle loi sur la protection sociale qui exigeaient un niveau de compétence linguistique en allemand ou en anglais plus élevé comme condition préalable à l'octroi de prestations sociales supérieures. La recommandation de l'ECRI a été faite en vue d'empêcher toute discrimination ou inégalité sociale dans l'octroi des prestations sociales. Or entre la rédaction du rapport et son adoption, la Cour constitutionnelle autrichienne a annulé ces dispositions, les jugeant contraires à la Constitution. L'ECRI a donc considéré que cette recommandation avait déjà été mise en oeuvre.