Le grand dessein chinois de la Métropole Aix-Marseille Provence

CCI : Marseille Provence - 07/11/2017 15:45:00

Enquête Forum économique franco-chinois. Les quelques éléments qui font que la Chine pourrait être un « business friendly » partenaire de la métropole du sud de l'Europe ? Le forum économique franco-chinois fin octobre à Marseille et pour la première fois hors de Paris aura délivré quelques données intéressantes. Enquête

« Celui qui n'a pas de vision lointaine aura des soucis proches ». D'un consul général de Chine, on n'attendait pas moins que l'expression d'une pensée chinoise dont on sait à quel point elle peut être infusée à la sagesse.

Mais ici, Zhy Lying fait référence à la « vision » portée par les « autorités locales » à laquelle il se dit « très sensible ». « Cela fait un an et deux mois que je suis à Marseille et j'ai été rapidement introduit dans tous les cercles économiques que je trouve extrêmement dynamiques. Cette ville cumule les atouts - géographiques, culturelles, économiques -, le crédit et le patrimoine positifs pour participer à toutes les initiatives chinoises », argumente le diplomate chinois basé à Marseille. Fait non anodin, Marseille est l'une des quatre « bases » en France de l'ambassade de Chine (avec Strasbourg, Lyon et Saint-Denis).

Le consul général s'exprimait en marge du forum économique franco-chinois, organisé fin octobre à Marseille à l'initiative de la Chambre de commerce et d'industrie de Chine en France, pour la première fois hors de Paris depuis sa création en 1998. Il a réuni au World Trade Center quelque 150 entreprises métropolitaines et 30 sociétés chinoises.

Messages martelés à cette occasion : Le monde est en profonde mutation. La Chine est en plein ouverture. La coopération économique et commerciale entre la France et la Chine se développe. Les relations avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur s'accélèrent. Mais le principal est ailleurs : le contexte général est surtout particulier.

« Ce grand projet, on ne peut tout simplement pas passer à côté »

La deuxième puissance économique mondiale est en effet en train de tisser une gigantesque toile de routes, de voies ferrées et de ports, préfiguration d'un nouvel axe commercial majeur - sous la forme de deux « routes de la soie », l'une terrestre, l'autre maritime - qui vont probablement transformer les équilibres économiques et politiques mondiaux (cf. Nouvelles routes de la soie : Une gigantesque toile de routes, de voies ferrées et de ports).

« Ce grand projet, on ne peut tout simplement pas passer à côté car il n'y en pas d'autres actuellement, aussi exhaustif, financièrement solide et ambitieux sur le marché mondial », pose Xavier Giocanti.

L'homme d'affaires parle volontiers de « plan Marshall » en faveur des échanges commerciaux pour décrire ce projet incarnant « la vision de la Chine ambitieuse » du président chinois Xi Jinping, visant à relier l'empire du Milieu aux continents européen et africain, avec d'un côté des voies terrestres traversant la Russie, l'Asie centrale et le Pakistan jusqu'à l'Europe orientale ; de l'autre, une route maritime reliant par les océans les pays émergents d'Asie du Sud-Est et du Sud, jusqu'à l'Afrique et l'Amérique du Sud. À ce niveau - 68 pays traversés - il faudrait davantage parler de masterplan Marshall !

Une réponse concrète à l'opportunité chinoise

L'homme d'affaires, que l'on connaît presque plus en tant qu'époux de la patronne de l'une des trois grandes institutions financières mondiales, le FMI, est avec Gurvan Lemée, le cofondateur de Resiliance, une société qui réalise des projets immobiliers à dominante tertiaire sur le territoire de la Métropole d'Aix Marseille, notamment dans les quartiers Nord. Un terrain qu'il connaît bien pour avoir été chef de projet sur les zones franches urbaines de Marseille.

La société, qui compte dans ses actifs 8 600 m² de bureaux et de locaux d'activités, est en train de concrétiser sur l'assiette foncière de 26 ha qu'elle possède en contrebas du centre commercial de Grand Littoral dans la ZAC Saint André (15e arr.) le Marseille International Fashion Center 68 (MIF 68), un centre de commerce de gros pour des importateurs chinois qui ambitionne de devenir la principale plateforme d'import-export entre la France et la Chine pour toute l'Europe du Sud et l'Afrique du Nord (cf. MIF68 : Future place forte du commerce de gros et d'importation d'Asie ?)

Le MIF 68 est posé très clairement comme « une réponse concrète à l'opportunité offerte par le président Xi Jinping », en étant comme un point d'arrivée de cet incroyable « Belt and Road Initiative » (l'appellation des nouvelles « routes de la soie »).

« Pourquoi ne pas espérer une part du gâteau », ne s'embarrasse pas Didier Parakian. Teintée d'opportunisme - une occasion de positionner la ville et son port comme « plateformes naturelles pour la Chine vers les marchés méditerranéens/africains » - la réponse vaut pour sa franchise et détonne un peu. Car le projet cher à Xi Jinping, qui vient d'être reconduit secrétaire général du Parti communiste chinois avec son Premier ministre, Li Keqiang, pour les cinq prochaines années, ne génère pas en Europe de grandes réactions si ce n'est des analyses, ici et là dans les régions, sur le calcul des opportunités économiques et commerciales.

Sur la métropole Aix-Marseille Provence, on voit l'affaire comme une mine d'opportunités. Et dans certains faits, des facteurs encourageants. Depuis des décennies, ses villes sont jumelées à plusieurs mégapoles chinoises (Marseille et Shanghai ; Cassis et Chengdu ; Paca et la province de Guangdong ...). Et les échanges se sont accélérés ces derniers temps.

Une vingtaine d'entreprises à l'actionnariat chinois

« Le nombre de délégations chinoises reçues à Marseille a même explosé cette année, appuie Didier Parakian : sur les neuf premiers mois de l'année 2017, on a déjà eu 17 délégations d'entreprises ou de villes contre quatre en 2016 ».

Le 6 mars dernier, une délégation chinoise composé d'officiels et de chefs d'entreprise, conduite par Zhang Hua, responsable du Bureau de promotion de l'investissement de la ville de Pékin, était à Marseille pour signer un accord de coopération avec l'Europe-China Investment Association dans le but de promouvoir les investissements chinois à Marseille.

À ce jour, 18 entreprises locales sont connues pour leur actionnariat chinois, pour certaines via leur participation dans des entreprises françaises : ainsi de China Merchants Holding International (CMHI) via Terminal Link, filiale de CMA-CGM, du groupe Louvre Hotels, propriété du groupe chinois Jin Jiang, via l'hôtel Golden Tulip au sein d'Euromed Center et un Campanile près du Parc Chanot ou du franco-chinois Wiko, détenu par Tinno, un fabricant de smartphones basé à Shenzhen, mais dont le siège est à Marseille où il emploie 200 personnes, sur un total de 500 salariés.

Toutefois, la Chine ne figure qu'au 10e rang en tant qu'investisseur en région PACA selon une étude menée par l'Agence régionale de l'innovation et de l'internationalisation des entreprises (janvier 2017).
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Adeline Descamps

PLUS D'INFORMATION

Photo: Visite du premier Ministre Chinois LI Keqiang au siège du Groupe CMA CGM avec Roldophe Saadé, en juillet 2015. A cette occasion, le CMA CGM ORFEO, navire symbole des relations commerciales franco-chinoises et décoré aux couleurs de la Chine, était exceptionnellement positionné en rade de Marseille. ©CMA CGM