Entretien avec Denis Masseglia Président du CNOSF; le Comité National Olympique et Sportif Français

Jean François Puech Directeur de la Rédaction NEWS Press - 01/02/2019 00:00:00


Denis Masseglia, est président du Comité National Olympique et Sportif français (CNOSF). Réélu en 2017, il a la confiance renouvelée du mouvement sportif. Il évoque avec nous le monde sportif et sa nécessaire transformation à l'heure des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris.


Denis Masseglia, quel parcours du sport vous a mené à la représentation du monde sportif et à la présidence du CNOSF ?
Mon parcours est avant tout associatif. D'abord, je suis un ancien international d'aviron et j'ai pris la direction du Club d'Aviron de Marseille, puis celle de la fédération. Chaque fédération sportive étant membre du CNOSF, je me suis naturellement impliqué au sein du Comité olympique où j'ai gravi les échelons et suis passé successivement de vice-président en charge de la communication et du marketing, domaines essentiels pour le développement du sport, à secrétaire général. Henri Sérandour terminant son mandat, en 2009, je me suis présenté et, sur les quatre candidats en lice, les électeurs m'ont accordé leur suffrage. Je crois que mon parcours au sein du Comté olympique et mon identité associative ont oeuvré pour la carte de l'attachement et de la connaissance des dossiers.

Quelle est l'histoire du CNOSF ?
Le CNOSF provient de la fusion en 1973 du Comité national olympique représentant l'olympisme et les fédérations et du Comité national des sports, qui au fil du temps avait plus pour vocation de gérer les relations avec l'État. Le CNOSF comprend toutes les fédérations sportives, celles qui sont olympiques et les autres. Le Comité national olympique en lui-même date du Baron Pierre de Coubertin et remonte à plus d'un siècle ; c'était en 1894.
Les missions du CNOSF ont deux sources. La première est celle du Comité international olympique (CIO) qui a donné mandat au CNOSF pour représenter ses intérêts sur le territoire français, y promouvoir l'olympisme, signer l'acte de candidature pour les Jeux Olympiques et y engager l'équipe olympique française. La seconde source est celle de la loi française. Ainsi, le CNOSF est le représentant du sport français devant la loi ; il représente donc tous les clubs et fédérations vis-à-vis des pouvoirs publics.

Comment le CNOSF, pierre angulaire du monde sportif, fait-il la synthèse entre tous ses intervenants, y compris avec le COJO, Comité d'organisation des Jeux olympiques ?
Sur le plan international, toute relation avec le CIO passe par le CNOSF qui est son représentant direct en matière nationale. Chaque fédération dispose d'un lien spécifique avec le ministère des sports et les autres partenaires publics mais, s'agissant des sujets d'intérêt général (comme la perspective de l'emploi, les relations éducation-santé, les Jeux Olympiques, etc), le CNOSF est la structure qui porte la démarche collective au nom de tous.
Quant au COJO, structure créée pour les Jeux de 2024 et jusqu'à cette date, il est en charge de l'organisation des JO. Son rôle est aussi de construire dès à présent l'héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en y associant tous les acteurs. Le CNOSF épaule le COJO dans la réalisation de la célébration des JO, dans la co-construction de l'héritage et dans la réflexion sur la place du sport dans la société française de demain. Si le CNOSF garde toutes ses missions qui font son quotidien - relations internationales, vocation juridique du sport, service aux membres - elle laisse un élément important, qui est le marketing, car selon le souhait du CIO, le COJO doit être le seul à pouvoir utiliser la symbolique olympique et à pouvoir s'associer à des partenaires privés.
Pour vous, la création récente de l'Agence Nationale du Sport (ANS) est une révolution. Pourquoi ?
Jusqu'à maintenant, l'Etat décidait de tout, le mouvement sportif ayant un rôle d'exécutant et les collectivités territoriales une implication simplement volontariste, bien qu'elles financent davantage le monde du sport que l'Etat. Ce qui fait le fondement du monde sportif de demain, c'est un concept de gouvernance partagée et de co-construction, l'État acceptant de partager le pouvoir décisionnaire avec d'autres dont les actions seront, de ce fait, plus responsabilisées, avec une plus grande capacité à entreprendre et un partage de décisions pour le monde sportif en général. C'est une clarification en termes de moyens.

Il existe deux bras armés pour renforcer le monde sportif : le haut niveau et le développement des pratiques. Pour le premier, il s'agit de disposer d'une cellule de haute performance qui accompagnera, conseillera et évaluera les fédérations ; la vue d'ensemble sur ce sujet sera plus précise avec un développement des capacités à aller chercher des médailles. Et pour cela, redoubler d'exigence pour gagner, ce qui fait la différence entre une place de finaliste et une médaille, ou encore mieux : pour passer de l'argent et du bronze à l'or. Quant au second bras armé, nous sommes partis d'un constat sur le développement de la pratique du sport : une centralisation excessive des moyens d'action au sein d'un établissement de l'État, le CNDS. Or aujourd'hui, tout ce qui peut être placé sous la responsabilité des fédérations sera identifié et transféré à l'ANS et à juste titre, elles connaissent bien mieux que personne les nécessités et les enjeux, de la pratique sportive dans leurs disciplines. En contrepartie les fédérations devront avoir un projet et d'une feuille de route pour le développement de la pratique de leur discipline construit avec les clubs. Elles seront responsabilisées pour la répartition des moyens publics liés au développement des pratiques à destination des structures déconcentrées (clubs, ligues régionales, comités départementaux) et, de ce fait, le lien entre les clubs sportifs et les fédérations sera renforcé.

Avec la création de l'ANS, le monde sportif sort d'une relation de tutelle avec l'État. On aboutit à un contexte plus responsabilisant et créateur de potentiels. Au total, l'ANS aura une représentation quadripartite : 30% des représentants proviendront à parts égales respectivement au Mouvement sportif, à l'État et aux collectivités locales, et 10% aux entreprises.

Cela signifie-t-il aussi un changement au niveau des moyens ?
Incontestablement, il y a un changement de dimension. Avec un budget de 365 millions d'euros, c'est un signal déterminant pour le sport français.

Quelles sont les relations avec l'Etat et quel sera, à l'avenir, le partage des tâches ?
Le CNOSF doit démontrer que la gouvernance partagée est la solution de demain. Au niveau international, nous sommes suivis avec intérêt car notre modèle pourrait être repris par d'autres pays. L'Etat doit se recentrer sur le sport et sur les relations avec les fédérations dans ses missions régaliennes de contrôle et de représentativité. De plus, son rôle doit évoluer concernant la place du sport dans la société française. Ainsi, la mission du ministère des sports sera plus transversale dans ses relations avec les autres ministères concernés et il devra faire en sorte que les politiques publiques liées au sport, comme la santé et l'éducation, soient suffisamment marquées pour que les autres ministères veuillent s'appuyer sur lui afin de développer leurs propres actions.
Quel est le rôle du CNOSF à l'international, et plus spécifiquement au niveau européen et francophone ?
Le CNOSF travaille aux côtés du COJO pour que les expériences acquises lors des précédents JO soient transmises au COJO et aux autres CNO, au nombre de 206 dans le monde, dans l'attente des prestations du COJO pour Paris 2024.
Nous disposons aussi d'un parcours d'ambition internationale qui vise à la préparation des dirigeants, des athlètes, et des acteurs sportifs de notre pays en général, en vue de participer au concert des fédérations internationales passant notamment par une meilleure connaissance du dispositif. C'est un enjeu de représentativité du mouvement sportif français dans les instances internationales.
Sur le plan sportif, l'Europe est entendue de façon géographiquement plus large que l'Europe politique. Le Comité olympique européen représente les 50 comités olympiques situés sur le territoire continental, sous le couvert du CIO. Un grand nombre de fédérations européennes sont représentées par des français à des postes de responsabilité. Il en est ainsi de Jean-Michel Brun, élu au sein du Comité olympique européen, qui est aussi secrétaire général du Comité olympique français en charge des relations avec l'Union européenne.
Les relations avec les CNO de la francophonie entrent dans un cadre différent. Pendant des années, il existait entre les CNO francophones des relations tacites que j'ai souhaitées officialiser à mon arrivée à la présidence du CNOSF. C'est pourquoi j'ai impulsé la création, en 2010 à Paris, de l'association francophone des CNO. L'OIF (organisation internationale de la francophonie) est très présente et permet notamment le financement de stages des entraîneurs francophones. Les prochains jeux de la francophonie sont aujourd'hui sous la responsabilité de l'OIF et sont des jeux d'Etats et qui contribuent à la formation de nos valeurs.

La réforme du monde sportif entre dans le cadre du slogan « Mieux faire ensemble » avec l'objectif de rapprocher l'action publique - Etat et collectivités territoriales - des acteurs privés - mouvements sportifs et monde économique. Il est nécessaire de construire pour l'intérêt général avec un moteur : travailler en commun pour faire mieux ensemble.

Entretien avec Jean-François Puech Directeur de la Rédaction de NewsPress
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