L'observatoire de Paris: Proxima est liée à Alpha Centauri

OBSPM - Observatoire de Paris - 26/12/2016 09:00:00


Trois astronomes dont un de l'Observatoire de Paris ont démontré que Proxima, l'étoile la plus proche du Soleil, est liée gravitationnellement à ses deux voisines Alpha Centauri A et « B ». Notre plus proche voisine est donc une étoile triple. Ces travaux paraissent dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Alpha Centauri et Proxima sont nos plus proches voisines stellaires, à respectivement 4,37 et 4,24 années-lumières, soit un peu plus de 40,000 milliards de kilomètres. Alpha Centauri est composée de deux étoiles similaires au Soleil (A et B) orbitant en 80 ans. Proxima est une naine rouge de très faible masse (1/8ème de la masse du Soleil, et 1/6ème de son rayon) autour de laquelle orbite une planète tellurique tout juste découverte dans sa zone habitable.

Mesurer les vitesses relatives avec précision

Depuis la découverte de Proxima en 1915 par l'astronome écossais Robert Innes, sa proximité avec Alpha Centauri et la similitude de leurs distances par rapport au Soleil ont conduit les astronomes à soupçonner qu'elles son gravitationnellement liées. Mais pour établir ce lien de manière certaine, il faut mesurer la vitesse relative de Proxima par rapport à Alpha Centauri avec précision. Si cette vitesse est trop élevée, alors Proxima s'échappera du voisinage d'Alpha Centauri. Si elle est suffisamment faible, elle restera en orbite. La vitesse limite entre ces deux scénarios est la vitesse de libération.

La faible vitesse de Proxima relativement à Alpha Centauri demande une grande précision de mesure. Il est maintenant possible de l'atteindre grâce aux spectrographes de très haute stabilité utilisés pour rechercher des exoplanètes par effet Doppler (comme Proxima b). La vitesse de Proxima par rapport à Alpha Centauri est de 309 +/- 55 m/s, soit 1100 km/h. La vitesse de libération d'Alpha Centauri à la distance de Proxima étant de 545 +/- 11 m/s, supérieure à la vitesse mesurée. Proxima et Alpha Centauri sont donc bien liées gravitationnellement.

Tracé de l'orbite de Proxima montrant sa position par rapport à Alpha Centauri au cours des prochains millénaires (les graduations sont en milliers d'années). Le grand nombre d'étoiles du champ provient du fait que Proxima est située très près du plan de la Voie Lactée, très riche en étoiles.
P. Kervella/ESO/Digitized Sky Survey 2/Davide De Martin/Mahdi Zamani

L'orbite calculée de Proxima a une très longue période de 550 000 ans, et une extentricité modérée de 0,50. Proxima se trouve actuellement à 13 000 fois la distance Terre-Soleil d'Alpha Centauri. Projetée sur le ciel, l'orbite présente une très grande taille angulaire de plus de 3 degrés, soit environ la largeur apparente de deux doigts, bras tendu. Le satellite européen Gaia donnera en 2017 une mesure très précise de la distance et du mouvement propre de Proxima, ce qui permettra d'affiner son orbite.

Proxima b est l'ainée de la Terre d'un ou deux milliards d'années

La détermination de l'âge d'une naine rouge est très difficile, car ces minuscules étoiles évoluent très lentement et ne changent pratiquement pas d'apparence au cours de leur très longue existence (plusieurs milliers de milliards d'années). Pour cette raison, l'âge de Proxima était jusqu'à présent inconnu. Le fait que Proxima et Alpha Centauri soient liées implique très probablement qu'elles se sont formées ensemble et qu'elles ont le même âge (sauf si Proxima a été capturée par Alpha Centauri). L'âge d'Alpha Centauri, estimé entre 5 à 7 milliards d'années, nous donne donc aussi l'âge de Proxima et de sa planète tellurique Proxima b. Cette planète, potentiellement habitable, est donc plus âgée que la Terre (4,6 milliards d'années) d'environ un à deux milliards d'années. Proxima b est une cible prioritaire pour de futures sondes interstellaires, comme le projet Breakthrough Starshot .

Le travail a été mené par Pierre Kervella (CNRS / U. de Chile / Observatoire de Paris / LESIA, Frédéric Thévenin (Laboratoire Lagrange de l'Observatoire de la Côte d'Azur) et Christophe Lovis (Observatoire Astronomique de l'Université de Genève, Suisse). La Lettre est à paraître dans le journal Astronomy & Astrophysics.