Ethiopie : l'UNICEF dénonce des rapports de viols collectifs et « un niveau de cruauté déconcertant » contre les enfants au Tigré

UNICEF - Fonds international d'urgence des Nations unies pour l'enfance - 20/04/2021 13:10:00


Alors que la crise dans la région éthiopienne du Tigré est entrée dans « son sixième mois sans qu'aucune fin ne soit en vue », le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) s'est inquiété, mardi, des conséquences du conflit sur les enfants.

Selon l'agence onusienne, les femmes et les enfants sont de plus en plus vulnérables dans les régions du Tigré, de l'Amhara et de l'Afar touchées par le conflit, alors que les conditions continuent de se détériorer et que les déplacements internes s'intensifient rapidement.

Au Tigré, « il s'agit d'une crise de protection », a déclaré lors d'une conférence de presse virtuelle, James Elder, porte-parole de l'UNICEF.

« Ce qui émerge est un tableau inquiétant de violations graves et continues des droits de l'enfant », a-t-il ajouté. A ce sujet, il indique avoir reçu « des déclarations personnelles de la part d'enfants ». « Ces derniers ont dit à nos équipes qu'ils ont été violés. Le personnel de l'agence onusienne a également reçu « des témoignages déchirants de femmes victimes de violences sexuelles ».
Un centre a enregistré en moyenne 3 cas de violence sexiste par jour

« Vous savez tous que le président de l'Éthiopie, le ministre de la Femme, de l'Enfance et de la Jeunesse, la Commission éthiopienne des droits de l'homme (EHRC) ont dénoncé de multiples cas de viols et de violences sexuelles », a d'ailleurs rappelé le porte-parole du HCR.

Parmi tous ces « récits traumatisants de survivants », il y a le sort de cet enfant qui n'avait que 14 ans. « J'ai entendu des rapports de viols collectifs », a-t-il ensuite détaillé, relevant « un niveau de cruauté déconcertant » décrit lors de ces attaques.

Depuis le début de l'année, un seul centre soutenu par l'UNICEF a ainsi enregistré en moyenne, trois cas de violence sexiste par jour.

Face à cette situation, les survivants d'agressions sexuelles ont reçu une assistance médicale, un soutien psychosocial et des kits dans un centre soutenu par l'UNICEF. L'agence onusienne a également aidé ses partenaires à déployer plus de 160 travailleurs sociaux pour assurer la gestion des cas de protection de l'enfance pour les enfants vulnérables, y compris les enfants non accompagnés et séparés de leur famille.

« Nous assistons donc à un pic de malnutrition »

L'autre source de préoccupation a trait aux problèmes nutritionnels. Des résultats obtenus dans les régions d'Oromia, d'Amhara, de Gambella et de Tigré ont montré que 4,6 millions d'enfants ont subi un dépistage de la malnutrition. Parmi eux, plus de 25.000 ont été orientés vers une prise en charge de la malnutrition aiguë sévère et plus d'un million d'enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée.

Au total, 1.517 enfants atteints de malnutrition aiguë sévère ont été admis dans la seule région de Tigré. « Nous assistons donc à un pic de malnutrition dans une région qui, avant cette crise, avait déjà connu une forte augmentation, d'une année sur l'autre, du nombre d'enfants malnutris nécessitant un traitement vital », a affirmé M. Elder.

Cette situation nutritionnelle n'est pas une surprise pour les organismes humanitaires. D'autant que les combats ont éclaté au moment de la période de récolte dans la région. « C'est leur revenu pour l'année. Et maintenant, ils devraient être en train de planter », a regretté le porte-parole de l'UNICEF.

1,4 million d'enfants déscolarisés pendant plus de 13 mois
Au total, plus d'un million de personnes sont déplacées et ne peuvent donc pas accéder à leurs terres. Pour venir en aide aux populations vulnérables, l'UNICEF et ses partenaires ont mis en place 22 équipes mobiles de santé et de nutrition qui atteignent des dizaines de milliers d'enfants et de femmes dans dix des zones les plus nécessiteuses.

Elles distribuent des kits de médicaments et apportent une aide aux soins de santé d'urgence et à la nutrition. « Ces équipes mobiles opèrent six jours par semaine et utilisent le septième jour pour se réapprovisionner », a détaillé le porte-parole de l'UNICEF.

Dans le domaine de l'éducation, la pandémie de Covid-19 couplée au conflit a fait que 1,4 million d'enfants ont été déscolarisés pendant plus d'une année complète. « Oui depuis mars 2020. Eh Oui, pas un jour d'école en 13 mois » a fait remarquer M. Elder.

Pour l'agence onusienne, une décision de réouverture des écoles dépend toutefois de la sécurité, mais aussi des travaux de réhabilitation. Selon l'UNICEF, le ministère de l'Éducation estime que jusqu'à 25% des écoles ont été endommagées.

En deux dernières semaines, 16 incidents pour les équipes mobiles de santé et de nutrition

De plus, la réouverture des écoles nécessite le relogement des centaines de milliers de personnes déplacées qui s'abritent actuellement dans les locaux scolaires. Du coup, la priorité de l'UNICEF est la réouverture des écoles tout en travaillant simultanément avec les partenaires de mise en oeuvre pour établir des espaces d'apprentissage temporaires pour les réfugiés, les personnes déplacées et les communautés hôtes.

Mais tous ces efforts restent conditionnés par les défis de « l'accès et de la sécurité, qui restent de sérieux problèmes », alors que les combats se poursuivent. « J'ai parlé avec le chef de l'une des courageuses équipes mobiles de santé et de nutrition qui sont en première ligne dans la zone, il m'a expliqué que son équipe s'était fait voler son ambulance et qu'elle avait dû marcher trois jours pour rejoindre son dispensaire », a rappelé M. Elder.

Et juste avant ce point de presse, l'UNICEF indique avoir reçu « des rapports crédibles faisant état d'au moins 16 incidents ayant affecté les activités de ces équipes mobiles de santé et de nutrition ... au cours des deux dernières semaines seulement ».

Neuf cas ont été signalés dans la partie orientale du Tigré où les agents de santé ont dû quitter les lieux en raison des combats et des menaces directes des forces armées.

« Les membres du personnel se sont vu refuser l'accès aux sites du programme et, dans certains cas, ont été menacés de mort », a conclu le porte-parole de l'UNICEF, relevant que « dans trois endroits, les équipes ont été déplacées de force vers d'autres lieux ».

Le 26 mars dernier l'ONU manifestait son extrême préoccupation
Éthiopie : profonde inquiétude pour les milliers de réfugiés érythréens « dispersés » au Tigré

Dans la région du Tigré, en Éthiopie, en proie à la guerre, la situation est très préoccupante pour des milliers de réfugiés érythréens dont les camps ont été retrouvés réduits en cendres, comme le confirment des images satellites et les témoignages de ceux qui ont fui les attaques.

Les humanitaires de l'ONU ont rapporté vendredi que des équipes d'aide ont atteint deux camps de réfugiés érythréens dans la région éthiopienne du Tigré, déchirée par la guerre, pour la première fois depuis le début des combats début novembre, pour les trouver détruits et les anciens occupants « dispersés ».

Un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Boris Cheshirkov, a déclaré aux journalistes à Genève que toutes les installations humanitaires des camps de réfugiés de Shimelba et de Hitsats, dans le nord de l'Éthiopie, avaient été « pillées et vandalisées ».

La mission, menée conjointement par le HCR et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), a constaté que la plupart des abris du camp de Hitsats, ainsi que les bureaux des Nations Unies et la maison d'hôtes du personnel avaient été détruits.

La mission conjointe a également réussi à visiter la ville de Shiraro, où l'on pense que les réfugiés sont dispersés et ont « un besoin urgent de sécurité et de soutien ».

Une évaluation urgente

Une mission ultérieure visera à recenser le nombre de personnes vivant dans la région et à déterminer si le HCR et l'Agence éthiopienne pour les réfugiés et les rapatriés (ARRA) peuvent y apporter une aide et élaborer des plans de relocalisation volontaire.

« Le HCR est profondément préoccupé par le bien-être des réfugiés érythréens qui y résidaient et qui ont tous fui les camps », a ajouté M. Cheshirkov.


Environ 20.000 réfugiés vivaient dans les deux camps avant que la crise n'éclate en novembre dernier, lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a lancé une campagne militaire dans le Tigré après que le parti au pouvoir dans la région, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF), a lancé des attaques contre des camps de l'armée.

Les derniers développements font suite aux appels lancés par de hauts responsables de l'ONU pour mettre fin aux combats, ainsi qu'à l'annonce faite jeudi par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ouverture d'une enquête sur les allégations d'abus graves et de violations des droits par toutes les parties au conflit.

Vendredi, le Président Abiy a déclaré sur Twitter que le gouvernement érythréen avait accepté de retirer ses troupes du Tigré. Les forces éthiopiennes prendront en charge la surveillance des zones frontalières « avec effet immédiat », a-t-il déclaré.
Un besoin urgent d'assistance

M. Cheshirkov a déclaré que plus de 7.000 anciens résidents des deux camps ont soit « fait leur propre chemin, soit été aidés par les autorités éthiopiennes pour atteindre les deux autres camps de réfugiés érythréens, Mai Aini et Adi Harush ».

Il a ajouté que le HCR avait également été en contact avec plus de 2.000 réfugiés de Hitsats et Shimelba à Shire, Mekelle, Afar et Addis Abeba.

« Toutes les personnes déplacées à Shiraro et Shimelba ont un besoin urgent d'une assistance vitale, y compris de la nourriture, des abris, des soins de santé, de l'eau et des installations sanitaires », a-t-il indiqué.

Dans une déclaration, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a réitéré son appel urgent pour que « la circulation libre et sûre des personnes affectées à la recherche de sécurité et d'assistance » soit autorisée par toutes les parties, y compris la circulation « à travers les frontières internationales et à l'intérieur des frontières nationales, indépendamment de leur identification ethnique ».

M. Cheshirkov a ajouté que l'agence prévoit d'autres missions et « a déjà commencé à déployer davantage de personnel dans la région du Tigré ».

Pour ce faire, le porte-parole du HCR a noté que « les besoins de financement augmentent et nous lançons donc un appel à un soutien accru pour cette situation, à la fois en Éthiopie et pour ceux qui se trouvent actuellement au Soudan ».