Première mission réussie pour l'équipe du Parc des Glorieuses

Agence des Aires Marines Protégées - 27/10/2015 10:25:00


Créé en 2012 dans la continuité du Parc naturel marin de Mayotte, le Parc naturel marin des Glorieuses est doté d'un plan de gestion depuis février 2015.

L'équipe technique chargée de sa mise en oeuvre, commune aux deux parcs, a préparé la première mission sur place pendant plusieurs mois, avant d'appareiller le 25 septembre dernier. Six agents du Parc (dont un chargé de mission dédié aux Glorieuses, mis à disposition par les Terres australes et antarctiques françaises), accompagnés de deux scientifiques de KELONIA/IFREMER et du bureau d'études Biorécif, sont rentrés ce dimanche 11 octobre avec de nouvelles données plein les cales...

Un sanctuaire marin menacé
C'est indéniable, l'Archipel des Glorieuses possède un patrimoine naturel exceptionnel. L'isolement et l'absence d'habitants permanents sur le territoire ont longtemps permis de préserver l'archipel et le Banc du Geyser des pressions humaines. Ils sont aujourd'hui considérés comme un véritable refuge de biodiversité et jouent un rôle essentiel dans le réensemencement corallien et la préservation des espèces menacées (requins, concombres de mer, tortues marines, thons, etc.) de la région.

Ce sanctuaire marin, parmi les derniers du canal du Mozambique, doit toutefois faire face à des menaces grandissantes liées à l'exploitation de ses ressources marines.

Plusieurs missions scientifiques antérieures à la création du Parc ont permis d'acquérir une bonne connaissance de la biodiversité marine associée aux récifs coralliens des Glorieuses.

Si l'inventaire n'est pas exhaustif, il recense approximativement 1 435 espèces sur l'Archipel, tous groupes confondus, dont environ 11 % sont inscrites sur les annexes des conventions régionales et internationales et/ou figurent sur la Liste Rouge de l'UICN. Le Banc du Geyser totalise quant à lui environ 600 espèces.

Des connaissances à approfondir
Ces chiffres importants ne doivent pas cacher les lacunes qui existent encore dans la connaissance de ces richesses. Des compléments d'inventaires doivent encore être réalisés pour certains groupes d'espèces, peu ou pas étudiés, notamment autour de l'archipel des Glorieuses.

Les connaissances existantes sur le Parc sont toutes issues des missions scientifiques qui y ont été menées ponctuellement. Développée depuis plusieurs décennies, la recherche sur le milieu marin porte notamment sur la réalisation d'inventaires d'espèces et de suivis de population, la mise en place de stations d'observation et de suivi des récifs coralliens, la sismologie, l'évaluation des biomasses halieutiques, etc.

Si l'isolement des Glorieuses a largement contribué à soustraire les habitats marins de pressions anthropiques importantes, cette caractéristique rend également très difficile l'accès des scientifiques au territoire, notamment pour des raisons logistiques.

Les habitats marins présents dans le périmètre du Parc restent pour la plupart inconnus, que ce soit sur les complexes récifaux ou dans le domaine océanique. Il est donc nécessaire d'améliorer les connaissances sur les écosystèmes afin de disposer d'un état de référence et anticiper une éventuelle dégradation des habitats.
De même, la plupart des espèces remarquables identifiées (baleine à bosse, tortue verte juvénile, poisson perroquet, poisson napoléon, dauphins, raie pastenague, requins, holothuries, etc.) ont été peu étudiées : leur écologie, leur abondance ainsi que leur distribution restent encore méconnues.

L'ensemble des connaissances acquises sont essentielles pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes (à l'échelle locale et régionale) et la biologie des espèces recensées. Ces données sont en outre indispensables pour pouvoir identifier les enjeux de conservation sur le territoire et mettre en place des mesures de gestion adaptées et efficaces.

Elles permettront en outre de disposer d'un état des lieux fiable pour assurer un suivi de l'état des écosystèmes et évaluer, sur la base des indicateurs définis dans le plan de gestion, la réussite des actions mises en oeuvre.

Objectifs de cette première mission
Pour cette première mission, l'équipe du Parc - composée de biologistes, d'un spécialiste de la qualité de l'eau et de plongeurs professionnels - avait pour objectifs d'acquérir des connaissances sur 4 thématiques : les tortues marines, les herbiers de phanérogames, les holothuries et la qualité de l'eau.

. TORTUES MARINES
Les objectifs de la mission :
- Etudier les déplacements de tortues vertes immatures.
- Estimer l'origine et les temps de séjour des tortues vertes immatures au sein de leur habitat d'alimentation.
- Améliorer les connaissances sur le comportement alimentaire des tortues vertes immatures.
- Au-delà des objectifs locaux de gestion, le projet vise également à parfaire la connaissance de l'écologie des tortues marines en conditions environnementales et anthropiques contrastées (comparaison avec La Réunion, Europa, Juan de Nova et Mayotte).

Ce volet sur les tortues marines, comme celui sur les herbiers, s'inscrit dans la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur des tortues marines.
Au cours de la mission, 12 tortues vertes juvéniles ont été capturées afin d'être mesurées, baguées et ont fait l'objet de biopsies. 10 d'entre elles ont également été équipées de balises Argos. Les 12 caméras miniatures déployées ont permis de récupérer 32 heures d'enregistrement. Associés au suivi par satellite, le dépouillement de ces images, l'analyse des déplacements et l'analyse moléculaire et génétique des échantillons prélevés permettront d'approfondir considérablement la connaissance sur le comportement des tortues vertes juvéniles.

. HERBIERS DE PHANEROGAMES
Les objectifs de la mission :
- Réaliser l'inventaire et la cartographie de la distribution spatiale des herbiers marins.
- Définir des stations de suivis représentatives des herbiers marins de l'archipel des Glorieuses ; le suivi de leur état de santé permettra à moyen/long terme de détecter tout signe de dégradation conduisant, le cas échéant, à mettre en place des mesures de conservation.
- Contribuer à la cartographie des habitats marins par des points de référence (ou points de vérité terrain) relevés par imagerie hyperspectrale.
- Contribuer à l'étude de l'écologie fonctionnelle des habitats marins remarquables du Parc naturel marin des Glorieuses, via le suivi télémétrique de tortues vertes juvéniles (voir volet Tortues marines)
- Contribuer à la compréhension de la distribution des habitats marins de l'archipel des Glorieuses, via la description de la qualité de la colonne d'eau (voir volet Qualité de l'eau de la mission).
Au-delà des objectifs locaux de gestion, le projet vise également à renforcer la compréhension de la dynamique des herbiers marins à l'échelle du sud-ouest de l'océan Indien.

Au cours de la mission, les platiers et pentes internes ont été explorés sur une centaine de kilomètres par observations sous-marines directes et pas moins de 300 points de référence ont été relevés au cours de ces observations et par caméra embarquée. Des herbiers marins sont recensés jusqu'à des profondeurs de près de 30 mètres. 5 espèces de phanérogames marines (espèces composant les herbiers) ont été recensées et 2 types de formation d'herbiers ont été identifiés. Certains herbiers ont été identifiés comme habitats de développement des tortues juvéniles.

.HOLOTHURIES
Les holothuries (ou concombres de mer) sont exploitées dans le monde entier, notamment pour l'export des produits séchés (trepang) consommés par les populations asiatiques. Les holothuries sont particulièrement vulnérables à la surpêche de par leur forte valeur marchande, la facilité de leur récolte et leur mode de reproduction annuel. Cette surpêche a été identifiée dans de nombreuses îles du sud-ouest de l'océan Indien (Madagascar, Comores, Zanzibar...).
Plusieurs espèces d'holothuries présentes aux Glorieuses sont ciblées par une pêcherie illégale dont l'activité tend à croître depuis quelques années sur le territoire. Les populations d'espèces d'holothuries commerciales sont aujourd'hui menacées et sont à ce titre intégrées pour la majorité dans la liste rouge de l'UICN.
Aux Glorieuses, sur les 20 espèces recensées, 13 sont identifiées comme espèces commerciales (Purcell et al., 2012). 3 espèces en particulier sont menacées d'après l'UICN, 1 espèce est classée «Vulnérable » et les 2 autres « En danger d'extinction».

Objectifs de la mission :
- estimer l'abondance des espèces observées à haute et moyenne valeur commerciale (H. nobilis, T. ananas, H. fuscogilva, A. mauritiana, B. atra, B. subrubra...),
- améliorer les connaissances sur les espèces d'holothuries présentes à Glorieuses,
- compléter l'inventaire d'autres invertébrés benthiques (échinides, astérides, ophiurides).
La mission a mis en évidence une faible abondance autour de Grande Glorieuse et de l'île du Lys, probablement en relation avec le braconnage de cette espèce régulièrement mis en évidence lors des contrôles opérés dans ce secteur. Ce n'est cependant pas la seule explication ; la densité faible d'holothuries commerciales recensées autour des Glorieuses pourrait être également due à une concentration en matière organique trop faible pour la nécessité des besoins alimentaires des holothuries. En comparaison, Mayotte, île soumise aux apports anthropiques (matière organique) et possédant une grande variété d'habitats abrite une plus grande diversité et abondance d'holothuries.
Il est donc encore trop tôt pour tirer des conclusions car cette mission est la première à évaluer l'abondance des holothuries commerciales et seuls de nouveaux suivis permettront de définir l'état des populations et leur évolution.
Pour l'évaluation de l'abondance des holothuries pendant la mission, 30 km ont été parcourus sur les platiers à marée basse, soit 15 hectares échantillonnés.
Sur cette surface, 225 observations d'holothuries commerciales ont été réalisées. Les spécimens ont été identifiés, mesurés et les paramètres de l'habitat ont été notés.
Deux observations de l'étoile de mer dévoreuse de corail Acanthaster planci ont été réalisées, donc pas de pullulation inquiétante. Enfin 54 observations de la grande étoile de mer bleue ou rose Linckia laevigata ont également été réalisées.

. QUALITE DE L'EAU
Le Parc doit rédiger un état des lieux et établir les caractéristiques d'un réseau de suivi potentiel de la qualité des eaux adapté au contexte isolé des Glorieuses.

Les objectifs de cette première campagne étaient les suivants :
1/ Acquérir des données caractéristiques de saison sèche sur la qualité de l'eau (paramètres physico-chimiques) ;
2/ Echantillonner les différents types de substrats (sols marins) aux fins d'analyses physico-chimiques du sédiment ;
3/ Etablir la situation en matière de contamination chimique de l'eau et des sédiments ;
4/ Réaliser sur différents points des profils verticaux température/salinité pour établir un instantané de la structuration de la colonne d'eau dans le lagon en saison sèche ;
5/ Prélever des échantillons d'organismes vivants (peuplements benthiques) sur divers types de sols pour aider à la compréhension de la distribution des habitats.

Actions réalisées:
Concernant la partie « EAU », 20 prélèvements ont été réalisés sur 14 stations. Trois sites ont également été équipés de sondes à haute fréquence permettant d'acquérir les paramètres physico-chimiques (température, salinité, hauteur d'eau). Deux de ces sondes ont été laissées sur place et continueront à enregistrer des données pendant les mois à venir.
Pour la partie « CHIMIE DE L'EAU », 4 stations ont été échantillonnées.
Enfin, la partie « SEDIMENTS » a nécessité l'échantillonnage de 9 stations pour les caractéristiques chimiques et de 15 stations depuis l'île vers le large pour l'étude de la composition et la texture des sols (vaseux, granuleux, ...). 45 prélèvements d'organismes vivants près des sols ont été effectués à l'aide de bennes à sédiments.
Ce volet est partiellement financé par le programme de « gestion du patrimoine naturel de Mayotte et des îles Eparses » financé par l'Union européenne dans le cadre du Xème Fonds européen de développement (FED) - volet régional / Océan Indien. Ce programme est le fruit d'un partenariat entre le Conseil départemental de Mayotte, la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et l'Agence française de développement (AFD).