Inégalités primaires, redistribution : comment la France se situe en Europe

France Stratégie - 16/12/2020 00:00:00


Où en sont les inégalités de revenu en France par rapport aux autres pays européens ?

Qu'en est-il de l'efficacité de notre système de redistribution ?


France Stratégie éclaire ce débat de manière originale en mobilisant des données d'enquêtes harmonisées couvrant 30 pays européens*. Principal enseignement : la faiblesse des inégalités de revenu disponible en France par rapport à nos voisins européens s'explique par une redistribution plus élevée, mais aussi par de moindres inégalités primaires (c'est-à-dire avant prélèvements et transferts sociaux).
Définir les revenus primaires et la redistribution pour permettre les comparaisons internationales
Le constat de la faiblesse relative des inégalités de revenu disponible (après redistribution) en France est bien documenté : selon les données d'Eurostat en 2018, portant sur les revenus 2017, la France apparaît relativement égalitaire, avec un indice de Gini de 0,285 contre 0,308 pour la moyenne de l'Union européenne (l'indice de Gini varie de 0, en situation d'égalité parfaite, à 1, en situation d'inégalité absolue). La situation est en revanche moins claire lorsqu'il s'agit de faire le partage entre ce qui est dû aux écarts de revenu avant redistribution (« inégalités primaires ») et ce qui s'explique par l'ampleur de cette redistribution.

Mettre en regard les niveaux d'inégalités avant et après redistribution entre différents pays suppose de définir un périmètre des revenus et transferts considérés qui permette la meilleure comparabilité possible On considère ici comme des revenus primaires l'ensemble des revenus d'activité superbruts (y compris donc l'ensemble des cotisations sociales, qu'elles soient versées par le travailleur ou l'employeur), les revenus du patrimoine, et certains revenus de remplacement, notamment les retraites, publiques ou privées.

Un niveau d'inégalités primaires plus faible en France que dans la majorité des pays européens

Les inégalités primaires sont moindres en France que dans la majorité des pays européens : avec un indice de Gini de 0,374, elles sont inférieures de 2 % à la médiane européenne et à celles de 19 des 29 autres pays européens analysés, dont plusieurs grands voisins.

Cette bonne performance relative s'explique par d'assez faibles inégalités de revenus d'activité : les revenus entre personnes en emploi sont moins inégalitaires en France que dans de nombreux pays, et l'impact négatif du chômage sur les inégalités est plus que compensé par la moindre part des inactifs dans la population en âge de travailler.

En outre, si les revenus du patrimoine sont partout plus inégalement répartis que les revenus d'activité, la France présente en 2017 les inégalités de revenus du patrimoine les plus faibles d'Europe. Enfin, si l'on se place au niveau des individus, avant mise en ménage, la France renforce sa position égalitaire, avec un indice de Gini inférieur de 6 % à la médiane européenne. Cela s'explique notamment par des inégalités de revenu entre les femmes et les hommes comparativement faibles.

Une redistribution qui réduit davantage les inégalités en France, du fait principalement du volume des prélèvements

La redistribution réduit les inégalités, mesurées par l'indice de Gini, de 25% en France, soit près de 10% de plus qu'en médiane européenne. Ce résultat est obtenu pour moitié par l'effet des prestations sociales en espèces, et pour moitié par les prélèvements obligatoires directs sur les ménages. Il s'explique par des volumes redistribués plus importants dans notre pays, et non par une redistribution plus ciblée. L'ampleur de la redistribution s'explique en effet à la fois par son volume (la part du revenu des ménages qui est prélevée et redistribuée), mais aussi par le « ciblage » des prélèvements (dans quelle mesure touchent-ils tous les niveaux de revenu de la même manière ou davantage les plus aisés) et des prestations (sont-elles versées uniformément ou davantage aux plus modestes ?).

Les prestations sociales sont certes un peu plus ciblées en France (un point de revenu primaire des ménages sous formes de prestations réduit les inégalités de 3,0 % en France contre 2,7 % en médiane), mais leur volume n'est qu'à peine supérieur à la médiane européenne (6,4 points de revenu primaire des ménages en France, au lieu de 6,0 en médiane).

Les prélèvements obligatoires représentent en revanche un volume nettement supérieur en France (37 % du revenu primaire des ménages, pour 34 % en médiane européenne), mais leur ciblage est identique à la médiane européenne, et - comme ailleurs - bien inférieur à celui des prestation (un point de prélèvement direct sur le revenu primaire des ménages réduit les inégalités de 0,5 %).

Une redistribution efficace pour réduire les inégalités, même si des marges de progrès existent

Contrairement à un discours répandu, l'importance des prélèvements et prestations sociales en France ne tradui pas un système inefficient, qui corrigerait les inégalités après coup plutôt que de les réduire à la racine, mais bien un choix collectif de réduire les inégalités davantage que de nombreux pays.

Pour autant, des marges de manoeuvre existent pour améliorer la performance de notre système redistributif : un ciblage accru de certains prélèvements et prestations permettrait de réduire les volumes transférés sans accroître les inégalités, ou de les réduire davantage sans accroître les masses transférées.

Enfin, d'autres instruments, non inclus dans cette analyse comparative - transferts en nature sous forme de services gratuits ou à prix subventionnés (éducation, santé, tarifs sociaux), autres prélèvements obligatoires sur les ménages (TVA, fiscalité environnementale, droits de succession...) - peuvent influer sur les inégalités de revenu, avant comme après redistribution.

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