L'INRAE dévoile les secrets du rosé

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement - 09/08/2022 14:15:00

Couleur rosé
C'est l'été, les vacances, le temps d'un pique-nique, d'un apéritif... et cela rime facilement avec un petit verre de rosé entre amis. C'est en effet à la belle saison que nous consommons le plus de vins rosés. Nés en France, ayant pris leur essor à partir de la Provence, ces vins ont conquis le monde et sont désormais consommés et produits dans de nombreux pays. La couleur de leur robe est souvent ce qui déclenche le coup de coeur et l'acte d'achat. Percer les secrets de son élaboration et de sa stabilité est donc un enjeu important pour les producteurs. Le point sur les travaux menés par des scientifiques d'INRAE, en collaboration avec le Centre du Rosé.


Depuis une vingtaine d'années, la consommation de rosé se développe dans le monde (+ 20 %), à rebours de la baisse constatée pour la consommation de vins pris dans leur ensemble. La France est le pays qui en consomme le plus (35 %), suivie des États-Unis (15 %) et de l'Allemagne (7 %, chiffres FranceAgriMer 2019*). Et de nouveaux pays, comme la Chine, commencent à les apprécier. Sur le podium des producteurs, la France est suivie de l'Espagne et des États-Unis.

Comment le rosé nous séduit-il ?

Tout d'abord par sa couleur, présentée en bouteille incolore pour que nous puissions la jauger d'emblée. Robe sable, pêche, saumon, abricot... en analysant 268 vins, provenant du monde entier, les scientifiques d'INRAE ont fait le lien entre leur couleur et la teneur et la nature des composés phénoliques présents dans chacun d'entre eux (en savoir plus). La tendance actuelle serait aux robes claires, caractéristiques des rosés de Provence. Une pâleur que, dans notre inconscient, nous associons volontiers à un vin léger, fruité... bien qu'en réalité il n'y ait pas toujours de corrélation.

Qu'est-ce qui fait la couleur d'un rosé ?


Un vin rosé n'est pas un mélange de blanc et de rouge, il résulte d'une élaboration particulière**. Première étape, la macération des moûts : les baies (grains) de raisins, préalablement écrasés pour en libérer le jus, macèrent avec leurs pellicules (peaux) qui contiennent les pigments. Pour un blanc, on évite cette étape ou on utilise des raisins blancs. Pour un rouge, la macération se prolonge lors de la fermentation qui peut durer plusieurs semaines, permettant d'extraire toute la couleur des pellicules. Pour un rosé, l'étape de macération dure seulement quelques heures. S'ensuit la fermentation des moûts, l'étape au cours de laquelle des levures transforment le sucre des raisins en alcool avant de mourir et être décantées. Suivent des étapes de conservation qui ont pour but de stabiliser le vin contre, par exemple, l'oxydation (au contact de l'oxygène) dommageable à la couleur et aux arômes du vin. Des adjuvants sont souvent employés pour garantir une meilleure conservation (sulfites, agents de collage). La tendance actuelle est de privilégier des méthodes d'élaboration s'affranchissant au maximum de ce type d'apport, qui ont la préférence des consommateurs. C'est pourquoi, mieux maîtriser les déterminants de la couleur et de sa conservation sont des enjeux importants pour la filière oenologique.

En s'appuyant sur le travail d'une thèse soutenue en juillet 2022 par Cécile Leborgne, les scientifiques de l'unité Science pour l'oenologie, en partenariat avec le Centre du Rosé et l'Institut Français de la Vigne et du Vin , ont poursuivi le décryptage de ces mécanismes. En effet, depuis de nombreuses années, le Centre du Rosé et la Provence jouent un rôle de premier plan dans l'évolution qualitative des vins rosés. Ils sont très investis dans la compréhension des phénomènes impliqués dans la genèse des marqueurs de qualité des vins rosés.

Que nous apprennent leurs travaux ?


Le rôle des pigments de raisin : Les rosés clairs, moyens et foncés ont chacun une composition très spécifique : on ne fait pas un rosé clair en diluant un rosé foncé ! Les pigments rouges (famille des anthocyanes) et jaunes (flavanols) de la baie de raisin modulent l'intensité de la couleur. Les pigments bruns formés par oxydation déterminent les nuances chromatiques, du rose à l'orange ou à l'ocre.
Le rôle des cépages : Les cépages et les proportions de leur assemblage jouent un rôle clé. Trois cépages très représentatifs des vins rosés dans le monde ont été étudiés : syrah, grenache et cinsault. Les jus sont plus colorés lorsque le temps de macération augmente. Le jus de syrah conserve sa couleur rouge tout au long du processus grâce à la formation de nouveaux pigments plus colorés. Lors de la fermentation des jus de grenache ou cinsault, certains de leurs pigments adhèrent aux levures, qui sont décantées à la fin du processus et les emportent avec elles. On obtient donc des vins plus clairs. Mais pigments de grenache et pigments de cinsault ne sont pas tous du même tonneau ! Ceux de cinsault sont des pigments polymériques qui n'adhèrent qu'en partie aux levures. Ils restent difficiles à analyser pour les chercheurs.
Le rôle de la fermentation : Une étape clé dans la perte de couleur est donc celle de la fermentation alcoolique. En plus d'accrocher certains pigments, les levures à l'oeuvre lors de cette étape produisent des métabolites qui réagissent avec certains pigments du raisin. C'est ce qui se produit pour la syrah et forme d'autres pigments plus colorés. Ceci explique le maintien d'une couleur plus soutenue pour ce cépage.
Et la température ? Dans les conditions habituelles de vinification (à des températures comprises entre 12 et 20 °C), la température n'influe pas sur la couleur.

L'apport de sulfites ou d'agents de collage diminue l'intensité de la couleur.


Et la suite ?
Les levures jouent un rôle important mais beaucoup reste encore à apprendre. Au cours de ces travaux, deux souches standard, largement commercialisées, ont été utilisées. Or il existe plus de 350 souches commerciales en France et de multiples populations de levures naturellement présentes sur les baies de raisin. À Montpellier, une importante collection de ces ferments (levures) est réunie : elle comporte près de 2 000 références. En savoir plus >

Il reste également beaucoup de choses à apprendre sur la composition en macromolécules des vins : les composés phénoliques n'ont pas livré tous leurs secrets. Les approches analytiques développées par la Plateforme d'analyse p olyphénols (PFP) ont pour objectif de les dévoiler


UN PROTOCOLE DE MICROVINIFICATION POUR TESTER LES VARIETES RESISTANTES AUX MALADIES

Le protocole de microvinification mis en oeuvre au cours de cette thèse va pouvoir être utilisé par l'IFV-Centre du Rosé pour évaluer le potentiel de nouvelles variétés de raisins (adaptées au réchauffement climatique ou résistantes à certaines maladies) à produire des rosés dont la couleur et les arômes seront appréciés par les consommateurs.


* Source https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/202105-observ_mondial_rose_synthese_cle06f11f.pdf

** Il n'existe pas de définition universelle d'un vin rosé. En France, aucun cahier des charges n'autorise l'élaboration d'un rosé à partir de vins rouges coupés avec du blanc. Tous les rosés produits sont des rosés de macération. Des pratiques de coupage entre blancs et rouge sont néanmoins admises en Champagne et dans d'autres pays.