Néonicotinoïdes : interdits en juillet par le législateur et autorisés à l'automne par l'ANSES ?

Union Nationale de l'Apiculture Française - 08/09/2016 11:25:00


L'UNAF dénonce une action publique illisible et demande instamment le refus de deux autorisations

Alors que le législateur français a reconnu que les néonicotinoïdes représentent un danger pour les abeilles, la biodiversité et la santé humaine au point de décider de les interdire en 2018 (1), l'ANSES organise jusqu'au 5 septembre une consultation sur deux projets d'autorisation de pesticides à base de néonicotinoïdes.
L'Union Nationale de l'Apiculture
Française dénonce l'incohérence de l'action publique sur ce sujet et demande instamment le refus de ces deux nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM).

Les deux dossiers soumis à consultation ont été présentés par la multinationale BAYER et concernent :

1. Le renouvellement de l'AMM du Gaucho 350 sur céréales à paille (traitement de semences à base d'imidaclopride) et l'extension de son usage pour de nouveaux ravageurs ;
2. L'autorisation d'un nouveau pesticide, le Gaucho Néo sur céréales à paille (traitement de semence constitué d'un mélange d'imidaclopride et de fongicide).

Parmi d'autres critiques que l'UNAF adressera dans sa réponse à la consultation (2), notre syndicat s'interroge : Comment l'ANSES peut-elle fermer les yeux sur l'exceptionnelle rémanence de l'imidaclopride (3) et les données les plus récentes issues de la recherche française sur le sujet ?

En effet, l'ANSES n'interdit pas l'implantation de plantes attractives dans les cultures suivant les céréales à paille enrobées au Gaucho. Pourtant, la grande majorité des surfaces de tournesol et de colza (très attractives pour les abeilles) sont toujours semées après des céréales à paille ! L'UNAF s'alarme des conséquences pour les apiculteurs. D'autant plus qu'en 2015, une équipe INRA/CETIOM/ITSAP/CNRS a publié une étude (4) dans laquelle est révélée la contamination à l'imidaclopride « inattendue et omniprésente » des champs de colza testés. Cette contamination trouvait son origine dans des précédents culturaux de céréales à paille enrobées au Gaucho !

Alors que les connaissances sont là, pourquoi l'ANSES laisse à BAYER 12 mois après l'autorisation pour présenter les données de résidus sur les cultures suivantes ?
Hier encore, l'INRA publiait une nouvelle étude démontrant que l'imidaclopride à faible dose, combinée à un parasite commun de la ruche (nosema ceranae), affecte « très fortement » la survie des reines (5). Rappelons également que depuis l'été 2015, l'Allemagne interdit les néonicotinoïdes sur les céréales à paille (6).

Pour Gilles Lanio, Président de l'UNAF, « Au regard de l'accumulation des études sur les impacts gravissimes des néonicotinoïdes, et après le vif débat démocratique qui a abouti à leur interdiction à partir de 2018, il est incompréhensible que l'ANSES puisse avoir l'intention d'autoriser ces deux pesticides ! Les deux autorisations doivent être refusées : il en va de la crédibilité des pouvoirs publics vis-à-vis de nos concitoyens, qui se sont mobilisés de manière exceptionnelle pour demander l'interdiction des néonicotinoïdes. »

(1) Avec des dérogations possibles jusqu'à 2020
(2) Faiblesse des données soumises à consultation, quid de l'évaluation des synergies, etc.
(3) L'imidaclopride peut être absorbée par des cultures non-traitées jusqu'à deux ans après la première utilisation Bonmatin : J. M., et al. (2005). Behaviour of Imidacloprid in Fields.Toxicity for Honey Bees. Environmental Chemistry, 483-494.
(4) Henry M, Cerrutti N, Aupinel P, Decourtye A, Gayrard M, Odoux J-F, Pissard A, Ru¨ger C, Bretagnolle V. 2015 Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees. Proc. R. Soc. B 282: 20152110.
(5) Dussaubat, C. et al. Combined neonicotinoid pesticide and parasite stress alter honeybee queens' physiology and survival. Sci. Rep. 6, 31430; doi: 10.1038/srep31430 (2016)
(6) En savoir plus sur l'interdiction allemande

1er septembre 2016