Afghanistan : l'interdiction de l'accès à l'université est "un nouveau coup épouvantable porté aux droits des femmes" VIDEO

ONU - ORGANISATION DES NATIONS UNIES - 27/12/2022 13:15:00

Les nouvelles restrictions étendues à l'éducation des femmes en Afghanistan sont « un nouveau coup épouvantable et cruel porté aux droits des femmes », a dénoncé mercredi le Chef des droits de l'homme de l'ONU.

« La décision rapportée par les autorités de facto en Afghanistan d'interdire aux femmes d'aller à l'université est un nouveau coup épouvantable et cruel porté aux droits des femmes et des filles afghanes », a fustigé dans un communiqué Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, relevant qu'il s'agit d'un « revers profondément regrettable pour le pays tout entier ».

Selon le Haut-Commissaire, cette suspension constitue une violation flagrante des obligations de l'Afghanistan en vertu du droit international. « Le droit des femmes et des filles à accéder à tous les niveaux d'éducation sans discrimination est fondamental et incontestable », a-t-il dit.

Les autorités talibanes ont annoncé mardi que les universités afghanes étaient désormais interdites aux filles, déjà privées d'enseignement secondaire en Afghanistan depuis l'accession au pouvoir des islamistes.

Une exclusion systématique sans équivalent dans le monde
Le Chef des droits de l'homme appelle donc les autorités afghanes de facto à revenir immédiatement sur cette décision et à respecter et faciliter pleinement le droit des femmes et des filles à accéder à l'éducation à tous les niveaux. « Pour leur bien et pour le bien de l'ensemble de la société afghane ».

Plus largement, « l'exclusion systématique » des femmes et des filles de pratiquement tous les aspects de la vie, « est sans équivalent dans le monde ». « En plus de l'interdiction faite aux filles de fréquenter l'école secondaire, il suffit de penser à toutes les femmes médecins, avocates et enseignantes qui ont été, et qui seront, perdues pour le développement du pays », a regretté M. Türk.

ONU-Femmes, dans un communiqué, s'est insurgé contre « cette décision consternante et à courte vue ». « Les femmes ont toujours joué un rôle clé dans le développement de l'Afghanistan et dans le soutien à sa paix, sa sécurité et sa résilience, a déclaré Sima Bahous, Directrice exècutive d'ONU-Femmes. Face à des défis incroyables, les femmes afghanes ont continué d'aller à l'université. Ces institutions étaient parmi les derniers endroits où elles pouvaient se réunir et continuer à apprendre. Mettre fin à l'enseignement supérieur des femmes, c'est ignorer leurs contributions historiques et les couper de leur potentiel futur autant que du potentiel de leur pays»

Le chef de l'ONU « alarmé » par l'interdiction d'accéder à l'université pour les femmes
De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit mardi « profondément alarmé » par l'interdiction faite par les talibans aux femmes d'aller à l'université en Afghanistan et les a exhortés à « assurer l'égalité d'accès à l'éducation à tous les niveaux », a déclaré mardi son porte-parole.

« Un impact dévastateur sur l'avenir du pays »
« Le Secrétaire général réitère que le refus de l'éducation non seulement viole l'égalité des droits pour les femmes et les filles, mais aura un impact dévastateur sur l'avenir du pays », a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric dans un communiqué. Il exhorte les autorités de facto à garantir l'égalité d'accès des femmes et des filles à l'éducation à tous les niveaux.

Hier déjà, la Représentante spéciale de l'ONU pour l'Afghanistan avait qualifié cette décision de « préjudiciable » aux femmes, mais aussi à l'Afghanistan dans son ensemble. « Je suis très attristée par la nouvelle largement diffusée ce matin selon laquelle le ministre taliban de l'enseignement supérieur a interdit aux femmes de fréquenter les universités », a dit dans un communiqué Roza Otunbayeva, cheffe de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA).

Après l'interdiction de l'enseignement secondaire aux filles en mars dernier, « une autre décision sévère a été prise pour interdire l'enseignement universitaire ». « Je regrette que les talibans ne semblent pas penser à l'avenir de l'Afghanistan et à la manière dont les femmes peuvent contribuer à l'économie, à l'éducation et à la culture », a conclu Mme Otunbayeva.

Photo : Malala Yousafzai with Antonion Gutteres
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Afghanistan : l'ONU dénonce la décision des Talibans d'obliger les femmes à se couvrir le visage en public

La MANUA a déclaré être profondément préoccupée samedi par l'annonce faite par les autorités de facto talibanes selon laquelle « toutes les femmes doivent se couvrir le visage en public, qu'elles ne doivent sortir de chez elles qu'en cas de nécessité et que les violations de cette directive entraîneront le châtiment de leurs parents masculins ».

« Cette décision contredit les nombreuses assurances concernant le respect et la protection des droits fondamentaux de tous les Afghans, y compris ceux des femmes et des filles, qui avaient été données à la communauté internationale par les représentants des Talibans au cours de discussions et de négociations », a déploré la Mission d'assistance de l'ONU en Afghanistan dans un communiqué.

La MANUA a souligné que ces assurances avaient été réitérées après la prise du pouvoir par les Talibans en août 2021, selon lesquelles les femmes se verraient accorder leurs droits, que ce soit dans le travail, l'éducation ou la société en général.

Les droits des femmes dans le collimateur, une fois de plus
Selon les informations reçues par la Mission, il s'agirait « d'une directive officielle plutôt que d'une recommandation, qui sera mise en oeuvre et appliquée ».

La communauté internationale a été avide de signaux indiquant que les Talibans étaient prêts à établir des relations positives avec le reste du monde.

La décision prise il y a six semaines de reporter la scolarisation secondaire des filles afghanes a été largement condamnée au niveau international, régional et local, a rappelé la MANUA.

« La décision prise aujourd'hui par les Talibans risque de mettre davantage à mal l'engagement avec la communauté internationale », a averti la Mission onusienne.

Demande de clarification
La MANUA a affirmé qu'elle allait demander « immédiatement » à rencontrer les autorités de facto des Talibans « pour obtenir des éclaircissements sur le statut de cette décision ».

Elle compte également « engager des consultations avec les membres de la communauté internationale concernant ses implications ».


Afghanistan : l'ONU dénonce la décision des Talibans de prolonger l'interdiction de la scolarisation des filles


Les Nations Unies ont regretté, mercredi, l'espoir brisé des filles à nouveau privées d'école, après la décision des Talibans d'ordonner la fermeture des collèges et lycées pour les filles en Afghanistan, quelques heures seulement après leur réouverture.

Des dizaines de milliers de filles afghanes devaient retourner, ce mercredi, dans les collèges et les lycées. Au dernier moment, elles ont été empêchées d'y entrer.

A la suite de cette volte-face, le Secrétaire général de l'ONU et la Mission des Nations Unies en Afghanistan ont déploré l'annonce faite aujourd'hui par les Talibans de prolonger leur interdiction indéfinie de permettre aux filles au-delà de l'âge de 12 ans de retourner à l'école.

« Le fait que les autorités de facto n'aient pas rouvert les écoles pour les filles au-delà de la sixième année, malgré des engagements répétés, est une profonde déception et un grave préjudice pour l'Afghanistan », a déclaré António Guterres.

« Le début de la nouvelle année scolaire était attendu par tous les élèves, filles et garçons, ainsi que par les parents et les familles » a regretté le chef de l'ONU.

La communauté internationale a fait du droit à l'éducation pour tous, une des conditions des négociations sur l'aide et la reconnaissance des autorités de facto de Kaboul. La Représentante spéciale de l'ONU pour l'Afghanistan, Deborah Lyons, a qualifié d'« inquiétantes » les informations faisant état de la fermeture des écoles.

« Si c'est vrai, quelle pourrait en être la raison ? », s'est-elle interrogée sur Twitter.

« Un revers majeur - pour les filles et leur avenir »
De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a fait part de sa profonde inquiétude aux Talibans et a souligné l'urgence d'ouvrir des écoles pour tous les enfants.

« Nous voulons que tous les enfants afghans soient scolarisés et acquièrent les compétences dont ils ont besoin pour leur avenir », a déclaré dans un tweet, le Directeur régional de l'UNICEF pour l'Asie du Sud, George Laryea-Adjei.

« Lorsque je me suis réveillé ce matin, j'avais l'espoir que chaque fille et chaque garçon en #Afghanistan aurait la possibilité d'aller à l'école », a-t-il ajouté relevant sa profonde inquiétude sur le fait que des filles de la 7e à la 12e année ne puissent pas retourner à l'école. Pour l'agence onusienne, cette nouvelle constitue « un revers majeur - pour les filles et leur avenir ».

Le ministère afghan de l'Éducation avait pourtant annoncé la reprise des cours ce mercredi pour les filles dans plusieurs provinces, sauf celles de Kandahar, ville du sud, qui devait rouvrir le mois prochain.

Selon les médias, les nouvelles autorités de Kaboul avaient insisté sur le fait qu'ils voulaient prendre le temps afin de s'assurer que les filles âgées de 12 à 19 ans seraient bien séparées des garçons et que les établissements fonctionneraient selon les « principes islamiques ».

UNICEF/Sayed Bidel Des filles à l'école à Herat, en Afghanistan.

L'enthousiasme douché des filles afghanes
Le déni de l'accès à l'éducation viole les droits fondamentaux des femmes et des filles et les expose davantage à la violence, à la pauvreté et à l'exploitation

A ce sujet, le bureau de l'UNICEF en Asie du Sud indique avoir fait tout son possible pour que l'éducation devienne une réalité pour tous les enfants afghans.

« J'ai pu constater de visu la passion des enfants pour l'apprentissage lors de mes voyages en Afghanistan. Pas plus tard que la semaine dernière, plus de 65.000 jeunes nous ont dit par le biais d'un sondage que les enfants sont enthousiastes à l'idée de la réouverture des écoles », a conclu le Directeur du bureau régional de l'UNICEF.

« Le non-respect des engagements relatifs à la réouverture des écoles pour toutes les filles est profondément décevant et préjudiciable pour l'Afghanistan », a averti pour sa part la cheffe des droits de l'homme de l'ONU.

La Cheffe des droits de l'homme de l'ONU juge injuste une telle mesure
La Haute-Commissaire Michelle Bachelet a dit partager la profonde frustration et la déception des lycéennes et des étudiantes afghanes qui, après six mois d'attente, ont été empêchées de retourner aujourd'hui à l'école.

« L'incapacité des autorités de facto à respecter les engagements de réouverture des écoles pour les filles au-delà de la sixième année - malgré les engagements répétés en faveur de l'éducation des filles, notamment lors de ma visite à Kaboul il y a deux semaines - est profondément dommageable pour l'Afghanistan », a déclaré dans un communiqué l'ancienne Présidente chilienne.

Pour l'ONU, le déni de l'accès à l'éducation viole les droits fondamentaux des femmes et des filles. Au-delà de l'égalité d'accès à l'éducation, il les expose davantage à la violence, à la pauvreté et à l'exploitation.

« Priver ainsi un tel accès à la moitié de la population afghane est contre-productif et injuste », a insisté Mme Bachelet.

Selon l'ONU, une telle discrimination est également très préjudiciable aux perspectives de redressement et de développement futurs du pays.

Dans ces conditions, Mme Bachelet appelle les autorités de facto à respecter le droit à l'éducation de toutes les filles et à ouvrir des écoles pour tous les élèves sans discrimination ni délai supplémentaire.

Un nouveau mandat qui comprend la promotion d'une gouvernance inclusive, représentative
A noter que le Conseil de sécurité des Nations Unies a prolongé d'un an jeudi dernier la mission de l'ONU en Afghanistan (MANUA), qui est dotée d'un nouveau mandat. La résolution, prolongeant la MANUA pour un an, jusqu'au 17 mars 2023, prévoit un volet sur l'aide humanitaire à apporter à la population afghane sur fond de situation économique et sociale dramatique et d'environnement sécuritaire qui semble se stabiliser.

Dans un volet politique, outre les bons offices, l'ONU devra « mettre l'accent sur la promotion d'une gouvernance inclusive, représentative, qui sera « sans aucune discrimination sur la base du sexe, de la religion ou de l'origine ethnique ».

Le texte insiste également sur une « participation pleine, égale et significative des femmes », mais aussi porte une attention particulière sur les enfants afghans.