Ukraine : l'ONU veut envoyer des enquêteurs à Izioum après la découverte d'une fosse commune

ONU - ORGANISATION DES NATIONS UNIES - 20/09/2022 11:05:00


Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH) souhaite envoyer « sous peu » une équipe à Izioum en Ukraine, récemment libérée des occupants russes, pour vérifier les allégations des autorités ukrainiennes évoquant une fosse commune.

Des observateurs « envisagent de se rendre sur place pour déterminer plus précisément ce qui s'est passé », dans la ville d'Izioum (région de Kharkiv), a dit Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme lors d'un point de presse à Genève.

Il s'agit de vérifier les informations selon lesquelles plus de 400 cadavres auraient été découverts après le retrait de l'armée russe à la suite d'une contre-offensive ukrainienne.

« Nos collègues en Ukraine, de la Mission de surveillance des droits de l'Homme en Ukraine, suivent ces allégations », a ajouté Mme Throssell. La Mission entend organiser une visite à Izioum « pour déterminer les circonstances de la mort de ces personnes retrouvées dans cette ville », a indiqué la porte-parole du Haut-Commissariat.

Déterminer si les victimes étaient des militaires ou des civils
Pour l'ONU, toute allégation est à prendre au sérieux. « C'est pourquoi il est important que les circonstances de la mort des personnes qui pourraient se trouver dans ces tombes collectives soient établies », a-t-elle dit.

Parmi les principales informations que la mission cherchera à recueillir figure le fait de savoir si les victimes étaient des militaires ou des civils. Il s'agit également de déterminer si elles ont été tuées, si elles sont mortes pendant les hostilités ou si elles sont décédées de causes naturelles résultant également d'un manque de soins médicaux, a précisé Mme Throssell.

Le HCDH a indiqué que le plan de la mission ne se limiterait pas à la visite d'Izioum, mais qu'elle se rendrait également dans d'autres régions de l'est du pays qui ont été reprises par l'armée ukrainienne au cours des deux dernières semaines afin de vérifier la situation des droits de l'homme sur place.

A noter que la Mission de surveillance du HCDH a mené une mission similaire à Boutcha, une ville située au nord de Kyïv, où des combats ont eu lieu et où l'on a signalé de graves abus commis par les troupes russes à l'encontre des civils, notamment lors de leur retraite fin mars, après laquelle des fosses communes auraient été découvertes.

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Ukraine : l'ONU signale de multiples violations des droits humains dans les territoires contrôlés par la Russie

La Sous-Secrétaire générale des Nations Unies aux droits de l'homme Ilze Brands Kehris a évoqué ce mercredi devant le Conseil de sécurité de nombreuses violations dans les territoires contrôlés par la Fédération de Russie en Ukraine.

Elle a notamment rapporté des « allégations crédibles » selon lesquelles des enfants ukrainiens seraient « déplacés de force » dans des zones contrôlées par la Russie. La haute responsable s'est inquiétée que la Russie ait simplifié les procédures pour accorder à ces enfants la citoyenneté russe et pour leur adoption par des couples russes.

Or « en vertu de l'article 50 de la quatrième convention de Genève, il est interdit à la Fédération de Russie de modifier le statut personnel de ces enfants, y compris leur nationalité », a insisté Ilze Brands Kehris.

Après plus de six mois d'invasion russe, environ 7 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur de l'Ukraine ; des millions d'autres ont cherché refuge en dehors du pays. Les hostilités, notamment la destruction à grande échelle d'infrastructures civiles essentielles et de logements, ont contraint de nombreuses personnes à fuir leur foyer.

« Les violations des droits de l'homme dans les territoires occupés par la Fédération de Russie ou contrôlés par des groupes armés affiliés ont également poussé les gens à fuir », a observé la haute responsable. Dans de telles conditions, les personnes fuyant le danger se sont souvent senties obligées d'évacuer « dans n'importe quelle direction possible, sans tenir compte de leurs préférences ».

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a documenté un nombre important de cas de civils déplacés vers la Fédération de Russie, « y compris une douzaine de cas où des membres des forces armées russes et des groupes armés affiliés ont ordonné aux civils de Marioupol de quitter leurs maisons ou leurs abris, avant de les emmener dans un territoire ukrainien sous leur contrôle ou vers la Fédération de Russie ».

Une fois déplacés sur le territoire de la Fédération de Russie, dans les cas documentés par le HCDH, « les civils ont bénéficié de leur liberté de mouvement ». De nombreux Ukrainiens ont choisi soit de poursuivre leur voyage vers d'autres pays, soit de rentrer en Ukraine. « Cependant, ceux ayant choisi de rentrer en Ukraine n'ont pas reçu de ressources financières ou d'autres formes de soutien pour le faire », a déploré la Sous-Secrétaire générale.

Pour ceux emmenés dans des régions reculées de Russie, « le coût du retour peut être particulièrement prohibitif ». Le HCDH note que dans les situations où des personnes ont reçu l'ordre de la puissance occupante d'évacuer pour leur propre sécurité, ou pour des raisons militaires impératives, celles souhaitant rentrer doivent être ramenées chez elles dès que les hostilités ont cessé.

Le procédé dit de « filtrage » critiqué par le HCDH
Le Haut-Commissariat a pu confirmer que les forces armées russes et les groupes armés affiliés soumettaient les civils à la méthode dite du « filtrage », soit un système de contrôles de sécurité et de collecte de données personnelles.

Selon Mme Brands Kehris, les personnes soumises à ce « filtrage » sont celles quittant les zones d'hostilités en cours ou récentes, et celles résidant ou se déplaçant à l'intérieur du territoire ukrainien contrôlé par la Russie.

Bien que les contrôles de sécurité ne soient pas interdits par le droit international humanitaire, l'ONU s'inquiète que ces contrôles, et les détentions qui peuvent s'ensuivre, se déroulent « en dehors de tout cadre légal » et « ne respectent pas les principes de nécessité et de proportionnalité ».

Selon des « rapports crédibles » reçus par le HCDH, cette pratique a entraîné de nombreuses violations des droits de l'homme, notamment des droits à la liberté, à la sécurité de la personne et à la vie privée, toujours selon Mme Brands Kehris.

« Actes de torture », « mauvais traitements » et « disparitions forcées »
Dans des cas documentés par le HCDH, les forces armées russes et les groupes armés affiliés ont soumis des personnes à « des fouilles corporelles, parfois avec une nudité forcée, et à des interrogatoires détaillés sur le passé personnel, les liens familiaux, les opinions politiques et les allégeances de l'individu concerné ». Ils ont examiné « les effets personnels, y compris les téléphones portables, et ont recueilli des données d'identité personnelles, des photos et des empreintes digitales », a poursuivi la Sous-Secrétaire générale aux droits de l'homme.

Dans certains cas, les personnes en attente de « filtrage » ont passé des nuits dans des véhicules, ou dans des locaux non équipés et surpeuplés, parfois sans accès adéquat à la nourriture, à l'eau et aux installations sanitaires.

L'ONU est particulièrement préoccupée par le fait que les femmes et les filles risquent d'être victimes d'abus sexuels pendant les procédures de « filtrage » : le HCDH a notamment recueilli des informations selon lesquelles des hommes et des femmes perçus comme ayant des liens avec les forces armées ukrainiennes ou les institutions de l'État, ou comme ayant des opinions pro-ukrainiennes ou anti-russes, avaient été soumis à des « détentions arbitraires », des « actes de torture », des « mauvais traitements » et des « disparitions forcées ».

« Ils ont été transférés dans des colonies pénitentiaires, dont la désormais tristement célèbre colonie pénitentiaire située près d'Olenivka, et dans des centres de détention provisoire, où ils ont été interrogés et parfois torturés pour leur extorquer des "aveux" sur leur coopération active avec le gouvernement ukrainien », a déclaré Mme Brands Kehris aux membres du Conseil de sécurité.

Certains détenus ont été libérés au bout d'un ou deux mois mais d'autres sont toujours détenus à ce jour, « sans que leurs familles soient informées, ou très peu, de leur localisation et de leur sort ». Le Haut-Commissariat a cherché sans succès à avoir accès aux personnes détenues après avoir échoué au « filtrage ». Le Bureau des droits de l'homme n'a pas été autorisé à rencontrer ces personnes et craint qu'elles ne soient soumises à la torture ou à des mauvais traitements pendant leur détention au secret.

Plus de 7 millions de réfugiés ukrainiens en Europe
S'exprimant aussi devant le Conseil, la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, a déclaré que durant les quinze derniers jours, au moins 104 civils étaient morts dont 10 enfants et qu'au moins 253 civils blesés dont 25 enfants étaient blessés, portant le nombre total de victimes civiles à 13.917. Il ne s'agit de chiffres authentifiés, « les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés », a appuyé Mme DiCarlo.

Le nombre actuel de réfugiés ukrainiens recensés à travers l'Europe a dépassé les 7 millions, contre 6,7 millions il y a seulement deux semaines. Les femmes ukrainiennes, qui constituent la moitié de ces réfugiés, continuent de faire face à des risques de sécurité considérablement accrus, notamment la violence sexuelle et sexiste, la traite, l'exploitation et les abus. Des milliers de personnes dans les zones touchées par le conflit dans la région de Donetsk, et plus particulièrement dans la ville de Marioupol, n'ont pas accès à l'eau courante, augmentant le risque de maladies transmissibles.

« Tous ces chiffres et ces faits, bien que choquants, ne peuvent rendre compte de l'ampleur de la tragédie », a observé la Secrétaire générale adjointe.


L'ONU toujours mobilisée
Rosemary DiCarlo a assuré que l'ONU continuait de se mobiliser pour faire face à l'impact massif de la guerre sur les civils.

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé une évaluation des conséquences de la guerre sur les conditions de vie, la santé, l'accès à l'éducation, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, le statut social, ainsi que sur les niveaux globaux de pauvreté et de développement humain. Les résultats devraient être disponibles en décembre 2022.

Face à l'augmentation rapide des besoins humanitaires, la réponse de l'ONU s'est élargie et touche désormais 12,7 millions de personnes avec diverses formes d'assistance.

Plus de 560 organisations humanitaires - dont plus de 60% sont des ONG nationales - opèrent désormais dans tout le pays. « Cela complète pleinement le travail incroyable que des milliers de volontaires ukrainiens accomplissent dans leur pays », a ajouté la haute responsable.

La mission pour établir les faits survenus dans la prison d'Olenivka en route « dans les prochains jours »
Mme DiCarlo a aussi tenu à réaffirmer que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine devaient avoir un accès sans entrave à toutes les personnes détenues dans le cadre de la guerre en cours.

Se félicitant de l'engagement continu des parties à convenir d'échanges de prisonniers (vendredi dernier encore, 14 prisonniers ont été échangés dans la région de Donetsk), Mme DiCarlo s'est en revanche inquiétée des « allégations persistantes de déplacements forcés, de déportations et des nommés « camps de filtrage » gérés par la Russie et les forces locales affiliées.

La mission d'établissement des faits dans la prison d'Olenivka doit se déployer dans les prochains jours pour enquêter sur l'incident du 29 juillet ayant entraîné la mort de 53 prisonniers de guerre ukrainiens.

Le chef de la mission, le lieutenant-général (retraité) Carlos Alberto dos Santos Cruz, sera accompagné d'une équipe expérimentée de hauts fonctionnaires et d'experts.

« La mission doit pouvoir mener son travail sans aucune interférence et avoir un accès sûr, sécurisé et sans entrave aux personnes, aux lieux et aux preuves. Je tiens à remercier l'Ukraine et la Russie pour leur approche constructive qui a permis de préparer la mission. Nous comptons sur leur soutien continu », a-t-elle insisté.