RDC : 5 membres du mouvement Filimbi continuent d'être criminalisés

FIDH - Fédération Internationale des ligues des droits de l'homme - 20/06/2018 13:30:00

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, un partenariat de la FIDH et de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d'intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :
L'Observatoire a été informé de la dégradation de l'état de santé en prison de cinq membres du mouvement Filimbi [1], M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de la mobilisation et du déploiement au sein de Filimbi, M. Mino Bompomi, coordonnateur de la cellule de Kinshasa, M. Palmer Kabeya, vice-coordinateur de la cellule de Kinshasa, et MM. Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji.

Selon les informations reçues, le 19 juin 2018, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Palmer Kabeya, Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji comparaitront devant la chambre du conseil du tribunal de paix de Kinshasa Gombé pour examiner l'irrégularité de leur mandat d'arrêt provisoire, expiré depuis le mercredi 13 juin 2018.

Le 9 juin 2018, les cinq défenseurs des droits humains ont été transférés au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK) après avoir été auditionnés une première fois le 8 juin 2018 par le Parquet général de Kinshasa Gombé en présence de leurs avocats. Détenus depuis les 27 et 30 décembre 2017, les cinq membres de Filimbi n'avaient jusqu'alors pas été présentés au parquet et n'avaient pas accès à leurs avocats.

L'Observatoire rappelle que le 1er mai 2018, M. Carbone Beni avait été transféré des locaux de l'Agence nationale de renseignement (ANR) vers la clinique de Ngaliema à la suite de problèmes d'articulation aggravés par ses conditions de détention et où il a subi une opération de l'appendicite.

Les cinq défenseurs sont poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l'État » en lien avec leur participation à une manifestation pacifique appelant la population à adhérer à l'appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) pour la marche du 31 décembre 2017 (voir rappel des faits ci-dessous).

L'Observatoire condamne fermement la détention arbitraire des cinq défenseurs ainsi que leur harcèlement judiciaire, qui ne visent qu'à sanctionner leurs activités de défense des droits civils et politiques en RDC.

Plus généralement, l'Observatoire réitère ses vives inquiétudes quant au contexte général d'intimidations et de répression à l'encontre des défenseurs des droits humains en RDC, notamment ceux membres de mouvements citoyens mobilisés en faveur de la mise en oeuvre de l'Accord politique du 31 décembre 2016 et de l'organisation des élections générales tels que la LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours [2].


Rappel des faits :
Le 23 décembre 2017, M. Palmer Kabeya a été arrêté à Kinshasa alors qu'il promouvait la participation à la marche pacifique du 31 décembre 2017, et conduit immédiatement à la Détection militaire des activités anti patrie (DEMIAP).

Le 30 décembre 2017 à Kinshasa, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji ont été enlevés par des miliciens proches du régime congolais, et conduits à l'Inspection provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN). Ils ont été placés en détention provisoire le même jour pour « atteinte à la sûreté de l'État ».

M. Béni aurait été torturé aux fins d'obtenir de lui des aveux au sujet de son engagement pour la démocratie et le réseau de soutien au mouvement Filimbi.

Ces enlèvements se sont produits alors que ces derniers distribuaient des flyers visant à sensibiliser la population de quartiers populaires de Kinshasa à propos des marches pacifiques programmées pour le lendemain, le 31 décembre 2017, à l'appel du CLC, afin de réclamer l'application intégrale de l'Accord politique du 31 décembre 2016, censé conduire le pays vers des élections présidentielle, législatives et provinciales d'ici la fin 2017.

Le 2 janvier 2018, MM. Carbone Beni et Cédric Kalonji ont été transférés dans les locaux de l'ANR en face de la primature.

Le 28 février 2018, M. Mino Bompomi et M. Grâce Tshiuza, détenus depuis le 30 décembre 2017, ont été transférés des locaux de l'ANR en face de la primature, où ils étaient détenus depuis le 2 janvier 2018, vers le quartier général de l'ANR à Kinshasa.

Le 3 avril 2018, M. Palmer Kabeya a été transféré dans les locaux de l'ANR.


Actions requises :
L'Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l'intégrité physique et psychologique de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

ii. Mener sans délai une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente sur les allégations de mauvais traitements à l'encontre de MM. Carbone Beni Wa Beya et Palmer Kabeya, afin d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et d'appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Libérer immédiatement et inconditionnellement MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l'encontre de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que de l'ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

v. Dans l'attente de ces mesures, garantir le droit à un procès équitable de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

vi. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'Homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et 12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.


***
Paris-Genève, le 19 juin 2018

Merci de bien vouloir informer l'Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L'Observatoire, partenariat de la FIDH et de l'OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l'Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l'OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l'Union européenne pour les défenseurs des droits de l'Homme mis en oeuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l'Observatoire, appeler La Ligne d'Urgence :
*E-mail : Appeals@fidh-omct.org
*Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
Notes

[1] Filimbi est une plateforme qui vise à encourager les jeunes Congolais à accomplir pacifiquement et de manière responsable leurs devoirs civiques. Filimbi fait partie du « Front Citoyen 2016 » qui regroupe des organisations de la société civile comme la Voix des sans voix (VSV), l'Asadho et la Ligue des Électeurs (LE), des mouvements citoyens tels que Filimbi, et des opposants politiques, qui s'opposent à tout changement du cadre légal visant à octroyer à l'actuel Président la possibilité de briguer un troisième mandat et militent pour le respect de la Constitution.

[2] Voir par exemple les Appels urgents de l'Observatoire COD 001 / 0217 / OBS 014 publié le 1er février 2017, COD 004 / 0817 / OBS 085.4 publié le 5 décembre 2017, COD 002 / 0218 / OBS 019 publié le 8 février 2018.