« Les besoins humanitaires sont sensiblement les mêmes qu'il y a 10 ans »

Première Urgence - 14/04/2017 11:25:00


Camille Saulnier gère la mission Centrafrique pour Première Urgence Internationale. Elle revient sur la mission et les 10 ans de présence de l'ONG dans le pays.

Quelles ont été les évolutions des défis et besoins humanitaires ces dernières années en RCA ?

Malheureusement, une grande partie des défis qui existaient il y a 10 ans restent d'actualité. La situation sécuritaire dans le pays reste un défi constant alors que c'est la condition sinequanone du retour des populations réfugiées dans les pays limitrophes. Si la sécurité en RCA n'est pas assurée, il sera difficile d'espérer les retours massifs. Or actuellement, une certaine partie du pays reste toujours sous contrôle des groupes armés et le déploiement des forces de sécurité régulières n'est pas effectif sur une large partie du territoire.

Cette situation complique les interventions humanitaires en raison des problèmes d'accès et des risques auxquels sont exposés les acteurs humanitaires. De manière générale, elle ralentit la « reconstruction » du pays.

Outre les défis sécuritaires, l'absence de contrôle de l'Etat sur l'ensemble du territoire avec notamment le manque de déploiement de fonctionnaires dans certaines régions du pays impacte fortement la qualité des services de base destinés à la population.

Un autre défi pour les équipes : l'aspect logistique. Le manque d'infrastructures et les routes en très mauvais état rendent les déplacements des équipes ainsi que l'acheminement de l'aide et du matériel très compliqués. L'enclavement du pays, la faible disponibilité aux marchés locaux des matériels et matériaux, et le manque de qualité de certains produits ont un impact sur la rapidité de nos actions.

Les besoins humanitaires sont sensiblement les mêmes qu'il y a 10 ans. Nous mettons en place des réponses dans des secteurs d'activité identiques, seules les zones d'intervention changent selon la localisation des crises.

10 ans après l'ouverture de la mission, quel est l'enjeu pour Première Urgence Internationale dans le pays aujourd'hui?

En 10 ans de présence en République Centrafricaine, l'ONG est intervenue auprès des populations vulnérables dans 9 préfectures sur 16 au total dans le pays. La RCA, qui fait partie des « crises oubliées », est rarement en Une des journaux alors qu'une situation sécuritaire acceptable et un contexte propice au développement durable du pays peinent à s'installer depuis des années.

Si nous sommes capables de nous adapter au contexte, nous n'avons pas toujours les moyens de le faire. Les fonds fluctuent en fonction de l'actualité. Lorsque le calme relatif revient dans le pays, les financements diminuent et pourtant, nous savons, sur le terrain, que les besoins humanitaires restent importants. Suite au coup d'Etat de 2013 et aux événements qui l'ont suivi, plus de la moitié de la population centrafricaine reste dépendante de l'aide humanitaire.

Et pourtant en Centrafrique, il faut pouvoir à la fois agir sur les besoins structurels ainsi que sur les besoins conjoncturels. Les acteurs humanitaires doivent être préparés à répondre aux urgences récurrentes mais également aux besoins qui datent d'avant la dernière crise, tout en mettant en place des actions permettant la résilience des populations aux chocs potentiels. Il faut mettre en place des actions plus durables avec l'objectif d'accompagner la population vers l'autonomie.

Un enjeu majeur dans le pays est l'accompagnement au retour des personnes déplacées et réfugiées dans leurs villages et quartiers d'origine. La cohésion sociale est au coeur de ce défi afin d'assurer à nouveau une cohabitation paisible. En coordination avec d'autres acteurs, nous menons ce type d'actions à Bangui. Pendant 2 ans, nous avons travaillé dans le camp de déplacés de M'Poko, récemment fermé, tout en accompagnant les populations retournées dans les quartiers de Bangui. Ces personnes ont besoin d'être accompagnées dans la reconstruction de leurs maisons, détruites pendant les combats. Une fois réinstallées, elles doivent également subvenir à leurs besoins. Il faut donc permettre la reprise des activités professionnelles et le retour in fine à l'autonomie.

Les retours des réfugiés centrafricains du Cameroun commencent timidement. Un enjeu important pour nous est l'accompagnement de cette population, compte-tenu de notre présence des deux côtés de la frontière.