Les rois des neiges - Des marines des États-Unis développent leurs compétences dans l'Arctique norvégien

OTAN - Organisation du Traité de l'Atlantique Nord - 21/03/2024 09:25:00

Les membres du 1er bataillon du 2e régiment de marines se dirigent vers la partie la plus septentrionale de la Norvège pour l'exercice Nordic Response - une composante de Steadfast Defender 24, le plus grand exercice OTAN organisé depuis des décennies. Mais avant d'arriver sur place, ils devront dompter l'impitoyable hiver norvégien.




Les membres du 1er bataillon du 2e régiment de marines fortifient leur camp à proximité de Setermoen (Norvège).

Le marine regarde ses skis comme s'ils allaient le mordre.

Mais ses camarades se font insistants - vas-y, vas-y, vas-y -, alors il relève la tête et scrute le vide devant lui avec détermination. Il plante ses bâtons dans la neige et s'élance.

Le marine dévale la pente - qui, en réalité, s'apparente davantage à une bosse dans la couronne de cette colline enneigée du nord de la Norvège - ; il est presque en bas lorsque ses skis se dérobent sous lui, le projetant sur le dos.

Ses amis éclatent de rire et lui tendent leurs mains gantées. Le marine émet un grognement.

« À chaque fois, j'atterris sur le c... »**, dit-il, en employant un mot à bannir du site web de l'OTAN.

Comme nombre de soldats du 1er bataillon du 2e régiment de marines (abrégé en 1/2), il n'est jamais monté sur des skis. Ces 10 jours d'entraînement par temps froid, organisés en février 2024 dans les collines proches de Setermoen, constituent une épreuve sur glace conçue pour aider les marines à survivre aux éléments extrêmes du cercle polaire arctique. Quelques semaines plus tard, les membres du bataillon 1/2 seront bien plus au nord, posant leurs skis sur les côtes gelées de la lointaine région norvégienne du Finnmark, pour l'exercice Nordic Response.

La Norvège offre de longue date aux Alliés un terrain d'entraînement par temps froid. La série d'exercices « Cold Response » a débuté en 2006, s'appuyant sur une longue tradition d'entraînements par temps froid en Norvège. Depuis lors, l'exercice se tient tous les deux ans dans le nord de ce pays.

Suite à l'élargissement de l'OTAN à la Finlande et à la Suède, les Norvégiens étoffent à présent l'exercice, rebaptisé « Nordic Response ». Il fait intervenir plus de 20 000 soldats, plus de 50 navires et plus de 110 aéronefs de plus de 14 pays.

Après sa chute, le marine se relève sur ses skis et remonte la pente en marchant en canard. Il fait peut-être la grimace pour l'instant, mais d'ici au début de l'exercice, il fendra avec aisance le paysage gelé, un fusil en bandoulière et un sac de 30 kilos sur le dos.

Comme l'explique le lieutenant-colonel Ted Driscoll, commandant du bataillon 1/2, « l'une des constatations que nous faisons avec nos marines et nos marins pendant cet entraînement concerne la vitesse à laquelle ils peuvent acquérir des aptitudes et atteindre le niveau requis pour exécuter des opérations. Mais, comme pour toute chose, il faut s'entraîner. »

Ce n'est évidemment pas le cas des soldats nés dans la région. De nombreux soldats norvégiens entament le service militaire en étant rompus au temps froid, et ils parcourent ces terrains accidentés avec style, que ce soit à ski, en raquettes ou en motoneige. Ils voient dans la rigueur impitoyable de leur grand jardin enneigé un terrain d'entraînement précieux pour les forces de l'OTAN.

« Ici à Finnmark, avec la rudesse des températures, le froid, les tonnes de neige, il est très difficile d'opérer », explique le lieutenant-colonel Petter Bakkejord, commandant du bataillon blindé (brigade Nord) de l'armée de terre norvégienne. « Maîtriser cet environnement nous permettra d'opérer n'importe où dans le monde. L'Arctique prépare les soldats à la plupart des environnements, qu'il s'agisse de régions tropicales, désertiques ou autres. »

En d'autres termes, si l'on peut fonctionner ici, on pourra fonctionner n'importe où.




Photo : Le lieutenant-colonel Petter Bakkejord, de l'armée de terre norvégienne.

Les marines en sont bien conscients. Ces dix dernières années, la force amphibie de l'armée des États-Unis s'est attachée à maîtriser la guerre arctique, en envoyant des dizaines de soldats affronter la dure réalité de l'hiver à Setermoen. Ils sont à bonne école grâce à leurs homologues norvégiens - sans parler des Royal Marines britanniques, dont la relation avec l'Arctique norvégien date d'avant même la naissance de l'OTAN (en 1941, des commandos des Royal Marines ont mené un raid sur les îles Lofoten occupées par les puissances de l'Axe, non loin de Setermoen).

Dans leur camp, situé au sommet de la colline, ils mettent en pratique la mine d'enseignements tirés au fil des ans. Ainsi, un marine armé d'une pelle remplit de neige un sac en plastique jaune. Cette tâche, en apparence ingrate, est en réalité la plus importante au camp. Une fois fondue, la neige est bouillie afin de produire de l'eau potable qui sera utilisée pour la cuisson des aliments et pour l'hydratation des marines. Les soldats qui ne sont pas occupés à creuser des postes de combat, à déneiger leurs armes ou à régler des fixations de ski remplissent des sacs de neige ou produisent de l'eau à partir de celle-ci.

L'essentiel est de rester actif. Il y a toujours quelque chose à faire, et agir génère de la chaleur corporelle, empêchant ainsi le froid aigu (-20 degrés Celsius, ou -4 degrés Fahrenheit) de paralyser orteils et doigts. Un sergent exhibe fièrement le mur de neige atteignant la hauteur de ses épaules que ses marines ont érigé autour de leur yourte. Ce mur protège la tente du vent, explique-t-il, mais il permet aussi à ses marines de rester actifs, de ne pas se refroidir et de s'occuper l'esprit.

Tout prend davantage de temps dans la neige. Des randonnées qui devraient prendre deux heures se transforment en expéditions d'une demi-journée, les marines devant s'arrêter pour resserrer leurs raquettes et se repérer dans l'immensité immaculée du paysage arctique. Même avec des raquettes, transporter du matériel sur le terrain est épuisant. Et il y a toutes sortes de matériel à transporter : de lourdes bâches, du carburant diesel pour les poêles des tentes, des skis et des raquettes, des gants de la taille de maniques, et des vestes bouffantes que les marines qualifient pour plaisanter de « matos de chochotte ».

Et puis il y a le froid.

Le froid s'engouffre dans les ouvertures de tente, descend dans les cols et s'infiltre dans les bonnets en tricot. Il suffit de rester immobile un moment pour perdre toute sensation dans les doigts et les orteils. Il ne faut pas pour autant transpirer, car des vêtements mouillés peuvent provoquer des engelures ou des cas d'hypothermie. Avant une simulation d'attaque, un caporal-chef a ordonné à ses marines d'enlever leur veste ; il ne voulait pas qu'ils se retrouvent trempés dans leurs maillots de corps alors qu'ils s'élançaient en transpirant dans d'épaisses couches de neige.

Cet ordre pouvait surprendre, et lorsque les marines ont enlevé leurs vestes bouffantes bien chaudes, ils ont été saisis de légers frissons, sous l'effet de l'air glacé qui les privait de leur chaleur. Mais sans y prêter attention, ils ont enfilé leur survêtement de camouflage blanc et pris leur fusil. Très vite, ils se sont lancés à l'assaut d'une colline, leurs raquettes projetant des nuages de poudreuse gelée.





L'Arctique est un professeur très exigeant, et il reste bien du chemin à parcourir pour atteindre Finnmark, mais les marines apprennent vite. À force de s'entraîner, ceux qui découvrent la neige et qui n'ont pas toute la stabilité voulue sur leurs skis atteindront certainement un niveau suffisant, à défaut d'atteindre la perfection. Et grâce aux Alliés qui sont rompus à l'art de la survie en Arctique, les marines auront toujours des amis pour les aider à survivre au froid.

Photo : Des marines américains s'entraînent avec leurs homologues norvégiens près de Setermoen (Norvège).