CNUCED : les prix élevés des denrées alimentaires et la vigueur du dollar américain sont un "double fardeau" pour les pays en développement

CNUCED - Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement - 10/01/2023 10:30:00

Les prix des denrées alimentaires ont atteint des niveaux record en 2022, posant des problèmes de sécurité alimentaire dans le monde entier. C'est le cas en particulier pour les habitants des pays en développement qui importent la majeure partie de leur nourriture.


L'indice publié par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui surveille les prix des principaux produits alimentaires, est resté à des niveaux historiquement élevés en novembre (135,7 points) après avoir atteint un record absolu en mars (159,3 points).

Bien que le monde ait déjà été confronté à des crises alimentaires, les problèmes actuels, déclenchés par la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, sont différents, selon un nouveau rapport de la CNUCED, en raison de l'appréciation du dollar américain.

Lors des crises passées, la valeur du dollar américain chutait alors que les prix des denrées alimentaires augmentaient. Le dollar étant la principale monnaie sur les marchés internationaux, sa dévaluation abaissait le prix final en monnaie locale, montant payé par les consommateurs d'aliments importés, avec un certain soulagement.

Mais le dollar américain est à la hausse cette fois-ci, grimpant de 24 % entre mai 2021 et octobre 2022. La Réserve fédérale a augmenté ses taux d'intérêt pour tenter de juguler l'inflation aux États-Unis.

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Le rapport de la CNUCED indique que la combinaison de prix élevés des denrées alimentaires et d'un dollar fort constitue un "double fardeau" que de nombreuses personnes dans les pays en développement ne peuvent pas supporter, les obligeant à faire des choix encore plus difficiles pour joindre les deux bouts - comme sauter des repas ou retirer un enfant de l'école.

« Pour les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, le marché international est une bouée de sauvetage », indique le rapport. « Le dollar américain étant de plus en plus cher, il devient également plus difficile pour ces pays d'empêcher des millions de personnes de souffrir de la faim."

L'insécurité alimentaire aiguë a triplé en trois ans. Elle concernait 135 millions de personnes avant le COVID-19 et près de 350 millions aujourd'hui, selon la FAO et le Programme alimentaire mondial des Nations unies.

Le prix du blé a plus que doublé
Le rapport utilise l'exemple du blé, céréale la plus répandue dans le monde, pour montrer l'impact des taux de change sur les prix. Il se penche sur six pays importateurs nets de blé : l'Égypte, l'Éthiopie, l'Ile Maurice, le Pakistan, le Pérou et la Thaïlande.

En octobre 2022, le prix moyen du blé était 89 % plus élevé qu'en 2020. Au cours de la même période, le taux de change moyen du dollar américain par rapport aux monnaies nationales dans ces six pays a augmenté entre 10 % et 46 %.

Le rapport montre qu'un dollar américain plus fort a un impact sur le prix final. Lorsque le taux de change est pris en considération, l'augmentation estimée passe de 89 % à une hausse comprise entre 106 % et 176 % selon les pays.

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« Le taux de change est un facteur important dans la hausse de la facture des importations alimentaires, contribuant à l'inflation, à la perte de pouvoir d'achat et à l'insécurité alimentaire », indique le rapport.

Pour l'Égypte, premier importateur mondial de blé en 2020 (13,2 millions de tonnes), importer la même quantité en 2022 coûterait 3 milliards de dollars supplémentaires.

Que faire ?
Le rapport propose des recommandations dans trois domaines, en accord avec les propositions du Groupe mondial d'intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière.

Alléger les contraintes financières
Le rapport recommande des programmes de protection sociale ciblés et durables afin de protéger les ménages vulnérables dans les pays en développement.

Il appelle également à promouvoir d'urgence des solutions multilatérales pour libérer des liquidités et alléger la dette des pays en développement.

Le nouveau guichet « chocs alimentaires » du Fonds monétaire international constitue un bon pas en avant, indique le rapport.

Cette initiative, qui s'inspire largement de la proposition de la FAO relative à une facilité de financement des importations alimentaires, s'adresse aux pays confrontés à des défis urgents liés à la balance des paiements et à la crise alimentaire mondiale.

Mais un soutien plus important et plus rapide est nécessaire de toute urgence, selon le rapport, pour éviter une crise généralisée de la dette.

« Le Groupe mondial d'intervention en cas de crise et la CNUCED appellent les institutions financières internationales à augmenter les liquidités pour les pays en développement et à utiliser les canaux existants pour accroître l'accessibilité de ces ressources à ceux qui en ont besoin », indique le rapport.

Il ajoute : « Un cadre commun du G20, révisé et applicable, est également nécessaire pour permettre une restructuration rapide de la dette des pays qui en ont besoin. »

Garantir le libre-échange et un approvisionnement fiable en nourriture
Pour permettre un approvisionnement stable et sûr en denrées alimentaires à travers le monde, le Groupe mondial d'intervention en cas de crise a exhorté tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à éviter toutes restrictions à l'exportation injustifiées et inutiles et à mettre leurs stocks à la disposition des pays menacés de famine.

Il insiste également sur le fait que « la rationalisation des procédures douanières et des réglementations commerciales peut contribuer à alléger le fardeau en lien avec les exigences de conformité, à réduire les inefficacités et à compenser partiellement les prix élevés ».

Accroître la disponibilité des biens alimentaires aux niveaux national et international
Le rapport préconise un soutien financier et une coopération technique pour aider les pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires à accroître leur production agricole et à réduire leur forte dépendance à l'égard des importations.

Il est également crucial de réintégrer les denrées alimentaires et les engrais ukrainiens et russes sur les marchés mondiaux.

À cette fin, toutes les parties devraient soutenir les deux accords signés à Istanbul, en Turquie, en juillet dernier :

Le protocole d'accord entre les Nations unies et la Fédération de Russie visant à faciliter l'accès sans entrave de leurs exportations de produits alimentaires et d'engrais aux marchés internationaux.
l'initiative sur les céréales de la mer Noire, signée par les Nations unies, la Fédération de Russie, la Turquie et l'Ukraine, qui vise à relancer les exportations ukrainiennes de céréales via la mer Noire pendant la guerre.