Evêque illégitime, Mgr Tu Shihua a été inhumé au très patriotique Cimetière révolutionnaire de Babaoshan, à Pékin

Eglises d'Asie - 13/01/2017 17:00:00


Wang Zuo'an, directeur de l'Administration d'Etat des Affaires religieuses, a prononcé l'éloge funèbre de Mgr Tu. Deuxième Vice-Premier ministre, Mme Liu Yandong, avait fait porter une couronne de fleurs. Mme Sun Chunlan, directrice du Front uni, l'instance qui assure la liaison entre le Parti communiste et les religions officiellement reconnues, avait fait de même. En présence de quatre évêques et de plusieurs prêtres, Mgr Ma Yinglin, évêque illégitime de Kunming (province du Yunnan) et président tout récemment reconduit de la Conférence des évêques « officiels », a administré les derniers rites devant le cercueil de l'évêque défunt. La veille, une messe de requiem avait été célébrée à Nantang, la cathédrale de Pékin, en présence de 500 personnes, prêtres, fidèles et membres de la famille.

Un évêque « officiel » et illégitime

Cité par l'agence Ucanews, un catholique chinois estime que « être inhumé [au Cimetière révolutionnaire de Babaoshan] témoigne du fait que Mgr Tu occupait une place éminente aux yeux du Parti communiste. Il était considéré comme un allié du Parti ». La dernière personnalité catholique à avoir été inhumée à Babaoshan est Mgr Michael Fu Tieshan ; c'était en 2007 et là aussi l'évêque en question, illégitime aux yeux de Rome, était haut placé dans l'appareil d'Etat. Mgr Fu Tieshan était l'un des quinze vice-présidents de l'Assemblée nationale populaire et ses obsèques à Babaoshan avaient été marquées par la présence du président de la République populaire de l'époque, Hu Jintao, ainsi que de celle du Premier ministre Wen Jiabao.


Né le 22 novembre 1919 à Mianyang, dans la province du Hubei (centre du pays), ordonné prêtre en 1944 et devenu évêque de Puqi, au Hubei, en 1959, Mgr Tu Shihua était de fait un personnage très officiel au sein des structures « officielles » de l'Eglise en Chine. Vice-président de l'Association patriotique des catholiques chinois durant vingt-quatre ans, vice-président de la Conférence des évêques « officiels » durant six ans, il avait aussi assumé le poste de « conseiller » de ces deux instances durant douze ans. De 1983 à 1992, il avait également été vice-président du Séminaire national, le grand séminaire où les responsables chinois auraient voulu concentrer l'ensemble des séminaristes du pays.

Ordonné évêque sans mandat pontifical en 1959, Mgr Tu était aussi le dernier survivant des 51 évêques ordonnés entre 1958 et 1963 sans l'accord du pape. On se souvient qu'en 1957 était fondée l'Association patriotique des catholiques chinois, cette instance par laquelle le régime en place cherchait à couper l'Eglise de Chine de ses liens avec Rome et l'Eglise universelle. En 1958 commençait un bras de fer avec le Saint-Siège, Pékin cherchant à imposer des évêques choisis sans mandat pontifical. Le premier d'entre eux fut Mgr Dong Quangqing, pour le diocèse de Hankou, que Rome refusa deux fois de suite avant que Pékin n'impose néanmoins son ordination.

Entendu par une délégation du Saint-Siège en visite à Pékin

Les décennies passant, Mgr Tu Shihua n'était plus présent physiquement dans son diocèse de Puqi. « Depuis 1982, il vivait à Pékin et n'était retourné sur place qu'en 2010, durant un an, avant de regagner la capitale. En 2014, une ordination sacerdotale a eu lieu à Puqi, la première à être menée sur place depuis 1923, mais ce fut Mgr Gan Junqiu, évêque de Canton [reconnu par Rome], qui officia », témoigne un prêtre chinois à l'agence Ucanews.

Lors de la IXe Assemblée nationale des représentants catholiques, qui vient de se tenir fin décembre à Pékin, Mgr Tu Shihua n'était pas présent. Très affaibli par l'âge, cela faisait déjà un certain temps qu'il n'était plus visible. Figurant au nombre des huit évêques illégitimes de la partie « officielle » de l'Eglise en Chine, le nom de Mgr Tu était cependant au centre de toutes les attentions ces derniers temps. Une délégation du Saint-Siège en visite discrète à Pékin dans le cadre des négociations menées entre le Vatican et la Chine populaire depuis deux ans l'avait en effet rencontré l'an dernier. Il s'agissait pour les prélats romains de l'entendre en personne, avant de rendre compte au pape, à charge pour lui de juger de la sincérité de son repentir et de sa demande de réintégration dans la communion de l'Eglise. De fait, le nom de Mgr Tu circulait, ces derniers temps, parmi les noms des quatre évêques illégitimes que le pape François aurait pu pardonner et réintégrer dans l'Eglise catholique. Son décès, ce 4 janvier 2017, ne lui en aura toutefois pas laissé l'opportunité.