Entretien avec Yvette Beoutis, diplomate et auteure péruvienne, qui publie en français "Sóndor: Le site où débattent les mortels et les dieux"

Jean François Puech Directeur de la Rédaction NEWS Press - 09/10/2023 11:25:00




Entretien avec Yvette Beoutis, diplomate et auteure péruvienne, qui publie en français "Sóndor: Le site où débattent les mortels et les dieux" un premier ouvrage qui donne à voir et comprendre, à travers une histoire d'amour, les rivalités entre peuples précolombiens du Pérou. Ce récit, qui s'apparente à un conte romancé, court décrit des traditions, des paysages et la biodiversité des régions Chanka et Inca. Yvette Beoutis partage aussi ses liens avec la France et la culture de notre pays.

Q : Vous êtes diplomate péruvienne, quel est le sens de votre engagement ?

Vous avez raison, le métier de diplomate est un engagement. Je m'y suis préparée grâce à l'Académie Diplomatique de Lima dont la formation est identique à celle des futurs diplomates français de votre Ecole Nationale d'Administration qui est très réputée. Cet engagement, je l'ai éprouvé dans mes différents postes qui m'ont conduit en Italie, en Chine, dans votre pays comme Consule Générale Adjointe à Paris et en Equateur. Pour répondre plus précisément à votre question, en devenant diplomate, je souhaitais servir mon pays, promouvoir sa culture riche et passionnante ainsi que sa grande diversité naturelle.


Q: De quels pays où vous avez été en poste gardez-vous un souvenir marquant ?

La France et la Chine m'ont beaucoup marquée.

La Chine en raison de sa culture, une des plus anciennes au monde, et de son miracle économique qui l'a transformée en deuxième puissance mondiale.

La France est remarquable par son unité et par ses valeurs de Liberté, Égalité et Fraternité qui ont renforcé ses institutions, sa pratique normative et sa justice ainsi que par le débat public et l'indépendance de la presse. Je voudrais aussi insister sur l'accès libre et gratuit au service public de l'enseignement. Pour les diplomates, Paris, de par son prestige, son rôle leader en Europe et sa présence ainsi que son réseau diplomatique, est un poste de tout premier plan où j'ai eu la chance de représenter mon pays.

Q : Vous êtes francophone. Quels sont vos liens avec notre pays ?

Je suis francophone de formation et de coeur. A Lima, j'ai suivi l'instruction de la congrégation du Sacré Coeur, école fondée en 1849, par des religieuses françaises et cela m'a rendu sensible au modèle d'instruction français académique qui donne une part importante à la culture générale. De plus, mes racines familiales sont françaises, situées dans le sud-ouest. Et, j'ai toujours plaisir à échanger avec la famille Béoutis de France. Voyez-vous, j'ai toujours tenu à rechercher et conserver mes origines françaises.


Q: Qu'est ce qui a motivé votre engagement vers l'écriture ?

Mon métier m'a conduit à être une observatrice des sociétés et traditions culturelles des pays dans lesquels j'ai été en poste. Pour illustrer le sens de l'observation du diplomate, je souhaite évoquer l'écrivain français Paul Claudel qui écrit plusieurs poèmes inspirés de sa rencontre avec la culture chinoise lorsqu'il est consul dans la Chine impériale que l'on appelle l'Empire du Milieu.

En même temps, cet éloignement me permet d'avoir du recul par rapport à mon pays d'origine et d'en mieux saisir les particularismes, les traditions, les mouvements profonds qui le traversent ainsi que ses momentum historiques. C'est ainsi que je me suis attachée au Pérou précolombien parce que j´ai voulu faire revivre cette partie de l´histoire de mon pays qui n´est pas tellement connue et ce, à partir du patrimoine et des grands sites archéologiques qui y ont été découverts.



Le site archéologique de la forteresse de Sondor

Q: Justement, vous publiez prochainement en français "Sóndor: Le site où débattent les mortels et les dieux". Quelles ont été vos motivations pour écrire ce livre ?


Vous avez compris mon attachement à la langue française. C'est pourquoi j'ai souhaité publier mon opus de façon dématérialisée sur votre media spécialisé dans la vie publique internationale. J'ai souhaité que ce « témoignage » de la culture et de l'histoire de mon pays, le Pérou, soit accessible au plus grand nombre. Chaque semaine, un épisode sera publié, un peu, si j'ose le rappeler, comme le faisait le grand Honoré de Balzac dans ses journaux littéraires.

Mon intention est de récréer les luttes de pouvoir pendant la période précolombienne. Elle est aussi de mettre en lumière les actions humaines, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ainsi que les erreurs que commettent les peuples, les problèmes qu'ils doivent affronter, le phénomène "El Niño" ou le manque d'eau, tout comme l'avaient connu les anciens péruviens. Ces difficultés sont inhérentes à l´espèce humaine, quel que soit le lieu où l´époque, venant ainsi confirmer que l´Histoire se répète inlassablement. Mais le cours de l'histoire peut aussi changer radicalement. Il peut y avoir une fin de l'histoire comme celle du peuple Chanka défait par les Incas qui disparaît en tant que pouvoir indépendant. Cela fait écho à la fameuse phrase de Paul Valéry que je ne me lasse pas de citer : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »


Q : Votre ouvrage relate une histoire des peuples péruviens précolombiens rivaux des Incas qui se déroule vers 1430. Quels sont les points communs avec la gouvernance publique contemporaine ?


La bonne et la mauvaise gouvernance ont été présentes toute au long de l'Histoire des peuples avec des dirigeants qui les ont plus ou moins bien conduits. Je crois que Chateaubriand dit que l'on mesure un gouvernement à la façon dont un cocher conduit un fiacre, soit il conduit bien dit il, soit il conduit mal. Même si c'est un peu radical, c'est très vrai. Il en est de même pour la corruption contre les valeurs, le courage et l´intelligence.


Q : Dans votre ouvrage, on trouve un personnage principal qui est exilé, tout en étant le plus raisonné et digne de conduire le royaume des Chancas, et perd aussi sa fiancée. Faut-il être pessimiste ?

Il ne faut pas être pessimiste. Cependant, on voit que, bien souvent, les mauvaises personnes comme Guasco sont celles qui, au début, gagnent, puis terminent mal. Anccu Huayoc devait être exilé car, ayant osé envahir Cuzco, il avait perdu la guerre. Il a aussi perdu Sumac Kay qui s'est fiancée à un autre.

Anccu Huayoc est-il capable de changer son destin ?

Ce sera dans un deuxième livre.

Entretien avec Jean François Puech directeur de la rédaction et membre du jury du Grand prix France du Livre Audio jfpuech@newspress.fr




Près de Cuzco, le site du Machu Picchu