Une inflation modérée depuis le passage à l'euro

INSEE - Institut national de la statistique et des études économiques - 29/05/2017 11:10:00


De 2002 à 2016, les prix à la consommation ont augmenté de 1,4 % en moyenne par an. Cette inflation est inférieure à celle des quinze années précédentes (+ 2,1 % en moyenne entre 1986 et 2001). Pourtant, le passage à l'euro en 2002 a nettement accru la divergence entre la mesure de l'inflation et la perception qu'en ont les ménages. Cet écart s'explique en partie par le fait qu'ils sont plus sensibles à l'évolution des produits achetés fréquemment, dont ils se rappellent plus facilement le dernier prix valorisé en francs, une référence qui s'éloigne dans le temps au fil des ans. Or, si les prix de ces produits ont été revalorisés plus fortement lors du basculement vers de nouvelles grilles tarifaires psychologiques en euros, leur hausse depuis quinze ans n'est pas plus prononcée qu'au cours de la décennie précédant le passage à l'euro.

Marie Leclair, division des prix à la consommation, Vladimir Passeron, département de la conjoncture, Insee

Sommaire
Depuis 2002, une inflation relativement modérée au regard du passé
Des divergences accrues entre mesure et perception de l'inflation
Une modération commune à la plupart des grands postes de consommation

Depuis 2002, une inflation relativement modérée au regard du passé
Depuis quinze ans et le passage à l'euro fiduciaire en 2002, les prix à la consommation ont augmenté de 1,4 % en moyenne par an. C'est nettement inférieur au rythme moyen de l'après-guerre au milieu des années 80 (+ 10,1 % par an en moyenne). C'est aussi un peu moins qu'au cours des quinze années précédentes (+ 2,1 % entre 1986 et 2001), période au cours de laquelle le contre-choc pétrolier, les baisses de TVA, les politiques de convergence et de stabilité des prix, suite au traité de Maastricht, avaient permis d'entrer dans une phase d'inflation modérée qui dure encore. Enfin, cette hausse des prix depuis 2002 est proche de l'inflation mesurée en moyenne dans la zone euro (+ 1,7 % en moyenne par an).

Aussi, alors que les rythmes d'inflation fluctuaient beaucoup lors des Trente glorieuses, au gré des mesures de contrôle et de régulation des prix, la période actuelle se caractérise par de faibles fluctuations d'une année sur l'autre. Au cours des quinze dernières années, l'inflation n'a ainsi dépassé le seuil de 2,0 % qu'à quatre reprises (2003, 2004, 2008 et 2011), avec des causes extérieures en général bien identifiées, telles que les variations des conditions climatiques (produits alimentaires frais, en 2003, 2004 et 2008), l'environnement géopolitique (produits pétroliers, 2008 et 2011) ou des décisions de santé publique (tabac). Inversement, l'inflation a quasiment stagné en 2009, 2015 et 2016, avec à chaque fois un effet prépondérant du repli des cours internationaux de matières premières, notamment du pétrole.

Depuis 2002, l'indice d'inflation sous-jacente, qui exclut ces composantes volatiles de l'indice des prix, est lui aussi devenu peu fluctuant et modéré (+ 1,2 % en moyenne depuis 2002, + 0,5 % depuis 2013), au point même que c'est la thématique du risque de déflation qui a prévalu au cours des années récentes (Fortin et Milin, 2014).

Dans cette perspective historique, l'inflation des années qui ont suivi le choc du passage à l'euro au 1er janvier 2002 n'a pas été atypique. La conversion en euros des prix en francs a certes entraîné une hausse des prix, via notamment le basculement vers de nouvelles grilles tarifaires psychologiques en euros. Mais les évaluations menées à partir des données microéconomiques de prix ont conclu à un impact modéré du passage à l'euro, de l'ordre de + 0,1 % à + 0,2 % sur les prix (Gallot, 2002, Attal-Toubert et alii, 2002).

Des divergences accrues entre mesure et perception de l'inflation
Pourtant, juste après 2002, le ressenti de l'inflation par les ménages a divergé de la mesure qu'en donne l'indice des prix à la consommation. Cette divergence entre mesure et perception a longtemps perduré et ne s'est résorbée qu'au cours des années récentes. Plusieurs explications de cet écart persistant ont été avancées (Accardo et alii, 2011). Tout d'abord, l'indice des prix à la consommation se réfère à un panier de consommation moyen alors que les consommateurs retiennent probablement leur propre structure budgétaire. L'évolution des prix calculée avec des paniers différents de consommation (ceux d'un ouvrier ou employé urbain, par exemple) diffèrent cependant peu de l'inflation moyenne au cours des quinze dernières années. Ensuite, les ménages accorderaient plus d'importance aux prix en hausse qu'aux prix en baisse ou stables car ce sont les premiers qui peuvent constituer une menace pour l'équilibre de leur budget.

Autre explication, le consommateur observe d'autant mieux les variations de prix que les produits sont achetés plus fréquemment : il est par exemple plus particulièrement sensible aux hausses du prix du pain qu'aux baisses des appareils électroménagers. Or Gallot (2002) a montré que l'effet d'arrondi lors du passage à l'euro a été nettement haussier pour les produits fréquemment achetés (+ 0,3 point sur le pain et la pâtisserie, + 1,5 point pour la consommation dans les cafés, etc.), mais légèrement baissier pour les gros appareils électroménagers.

Enfin, la divergence accrue entre mesure et perception pourrait résulter de ce que les ménages ont gardé ancré dans leur mémoire le dernier prix connu en francs : ainsi pour la baguette, par exemple, ils auraient tendance à comparer son prix actuel (0,87 euro en moyenne) à son dernier prix de 2001, d'en moyenne un peu plus de 4,30 francs (0,66 euro). Par nature, cet écart s'amplifie au fil des ans à mesure que la date du passage à l'euro fiduciaire s'éloigne ; un tel ancrage dans le temps n'est susceptible de se produire qu'à l'occasion d'un changement de monnaie. La hausse de 32 % sur le prix de la baguette depuis le passage à l'euro apparaît forte mais elle correspond à une hausse annuelle moyenne de seulement (1,9 % par an, ce qui est un peu plus rapide que l'inflation d'ensemble mais sans rupture par rapport à la décennie précédant le passage à l'euro (figure 3). De même, les prix moyens des produits de consommation courante ont augmenté en 15 ans (de 40 centimes pour le paquet de café, de 6 centimes pour le paquet de pâtes, de 17 centimes pour le litre de lait UHT, etc. , figure 4), mais dans son ensemble, le rythme de hausse des prix des produits alimentaires, qui regroupent la plupart de ces produits achetés fréquemment, n'a quasiment pas varié entre la décennie précédant le passage à l'euro (+ 1,6 % en moyenne par an de 1991 à 2001) et les quinze années qui ont suivi (+ 1,4 % depuis 2002).

Une modération commune à la plupart des grands postes de consommation
Plus généralement, la relative modération de l'inflation depuis 2002 reflète celle de la plupart des grandes fonctions de consommation des ménages (figure 5). Ainsi les prix des services ont crû plus fortement que la moyenne (+ 2,0 %), mais moins fortement qu'au cours de la décennie précédant le passage à l'euro (+ 2,3 %). Les prix des produits manufacturés ont même reculé de 0,1 % en moyenne par an depuis 2002 alors qu'ils augmentaient nettement au cours de la décennie qui a précédé (+ 0,8 %) : les médicaments ont contribué à cette inflexion, ainsi que les biens électroménagers dont les prix ne cessent de reculer à qualité constante.

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