Haïti : six ans de reconstruction

Secours Catholique - 14/01/2016 15:40:00


Le 12 janvier 2010, Haïti était frappé par un puissant séisme. Ces six dernières années, le Secours Catholique a aidé le pays à se reconstruire. Quatorze millions d'euros ont permis entre autres d'ériger des habitations et de soutenir l'éducation des enfants. Désormais, l'association concentre son action sur les projets de développement.

Et maintenant ? Accompagner le développement
Après six années consacrées à réduire les meurtrissures du séisme du 12 janvier 2010, le Secours Catholique-Caritas France a redéfini sa politique de soutien à Haïti et poursuit désormais ses programmes de développement.

Planifiés sur cinq ans, suite au séisme de janvier 2010 qui a fait plus de 220 000 morts sur l'île et deux millions de sans abris, les programmes d'urgence du Secours Catholique en Haïti ont pris fin il y a quelques mois.

« Aujourd'hui, l'accent est à nouveau porté sur les projets de développement, comme avant le séisme, pour aider les familles haïtiennes à sortir de la pauvreté, explique Georges Leperchey, bénévole au département Amérique latine et Caraïbes du Secours Catholique. Nous poursuivons notamment notre soutien à la Fondation Haïtienne pour le redressement et le développement (FHRD) qui promeut de nombreuses activités génératrices de revenus, comme l'élevage de volailles ou la mise en place de boulangeries artisanales. »

Pour cibler les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Haïtiens et permettre aux organisations haïtiennes d'agir elles-mêmes, le Secours Catholique, privilégie les partenaires haïtiens, et en particulier la Caritas nationale, dès lors que leurs programmes portent sur la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, les droits de l'homme et le handicap.

À ce titre, l'association a choisi de soutenir la Caritas Jacmel, située dans une zone très touchée par le séisme de 2010, dans la mise en place d'un programme agricole : « Il s'agit d'accompagner une centaine d'agriculteurs en leur fournissant à chacun cinq chèvres et une vache, détaille Georges Leperchey. Caritas Jacmel fournira le taureau et le bouc chargés de l'insémination. À charge ensuite à ces éleveurs de redistribuer une partie des animaux issus de l'insémination naturelle à d'autres agriculteurs. Une sorte de multiplication des pains. »

« Nous allons par ailleurs apporter une aide financière aux associations qui travaillent dans l'éducation », ajoute Georges Leperchey.

L'engagement du Secours Catholique devrait se traduire par un financement de ces projets de développement situé entre 100 000 et 200 000 euros.

Six années aux côtés des Haïtiens
Au chevet d'Haïti depuis le séisme du 12 janvier 2010 grâce à l'argent de ses donateurs, le Secours Catholique-Caritas France a accompagné la reconstruction des édifices individuels et collectifs et soutenu plusieurs programmes de santé physique et mentale. Des programmes mis en oeuvre avec les populations locales.

Sur les 14 millions d'euros reçus au lendemain du tremblement de terre qui a meurtri Haïti en janvier 2010, le Secours Catholique-Caritas France a focalisé son aide sur quatre domaines principaux : l'éducation, le logement, la santé et l'appui au monde rural.

Environ 43 % des sommes récoltées ont été consacrées à la reconstruction des édifices scolaires. Les chantiers ont été engagés avec la participation des populations locales.

À Delatte, les habitants de la zone ont été embauchés pour effectuer des travaux n'exigeant aucune qualification, ce qui a permis d'améliorer la situation économique de ce lieu particulièrement isolé. En tout, ce sont près de 5 000 élèves qui étudient désormais dans de bien meilleures conditions.

6,6 millions d'euros ont permis d'ériger 7 nouvelles écoles selon les normes antisismiques et anticycloniques, et d'améliorer les équipements de 18 écoles.

La santé représente 27 % des fonds dédiés aux conséquences du séisme. Associé à une dizaine de partenaires, le Secours Catholique a mis en oeuvre 18 programmes : ceux-ci vont de la reconstruction de centres de santé en passant par l'accès aux soins en zone rurale et la prise en charge de la santé psychologique ou de la douleur, la remise en état d'équipements sanitaires ainsi que la lutte contre l'épidémie de choléra.

L'ensemble de ces programmes a permis de soigner et de sensibiliser à la prévention près de 123 000 personnes.

S'appuyer sur le savoir-faire des habitants

La reconstruction de logements, individuels et collectifs, représente 12 % du budget de l'opération post-séisme, soit 1,9 million d'euros.

Le Secours Catholique a choisi, pour la mise en oeuvre de ces programmes logement, de s'appuyer sur le savoir-faire technique des Haïtiens « en intégrant les effets multiplicateurs de la formation professionnelle d'artisans de la construction. Les acquis de cette formation doivent trouver des applications pour perdurer. »

Plus de 250 logements ont été rebâtis ou réhabilités
Enfin, les zones rurales, déjà parents pauvres des politiques publiques avant le tremblement de terre et qui avaient accueilli 600 000 déplacés en 2010, avaient un besoin urgent d'être aidées.

Le Secours Catholique a tenu à ouvrir un accès aux services de base dans les zones les plus inaccessibles. L'association a également renforcé les programmes agricoles de ces zones en finançant une agriculture durable et respectueuse de l'environnement et en développant des filières de commercialisation nationale et internationale.

Une priorité : l'éducation
L'argent collecté par le Secours Catholique-Caritas France a permis de construire des maisons individuelles, des logements sociaux, des centres de santé et surtout des écoles... Autant d'infrastructures nécessaires pour accompagner les populations délaissées par un État affaibli.

Il y a cinq ans, le monde tendait la main à Haïti. « Des 12 milliards de dollars promis au pays », constatait en octobre 2014 le président haïtien à TV5 Monde, « nous n'en avons reçu que 4. » Ces 4 milliards apportés par les organisations humanitaires ont servi à répondre à l'urgence, à combattre le choléra et à commencer la reconstruction.

L'État haïtien est faible. Contrairement à son peuple. « Nous avons résisté à trois siècles d'esclavage, aux épidémies, aux cyclones... À chaque fois nous nous sommes relevés », déclare le père Michel, directeur de la Cellule d'aide psychologique (Cap-Chr), association soutenue par le Secours Catholique.

Docteur en psychologie clinique, le père Michel prend en charge les enfants traumatisés. Depuis 2012, Cap-Chr a rencontré plus de 15 000 enfants et accompagné individuellement 200 d'entre eux. « Avant 2010, l'aide psychologique était réservée aux fous, observe-t-il. Aujourd'hui, c'est un besoin pour beaucoup d'entre nous. »

80% de réussite aux examens
« Nous n'attendons rien de l'État, nous sommes habitués à ce qu'il ne fasse rien », dit Jivenel Napoléon, coordinateur de projets au foyer Maurice-Sixto (école pour enfants placés en domesticité).

Le Secours Catholique finance le nouvel établissement situé à présent au sommet d'une montagne au sud-ouest de Port-au-Prince, prêt à recevoir 360 élèves.

Malgré la loi qui interdit de placer des enfants en domesticité, la situation s'aggrave. Pour M. Weness, directeur exécutif du foyer, « catastrophes naturelles + catastrophes politiques = familles de plus en plus pauvres qui placent leurs enfants dans d'autres familles, dans l'espoir qu'ils pourront manger. »

Depuis le tremblement de terre, un demi-million d'enfants sont à risque.
Au foyer Maurice-Sixto, on affirme obtenir 80 % de réussite aux examens officiels, grâce à un suivi personnalisé des élèves et à une stricte discipline. Les trois écoles des soeurs de Saint-Joseph de Cluny que le Secours Catholique a reconstruites à Port-au-Prince et à Jacmel sont également des exemples d'ordre et de discipline.

Mais leurs professeurs se plaignent des salaires que leur sert l'État. « On pense toujours aux enfants », déclare Marie Immacula Mingot, institutrice depuis 1988 à l'école de Bolosse, « jamais aux professeurs. Or sans professeurs, il n'y aurait pas d'école. »

À Cité-Soleil, le plus grand bidonville de la capitale, le père Zucchi, directeur d'un ensemble d'écoles réhabilitées avec le soutien financier du Secours Catholique, nous fait visiter Soleil 4, une maternelle où s'amusent 900 enfants, garçons et filles de 3 à 6 ans. Ils vont par paire, le premier ayant un an de plus que le second.

« Nous les mettons ainsi pour que le grand aide le petit. Nous tentons de leur faire comprendre la solidarité, l'union. Ce n'est qu'ensemble qu'ils sortiront de la misère. » Uniforme, petit déjeuner et déjeuner quotidiens, soins médicaux, ici tout est gratuit.

Éducation ludique
L'école professionnelle des Salésiens, autre école du père Zucchi, rassemble plusieurs bâtiments. Devant l'un, des apprentis maçons tamisent du sable ; par la porte ouverte d'un autre bâtiment, on aperçoit des jeunes occupés à de la soudure. Au fond, se construit un bâtiment où l'on enseignera bientôt la mécanique auto à 240 élèves.

Au rez-de-chaussée se trouvent les équipements lourds permettant de pratiquer le métier. Au premier étage est enseigné la théorie et l'électronique. L'ensemble est entièrement financé par le Secours Catholique pour 800 000 euros.

« Les institutions privées, dit le père Zucchi, ont été plus vite reconstruites que les écoles publiques. En avril 2010, nous avons accueilli à nouveau les enfants. Caritas Autriche et le Secours Catholique nous soutenaient, cela a accéléré la reconstruction. Avant 2010, nous étions l'école professionnelle la mieux cotée du pays, et le plus grand atelier d'ajustage mécanique. Nous allons rétablir l'école telle qu'elle était avant. »

Améliorer l'éducation est la préoccupation principale du président Martelly, du moins le disait-il sur TV5. Mais la plupart des écoles visitées manquent cruellement de supports pédagogiques.

Pourtant des idées germent et devraient faire leur chemin. Planète Urgence, l'ONG française avec qui le Secours Catholique a construit une cinquantaine de maisons dans une région enclavée, s'est associée à un syndicat paysan local.

Ensemble, ils ont installé une salle de classe numérique où chaque école du canton vient désormais découvrir Internet. Un écran, un ordinateur, quatre panneaux solaires, l'éducation devient ludique, le savoir à portée de main. Le gouvernement se dit intéressé par la démarche.

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